Mur des Fermiers généraux
Nouveau plan routier de la Ville et Faubourgs de Paris, avec ses Principaux Edifices et Nouvelles barrières / par M. Pichon (extrait), BNF/Gallica.
[Au début des années 1780, sur la rive gauche, à partir du quai, on distingue trois barrières implantées à l’est de l’esplanade des Invalides]. Q1 1101, Mémoire sur la clôture de Paris (extrait).
[Le bureau de la route de Fontainebleau (place d’Italie), composé de deux bâtiments, a été proposé au ministre d’après le devis de l’architecte le 1er avril 1785, comme une dépense de 110 000 livres. Plus 7800 livres pour des changements accordés le 23 septembre 1786 et 38000 le 16 février, le tout montant à 155 800 livres. Cependant, cette dépense s’élèvera à environ 400 000 livres]. AN, N/III/Seine/826 (extrait).
[La barrière du Roule est représentée en rouge. Les numéros 2, 9 et 18 correspondent à des terrains acquis afin de réaliser le « passage de circonvallation », c’est-à-dire la zone où se construit le mur avec les deux chemins. Le n°2 est un terrain de plus de 2 perches (près de 7000 m2)]. BHVP, Ms 3160 et Ms 3161, Collections de plans des différents bureaux des barrières de Paris, Plan général du bureau des Bonshommes sur la route de Versailles.
[Il s’agit de la fameuse « barrière de la Conférence incendiée », dessinée par Jean-Louis Prieur. Le bureau longe le quai de Seine (à l’extrémité gauche sur le plan). Le bâtiment présente une façade surmontée d’un fronton, décorée de sculptures. Au rez-de-chaussée, un portique ouvre sur six colonnes doriques. A gauche et à droite du bâtiment, dans le prolongement des grilles, deux guérites en pierre supportent les figures de la Bretagne et de la Normandie. La barrière possède une immense cour clôturée dans laquelle de nombreux bâtiments sont construits]. Plan de la Ville de Paris avec sa nouvelle enceinte levé géométriquement sur la Méridienne de l’Observatoire… parachevé en 1791, par le citoyen Verniquet (extrait), BNF/Gallica.
[La clôture avec son boulevard planté contourne au nord le château de La Bouëxière ; à gauche, la barrière Clichy ; à droite, la barrière Blanche]. BHVP, Ms 3160 et Ms 3161, Collections de plans des différents bureaux des barrières de Paris, Plan du bureau des Amandiers.
[Ledoux avait conçu un bâtiment sur un plan circulaire d’un diamètre de 60 pieds, élevé sur un stylobate carré de 75 pieds de base. Les devis élevés décidèrent les architectes à construire un petit bâtiment en forme de parallélogramme, mais la fin de l’octroi décidée en 1791 interrompit tous les travaux et le bâtiment resta à l’état de ruine, avant qu’il soit totalement rasé. Seules deux guérites furent édifiées]. Plan de la Ville et Faubourg de Paris divisé en ses 48 sections, décrété par l’Assemblée Nationale le 22 juin 1790, BNF/Gallica.
[Les numéros renvoient au nom des sections qui sont délimitées par des traits de couleur. La nouvelle enceinte enveloppe la ville. Les barrières sont représentées par un simple petit carré noir. Notons que les limites nord de Paris ainsi que les barrières rattachées apparaissent à peine sur le plan]. [L’emplacement de sept anciennes barrières est indiqué dans la partie Est de la ville. Elles sont en activité en 1789 alors que le mur et les nouvelles barrières ne sont que partiellement achevés. Cinq des sept barrières sont implantées le long de l’actuelle rue Saint-Maur. Cette voirie existe déjà à la fin du XVIIIe siècle. Les nouvelles barrières seront officiellement opérationnelles à partir de juin 1790. Celles-ci sont établies sur les boulevards de la Villette et de Belleville. Entre les anciennes et nouvelles barrières, une distance de près de 400 mètres les sépare].
Les limites fiscales et les
barrières au XVIIIe siècle: Les barrières et les bureaux de perception
existent au moins depuis le début du XVIIIe et coïncident
avec les limites de la ville. Les barrières sont des
points de passage et de contrôle des marchandises qui
pénètrent dans la ville. Ainsi, toute personne qui
souhaite entrer dans la ville, chargée de denrées ou de
matériaux, doit au préalable s’acquitter d’une taxe aux
barrières que l’on
appelle les droits d’entrée. Sans former une démarcation
nette avec la banlieue, les barrières permettent du moins
de circonscrire le territoire fiscal de Paris. Dans la
deuxième moitié du XVIIIe siècle, les boulevards du
Midi ou Nouveau Cours servent à délimiter la ville et les
barrières y sont fixées. Ainsi, sur la partie méridionale,
la première barrière est disposée près du fleuve sur le
quai de la Grenouillère (quai d’Orsay), à l’est de
l’esplanade des Invalides ; les barrières sont ensuite
positionnées sur le Nouveau Cours (actuel boulevard des
Invalides) et sont implantées sur le boulevard planté
(boulevard du Montparnasse) jusqu’à Port-Royal. Le Nouveau
Cours bifurque ensuite vers le sud sur la route d’Orléans
(avenue Denfert-Rochereau) où sont établies quelques
barrières. A partir de la place d’Enfer
(Denfert-Rochereau), en allant vers l’est, les barrières
sont placées légèrement au nord du boulevard planté ainsi
qu’au sud de l’hôpital de la Salpêtrière avant qu’une
dernière barrière, disposée près de la Seine, vienne clore
cette limite. Au total, plus d’une vingtaine de barrières constituent le
bornage fiscal dans cette partie de la ville et
aboutissent pour l’essentiel au niveau des grands axes
routiers. Pour la partie septentrionale, le décompte est
plus problématique, car de nombreuses barrières sont
déplacées ou créées dans de nouveaux endroits en fonction
de l’accroissement urbain. On peut ainsi trouver dans un
rayon de quelques dizaines de mètres quatre barrières qui
s’incrustent dans le tissu urbain afin d’éviter une fraude
considérable. Les quartiers situés au nord, ceux de La
Pologne et de la Nouvelle-France, particulièrement
surveillés, sont réputés être des zones de fraude majeure
malgré la présence de la caserne des Gardes-françaises au
sud du clos Saint-Lazare. Une bonne trentaine de barrières
sillonnent la partie septentrionale, débutant sur la rive
droite, à l’extrémité ouest du Cours-La-Reine (actuel pont
de l’Alma) avant de continuer sur la route de
Saint-Germain (au niveau du métro Georges V) pour aboutir
au sud du jardin du duc de Chartres (parc Monceau). Le
tracé des barrières suit un parcours vers l’est en
empruntant les actuelles rues de la Pépinière,
Saint-Lazare, Lamartine. Ensuite, les barrières sont
placées aux extrémités nord des faubourgs Saint-Denis et
Saint-Martin et mènent au sud de l’hôpital Saint-Louis. A
partir de là, le tracé fiscal borde l’actuelle rue
Saint-Maur où il est interrompu par l’ancien hôpital de la
Roquette avant de reprendre son parcours au niveau de la
place du Trône (place de la Nation). Enfin, pour rejoindre
la Seine, l’itinéraire longe
le sud et s’achève par les barrières de Bercy et du quai
de la Râpée. En comptabilisant les deux portions de
l’espace parisien, c’est environ 55 barrières qui
ponctuent le bornage fiscal.
Un chantier hors-norme aux
multiples rebondissements. Si l’embellissement de la
capitale est un enjeu de taille pour les autorités en
place, cet aspect ne demeure pas prioritaire : c’est bien
la fraude qui préoccupe
avant tout la Ferme. Dans le dernier tiers du
XVIIIe siècle, le produit des droits d’entrée à Paris atteint difficilement
36 millions de livres (les boissons représentant plus de
55% des taxes parisiennes), ce qui représente néanmoins 7%
du total des recettes de l’Etat royal. Pour le
gouvernement et la Ferme qui espéraient un revenu de 48
millions, le manque à gagner de 12 millions résulte de
deux causes majeures. D’une part, la croissance urbaine
des faubourgs à la frontière de la ville recoupe la limite
fiscale et c’est précisément dans ce secteur extra-muros
(territoire non taxable) que les cabarets et guinguettes s’installent, évitant
ainsi d’acquitter les droits d’entrée. Ainsi, dans le nord
de Paris, dans le secteur des rues des Martyrs et
Sainte-Anne (rue du faubourg-Poissonnière) des dizaines de
débits de boisson se fixent et offrent à leur clientèle du
vin ou de l’eau-de-vie à des prix quatre fois moins élevés
qu’à l’intérieur de la ville. Ces lieux de consommation
donnent sur la rue, mais possèdent également à l’arrière
des cours fermées par lesquelles il est aisé de
transporter des boissons en les faisant pénétrer
illicitement dans la ville. Ce sont ces doubles issues,
des faux passages, souvent dénoncés par la Ferme, qui sont
scrutés par l’administration. D’autre part, en élargissant
les limites de la ville et en y intégrant certains
faubourgs déjà peuplés, on augmente le nombre d’habitants
qui seraient de fait assujettis aux droits d’entrée.
Bon
nombre de responsables, dont Lavoisier, fermier général,
cherchent ainsi une solution à la fraude en envisageant de
construire une enceinte de murs sur le périmètre
territorial, d’autant que les barrières sont loin d’être
hermétiques et sont constituées « d’une grossière clôture
en planches sur laquelle s’appuyait une guérite pour les
commis des droits d’entrée et qui n’offrait, dans le jour,
que le passage d’une seule voiture ». Dès la fin des
années 1770, on se penche donc
sur la construction d’un mur sur toute la circonférence de
Paris en menant une réflexion sur la démarcation urbaine.
Les officiels ne raisonnent plus sur des portions
d’espace, mais sur la totalité de l’étendue parisienne.
Mollien, en tant que premier commis au contrôle général
des Finances, sous les ordres de Colonia, alors directeur
des Fermes, avait remis un mémoire sur les limites de la
capitale et sur le bail de la Ferme, mais aucune décision
véritable ne fut prise à ce moment. Il faudra attendre
l’arrivée au pouvoir de Calonne pour exécuter ce plan
d’envergure d’enclore entièrement la ville.
Les Fermiers
généraux soumettent le projet en février 1784 à Calonne, le contrôleur général des
finances, qui accepte immédiatement. Celui-ci sollicite
Breteuil, ministre de la Maison du roi et responsable de
la ville de Paris
qui, à son tour, remet l’étude préparatoire
au bureau de la Ville sur la construction d’une enceinte
partielle qui enfermerait uniquement le sud de Paris,
entre l’hôpital général de la Salpêtrière et le chemin de
Fontainebleau (place d’Italie), l’idée de la Ferme étant
de profiter de l’obstacle naturel du mur d’enceinte de
l’hôpital. Puis, le projet devient plus ambitieux et,
cette fois, on envisage d’enceindre la totalité de la
ville. Sur la rive gauche, profitant de l’aménagement déjà
existant du boulevard planté, on décide d’englober, en
plus du faubourg Saint-Marcel, Vaugirard, le Champ-de-Mars
et le Gros-Caillou. Sur la rive droite, le mur doit cerner
Picpus et se diriger ensuite vers le nord en incluant une
partie des quartiers de Ménilmontant, de la Villette et
des Porcherons, puis se prolonge à l’ouest par la Petite
Pologne et Chaillot avant d’aboutir sur le quai de la Seine, au niveau du couvent
des Minimes (au sud de l’actuel pont d’Iéna). Lorsque
l’opération prend véritablement forme quelques mois plus
tard, ce plan, dans ces grandes lignes, sera respecté. Il
ne manque que l’accord final du roi qui intervient le 23
janvier 1785 pour démarrer
l’entreprise. Pour s’atteler à cette œuvre hors du commun,
la Ferme fait appel à l’architecte Claude-Nicolas Ledoux.
Les travaux commencent sur la rive gauche à partir de
l’automne 1784 (avant même la
décision royale) et débutent sur la rive droite en 1787.
Entre
1784 et 1787,
Ledoux peut compter sur le soutien indéfectible de Calonne
avec lequel il partage une même ambition, celle de laisser
une marque durable dans l’Histoire. L’architecte, ayant
l’aval du ministre, n’a aucune contrainte, et il peut
aspirer à des rêves grandioses. Ledoux dépense alors sans
compter. Initialement, l’architecte avait prévu un coût de
6 millions de livres pour la clôture ; en 1790, le Mur (achats de
terrains, travaux de terrassement, édification de
l’enceinte, création des boulevards, construction des
édifices et guérites…) revient à plus de 20 millions de
livres. Ledoux laisse libre cours à ses envies qui lui
permettent de concrétiser un rêve qu’il avait commencé à
mettre en œuvre une dizaine d’années plus tôt lors de la
construction de la saline d’Arc-et-Senans. A Paris, comme en Franche-Comté, l’architecte fonde sa démarche à la recherche
d’une ville idéale où les aspects politiques et
économiques doivent être en symbiose avec les aspects
sociaux et moraux. Les barrières sont ainsi des édifices majestueux et luxueux qui
s’inspirent des Propylées d’Athènes. Les emprunts à
l’Antiquité grecque ou romaine participent au souffle
créateur de Ledoux. Les bâtiments se déclinent en
rectangle, en carré, en triangle, en croix grecque avec
une coupole. Les pavillons sont composés de péristyles aux
colonnes doriques, toscanes, carrées, à bossage ou
couplées. Les façades en arcades sont munies d’un fronton
triangulaire. Pour de nombreux édifices, des bas-reliefs
ornent l’entablement. En somme, une palette de formes qui
montre l’étendue de la richesse architecturale et
ornementale de l’œuvre de Ledoux.
Les crises financières et
politiques de la France précipitent la chute de Calonne au
printemps 1787 et,
indirectement, celle de Ledoux. L’heure n’est plus aux
dépenses dispendieuses et la clôture fiscale en est la
première victime. Les dépenses engagées dépassent de loin
les devis initiaux et inquiètent le pouvoir. Dès juillet
1787, Louis XVI
reconnaît que « l’étalage fastueux ne correspond pas à des
bureaux destinés à percevoir l’octroi, contraire à l’objet
même d’une entreprise qui n’a été formée que dans des vues
d’économie ». Une commission, comprenant Antoine et
Raimond, architectes du roi, est nommée le 7 septembre
1787 pour visiter « les
travaux de la clôture, dont les dépenses excédaient déjà
la somme qui était annoncée ». Le 25 novembre, un arrêt du
Conseil ordonne la suspension des travaux jusqu’à l’examen
final des édifices. Ledoux se fait alors prier pour
remettre les devis et plans à la commission. La fuite en
avant commence pour l’architecte. Ce dernier sait
pertinemment que ses somptueux bureaux sont menacés et les
économies qu’il propose (un peu moins de 900 000 livres
pour la totalité des bureaux) sont jugées insuffisantes.
Il tente alors de sauver son œuvre, précipite les travaux,
accumule les matériaux et fait tailler les chapiteaux des
bâtiments, faisant en sorte que « façonnées pour leur
destination, les pierres ne peuvent pas être employées à
une autre chose ».
Au début de l’année
1788, les architectes remettent au nouveau
ministre Loménie de Brienne un rapport accablant. Ceux-ci
– pour ne citer que quelques exemples significatifs –
notent que les deux pavillons de l’Etoile, chiffrés par
Ledoux à 96 000 livres, devraient coûter plus de 500 000
livres. Les deux pavillons de la barrière de Fontainebleau
(place d’Italie) furent estimés à 110 000 livres ; après
inspection, la commission prévoit une dépense d’au moins
400 000 livres. Sur la rive gauche, les deux pavillons qui
composent le bureau
d’Orléans (place Denfert-Rochereau)
voient leur prix être multiplié par trois, passant de
140 000 à 430 000 livres. Finalement, le 23 mai 1789, la disgrâce de Ledoux
tombe et Necker, qui remplace Loménie de Brienne, lui
annonce officiellement son renvoi.
La construction du Mur
des Fermiers. A l’automne 1787, dans la partie méridionale, entre les barrières de la
Gare (sur le quai, à l’est de la Salpêtrière) et de la
Cunette (face au pont de Bir-Hakeim), les bâtiments et le
mur sont globalement terminés. Seule une portion de
l’enceinte, entre la rue de Sèvres et le sud des
Invalides, n’est pas encore édifiée. En
1789, il reste deux bureaux inachevés
(Vaugirard et Sèvres), mais les grilles en fer des
barrières sont placées dans l’alignement du mur et
abritent les employés et les chasseurs aux barrières
(garde nationale soldée, spécialement affectée à la
surveillance de l’octroi).
Dans la partie septentrionale,
formant un arc de cercle entre la barrière de la Conférence et le quai de la
Râpée, les pavillons et le mur sont à peine commencés en
1788 et les tronçons sont
mis en service à des dates différentes. Comme sur la rive
gauche, à défaut d’avoir terminé le mur, on dresse une
palissade en bois en de nombreux endroits. Faute de
s’entendre avec des propriétaires qui exigent, pour les
parcelles, des sommes prohibitives ou qui ne souhaitent
pas les vendre, l’administration localise la clôture sur
une autre trajectoire, ce qui a des conséquences sur le
circuit initial. En effet, le mur n’est pas rectiligne à
l’est de la barrière de Clichy et l’enceinte forme un
angle rentrant, contournant au nord l’immense propriété du
château de La Bouëxière (actuel lycée Jules Ferry). Dans
le prolongement de la barrière du Trône jusqu’à la Seine, les travaux ont pris
du retard et aucun édifice n’est achevé. Pour pallier cet
inconvénient, la Ferme a disposé des bureaux provisoires
et a loué à des particuliers des maisons qui servent de
logements de fonction et de surveillance.
Lorsque la
totalité de la clôture fiscale est mise en service en
1790, 55 barrières sont
prévues sur le pourtour parisien : 35 barrières sont
implantées dans la partie septentrionale sur une longueur
de 16 km alors que la partie méridionale compte 20
barrières sur 7 km. Sur les 55 barrières, 13 sont
composées de deux bâtiments identiques et symétriques
(Etoile, Belleville, Trône, Fontainebleau, Maine, d’Enfer,
Ecole Militaire…) et les bureaux disposent à l’arrière des
cours fermées dans lesquelles des bâtiments annexes sont
construits pour le service des droits d’entrée. Toutes les
barrières disposent de guérites en pierre (postes de
surveillance et d’inspection) aux entrées de la ville. De
nombreuses barrières ne sont pas équipées de bureaux de
perception ; ce sont des postes d’observation ou de renvoi
(barrières de la Fosse aux lions, de l’angle de
Montparnasse, des Rats…) qui n’ont ni ouverture ni passage
dans le mur, permettant une vigilance le long de la
clôture tout en contraignant les marchands à se rendre au
bureau de perception le plus proche. Sur la circonférence
du mur, le réseau des barrières est extrêmement dense :
les bureaux sont proches les uns des autres, une distance
moyenne de 400 m les sépare. Associée au chemin de ronde à
l’intérieur de la ville, la concentration des barrières
rend les inspections et les patrouilles plus efficaces
contre la fraude. Comme l’a
souhaité Ledoux, les bâtiments de la clôture sont à la
fois des lieux de perception des taxes et des lieux de vie
pour les employés de la Ferme.
L’emplacement des barrières et les limites
de la ville obéissent à une certaine logique. Les bureaux
les plus majestueux et imposants sont fixés au débouché
des grands axes routiers, privilégiant une orientation
nord-ouest/sud-est où les deux barrières de l’Etoile et du
Trône glorifient la monarchie. En édifiant au nord-est la
barrière Saint-Martin (la rotonde de la Villette), Ledoux
choisit d’établir l’immense bureau à égale distance des
routes du Bourget et de Pantin qui conduisent
respectivement vers la Flandre et l’Allemagne. Le bornage de la ville s’arrête là où les
densités de bâti et de population sont plus lâches, là où
un vide humain existe. La plaine de Grenelle, peu habitée,
est, en cette fin du XVIIIe siècle, un vaste champ de
culture, difficile à exploiter à cause des terres
marécageuses aux abords de la Seine et l’enceinte exclut ce territoire. Au nord ou à
l’est de la capitale, la formation du mur répond à
d’autres critères topographiques en tenant compte du
relief qui est un élément déterminant. L’enceinte se fixe
dans des zones où les ruptures de pente deviennent fortes
ou qui viennent buter sur des rebords de colline
(Montmartre, Belleville, Ménilmontant), où la culture de
la vigne sur les coteaux côtoie les carrières de gypse.
En
vain, on chercherait à donner une date d’achèvement du Mur
des Fermiers, tant les péripéties furent multiples. En
1860, date de l’annexion
de nombreuses communes qui crée un nouveau Paris élargi,
la clôture et les pavillons, devenus inutiles et
encombrants, commencent à être démantelés. Pourtant
jusqu’à ce moment fatidique qui marque la disparition
du Mur des Fermiers généraux (mais non la fin de
l’octroi), les autorités se soucient de la clôture
fiscale. Alors que les lettres patentes du roi du 9 juin
1790 fixent
définitivement le territoire fiscal de la ville, il reste
des pavillons qui ne sont pas finalisés (barrières
Poissonnière, Rochechouart, Villette, Pantin…) ; d’autres
sont érigés en partie, mais rapidement détruits (Barrières
des Amandiers, de la Râpée). Pour les barrières Vaugirard,
Sèvres, Clichy, Saint-Denis ou Ménilmontant, Ledoux avait
prévu deux pavillons semblables de part et d’autre des
routes ; cependant, là encore, pour des raisons
d’économie, un seul édifice sera bâti pour chaque
barrière. En mai 1791, moins
d’un an après l’installation officielle de la clôture,
l’Assemblée vote la suppression des taxes aux entrées des
villes. Si les grilles sont démontées et vendues par la
municipalité, le mur n’est pas abattu ni les pavillons qui
sont loués à des particuliers, mais faute d’entretien, les
édifices dépérissent. Les appétits fiscaux poussent le
Directoire à rétablir l’octroi en 1798. Sous la Restauration, la barrière de la Folie
Renaud est détruite ; à la place, on installe deux
guérites en pierre qui encadrent la rue de la Roquette.
Les barrières proches de l’hôpital de la Salpêtrière (de
la Gare, de la Voyerie, d’Ivry) sont rasées et remplacées
par d’autres (qui conservent leur appellation initiale) le
long du futur boulevard Vincent Auriol. Inversement, de
nouveaux bureaux sont aménagés en 1836
et 1852 dans le mur à
l’intérieur du jardin du Trocadéro (barrières de Franklin
et des Batailles) ou dans la partie sud, vers 1840, entre les barrières de
l’Ecole Militaire et de Grenelle (barrière de la
Motte-Picquet).
La clôture fiscale mobilise pendant plus de
six ans (1785-1790) des centaines d’ouvriers
spécialisés qui s’affairent quotidiennement à la taille
des pierres des édifices, des guérites, des colonnes, ou à
la construction de la toiture, pendant que les manœuvres,
plus nombreux, issus des ateliers de charité, s’occupent
du terrassement et du pavage des nouveaux boulevards. La
ville connaît alors une extension territoriale
conséquente, passant de 1330 à
plus de 3300 hectares sur un périmètre de 12 000 toises
(un peu moins de 24 km). Ainsi, le premier boulevard
périphérique est érigé – bien avant celui du XXe siècle –
jalonné de 55 magnifiques portes d’entrée, avec ses
quelque 70 pavillons, encadrés par les guérites en pierre
et les grilles en fer forgé. Malgré son coût démesuré,
le Mur des Fermiers généraux demeure, incontestablement,
le chantier du siècle. Ledoux plante – suivant la
pertinente formule de Daniel Rabreau – le décor des
entrées avec une parure sans pareille où la représentation
du pouvoir est symbolisée avec magnificence. Un faste
déployé au service de l’impôt, devrait-on ajouter, ce qui
ne fut guère accepté par l’opinion publique.
Sources et références bibliographiques:
-
Sources archivistiques:
- AN, F7 477411, Papiers de Ledoux.
- AN, T 705, Papiers de Colonia.
- AN, Q1 1100, Clôture de Paris (1542-1790).
- AN, Q1 1101, Clôture de Paris (1731-1789) : -Décisions générales sur l’ordre et la marche des travaux de la clôture de Paris -Mémoire sur la clôture de Paris -Chronologie des lois et opérations sur les limites -Projet de loi pour la clôture de Paris -Etat de la situation de la clôture de Paris en janvier 1790 -Terrains à acquérir pour la nouvelle enceinte de Paris.
- BHVP, Ms 3160 et Ms 3161, Collections de plans des différents bureaux des barrières de Paris.
-
Sources imprimées:
- Bibliothèque historique de la ville de Paris (BHVP), Ms 3159, Ensemble de documents relatifs à la clôture de Paris.
- Comte Mollien, Mémoires d’un ministre du trésor public, 1780-1815. Avec une notice par M. Ch. Gomel, tome 1, 1898.
-
Bibliographie scientifique:
- Momcilo Markovic, Paris brûle ! L’incendie des barrières de l’octroi en juillet 1789, L’Harmattan, 2019.
- Daniel Rabreau, Claude-Nicolas Ledoux, Editions du Patrimoine/Centre des monuments nationaux, 2005.
- Jean-Marc Peysson, Le mur d’enceinte des Fermiers généraux (1784-1791) : politique, économie, urbanisme, 2 volumes, thèse de 3ème cycle, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 1983.
Mur des Fermiers généraux » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 21/11/2024
DOI :