Minot
Certaines provinces n’utilisaient pas le minot comme
mesure, mais d’autres unités comme le picotin ou
quarteron en Artois ou l’émine en Provence, de sorte que les employés des Fermes
avaient du mal à établir leurs contrôles et juguler
les versements vers les provinces de Grandes gabelles. L’édit d’août 1661
ordonna qu’il serait déposé au greffe de la Cour des aides de Paris une matrice sur laquelle
devaient être échantillées toutes les mesures de sel. Des
matrices furent également déposées à Lyon, Saint-Esprit, Montpellier et Toulouse
pour les pays de petites gabelles. En Provence, une matrice fut déposée en différents lieux,
tant aux salins de Berre,
Hyères, Sainte-Marie et Badon, et pour les emplacements,
dans les greniers et entrepôts de la province. L’émine fut
donc remplacée par le minot. En 1726, l’arrêt du 21 mai ordonna que l’échantil des
mesures nécessaires pour le service des salins, entrepôts,
greniers et chambres
de l’étendue des Petites gabelles, serait fait uniformément dans les juridictions
des gabelles où les matrices étaient déposées.
L’échantilleur à Montpellier se rendit donc à Toulouse,
Lyon et dans les salines
comme Peccais, Peyriac et
Sigean, à l’effet de
procéder à l’échantil des mesures en présence des
officiers des gabelles.
Enfermées dans un coffre à deux
clés, les matrices étaient sous le contrôle de l’adjudicataire de la
Ferme générale et d’un visiteur des mesures. Jacques
Verchère, pourvu de la charge de visiteur général des gabelles de Lyon en
1714, fut confronté dès cette année-là aux
plaintes des revendeurs de sel à petites mesures car le
tarif du prix du sel fixé par la déclaration du 25
novembre 1687 et par arrêt de
la Cour des aides du 17 janvier 1690 à 64 litrons par minot
était trop fort. Ils menaçaient d’abandonner le service.
Verchère dressa le procès-verbal de l’état des matrices de bronze servant à échantiller les mesures dont on se servait pour délivrer le sel au peuple en 1718. L’échantilleur juré trouva en effet que le minot ne contenait pas 63 litrons. Dès lors, le visiteur des mesures accepta la requête des revendeurs et fixa la
mesure du minot à 62 litrons. En Normandie, Jean-Baptiste Michel Coulon, jaugeur
visiteur des mesures à sel, garde des étalons des
mêmes mesures, avait obtenu ses provisions d’office
en 1749 à la suite de la
démission en sa faveur de Claude-Joseph Commare. Il estimait que c’était à lui de jauger et
étalonner les mesures dont se servaient les revendeurs
(demi-litron, quart de litron, demi de quart de litron,
mesurette) et les collecteurs (quartes, demi-quartes,
mesurettes litron et demi-litron) et de marquer chaque
année toutes ces mesures.
Les mesurages et contre
mesurages du sel dans les dépôts de greniers devaient se
faire au minot avec une trémie, de douze en douze. Sous la trémie se trouvaient des tire-minot,
c’est-à-dire des mesureurs ou palayeurs qui étaient soit
officiers de leurs charges, soit employés de la Ferme. Il
importait aux consommateurs que le mesurage du sel fût
public. Cette liberté de « voir mesurer le sel » était
reconnue par l’ordonnance des gabelles de 1680
(article 19 du titre 18). Or, plusieurs receveurs de greniers se servaient
encore en 1735 indifféremment
de leurs valets ou de personnes inconnues pour faire
mesurer le sel, lesquelles n’avaient point prêté le
serment requis, ce qui occasionnait des « murmures
injurieux ». Par ailleurs, le public se plaignait de
l’altération des minots que les receveurs négligeaient de faire échantiller,
ce qui pouvait aussi donner occasion aux revendeurs de
frauder les pauvres pour se dédommager de la perte qu’ils
souffraient.
A partir de 1696,
le minot fut mesuré à la trémie à deux grilles. L’uniformité des trémies assurait
normalement l’unité de la mesure du minot de sel dans tout
le royaume. En réalité, bien des approximations existaient
encore. Dans les pays de Petites gabelles par exemple, il fallut attendre
1748 pour que le ministre
Machault d’Arnouville réduisît à un seul lieu,
Montpellier, la fabrique des trémies. Lyon,
Toulouse et Saint-Esprit perdirent donc cette prérogative.
A cette époque, les
contestations se multipliaient en effet entre
voituriers et muletiers d’une part, et receveurs des
chambres et greniers, contrôleurs
d’entrepôts d’autre part, sur les minots,
demi-minots, quarts de minots livrés et reçus. Administrativement, le minot correspondait à
l’unité fiscale d’achat imposée sur les paroisses. Dans
les pays de Grandes gabelles, un minot de sel devait être vendu pour 14
personnes de plus de huit ans. En réalité, de grandes
variations existaient, non seulement entre les provinces
au régime fiscal différent, mais au sein même des
provinces. En 1738, Helvétius rapporta les
chiffres suivants : Direction de
Charleville : 7 « personnes» au minot ;
Grenier de
Château-Porcien : 10 « personnes» au
minot ; Direction de
Châlons-sur-Marne : 8 ou 9 « personnes »
au minot. Dans les lieues limitrophes, la consommation s’établissait
règlementairement à un minot pour sept personnes.
Sources et références bibliographiques:
-
Sources archivistiques:
- AD Rhône, 6C 19, activités de Jacques Verchère, visiteur des gabelles, 1714-1718.
- AD Rhône, 6C 23, lettre de Mongirod, procureur du roi aux gabelles du Lyonnais, à M. Jacques Verchère, juge visiteur, 4 mai 1735.
- AN, G1 23, f° 7.
- AN, G1 91.
-
Sources imprimées:
- Ordonnance des gabelles de mai 1680, articles V. et IX. du titre III.
- Arrêt du Conseil du roi pour l’Echantil des Mesures dans les Petites Gabelles, 6 août 1748.
- Arrêt du Conseil d’état qui maintient les officiers des greniers à sel de la province de Normandie dans le droit et la possession d'inspecter, vérifier et visiter, tant les mesures dont les collecteurs doivent se servir pour la distribution du sel d'impôt, que les mesures et poids servant aux regrattiers pour la revente du sel, 12 juin 1770.
- Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, article Minot.
- Buterne, Dictionnaire de législation, de jurisprudence et de finances sur toutes les fermes unies de France, Avignon, 1763, p. 265-267.
-
Bibliographie scientifique:
- Gérard Gayot, « La ferme générale dans les Ardennes en 1738. Le témoignage d'Helvétius », dans Dix-huitième Siècle, n°3, 1971, p. 73-94.
- Jean-Claude Hocquet, « Structures métrologiques et développement des anciens systèmes de mesure : le commerce et les transports », dans J.-C. Hocquet, I. Kiss, H. Witthöft (éd.), Metrologische Strukturen und die Entwicklung der alten Mass-Systeme, (Actes du colloque de métrologie historique, 16e congrès international des sciences historiques, Stuttgart, août 1985), St. Katharinen, 1988, p. 25-48.
- Jean-Claude Hocquet, « Le mesurage des sels sur les marais de l’Atlantique français », dans Le sel de la Baie : histoire, archéologie, ethnologie des sels atlantiques, Rennes, PUR, 2006.
Minot » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 21/11/2024
DOI :