Brigade, brigadier
Le coût d’une brigade variait selon
les effectifs, mais dans l’ensemble, ce personnel revenait
assez cher à la compagnie. Un capitaine de brigade était
payé autour de 1 000 à 1 200 livres au milieu du XVIIIe
siècle, un brigadier 600 livres, un sous-brigadier 500, et
un garde autour de 400 livres. La compagnie tenta de
circonscrire ce coût à partir des années 1770. Cette année-là par exemple, on
proposa à la direction de
Châlons de réduire les forces pour
« faire une économie d’environ 20 000 livres » en
maintenant deux brigades roulantes mais à huit hommes
chacune au lieu de dix.
Les hommes venaient souvent des
villages proches et étaient recommandés par un notable.
Ils devaient être irréprochables et prononçaient le serment de catholicité
devant la juridiction du lieu. En 1766, la Cour des aides de Paris adopta un
arrêt défendant à tout fermier d'employer des commis et
gardes qui ne savaient pas écrire, sous peine de nullité
de la verbalisation. De son côté, la principale
préoccupation du Conseil de la Ferme demeurait que les
brigades destinées à faire face aux contrebandiers, à les
arrêter de vive force, à passer les nuits sur les chemins
détournés ou au coin des bois, fussent « composées
d'hommes robustes, capables de supporter les plus grandes
fatigues de soutenir des combats » (1772). Ces hommes n’étaient donc pas tous
lettrés. Les registres de signalement des employés de la
Ferme en Picardie
révèlent que 35 % des brigadiers avaient encore des
difficultés à la fin de l’Ancien régime; quant aux 65 %
qui maîtrisaient l’écriture, tous ne savaient pas rédiger
un procès-verbal :
sur les 1377 gardes et
brigadiers qui passèrent par les bureaux du secteur
d'Abbeville entre 1769 et 1781, 53, 2 % savaient écrire,
0, 8 % “écrivaient bien”, et 11, 18 % savaient “verbaliser”.
Ces chiffres corroborent ceux connus pour les employés de
la direction de
Dijon entre 1774
et 1780 : 56 % savaient
écrire, 16 % savaient verbaliser. Cette capacité n’empêcha
guère les pires bévues de la part des brigadiers. Elles
étaient alors traitées sévèrement. A Brignais, trois
commis de la brigade ambulante du tabac du département du
Forez pratiquèrent de fausses visites de gabelle sur les
habitants, exigeant des accommodements forcés et extorquant des
fonds. Ils furent mis à l’amende et bannis de la généralité de
Lyon (1719).
Nombre de brigadiers furent mis en cause dans les trafics
de contrebande, tant
du sel que du tabac ou
d’autres marchandises. Joachim Tulloy, de la brigade de Péronne, garde au poste de Sainte-Radegonde, fut
surpris en 1739 avec du
faux-tabac et condamné aux galères. D’autres bévues
pouvaient leur être reprochées: lorsque le sous-brigadier
de Villemoisan, Maurice Poirier, inclut abusivement le
dénommé Jean Coquereau dans un procès-verbal de
fraude à cheval, il dut faire amende honorable en portant
une torche ardente d’un poids de deux livres et un
écriteau indiquant qu’il était faussaire, en outre
déclarer à la chambre du grenier à sel d’Ingrandes que «
méchamment, malicieusement comme mal avisé, il a
faussement désigné la personne du nommé Jean Coquereau
dans son procès-verbal du 27 juillet 1783, ce
dont il se repend, demande pardon à Dieu, au Roi et à
Justice », condamné à être flétri des lettres GAL, à
servir le roi pendant neuf années aux galères et à payer
300 livres d’amende… Malgré tout, la carrière dans les
Fermes générales présentait des avantages. Outre leurs
émoluments, les brigadiers étaient intéressés dans le
partage des fruits des saisies et, à partir de 1762,
pouvaient espérer une retraite prévue par la Compagnie.
Sources et références bibliographiques:
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Sources archivistiques:
- AD du Pas-de-Calais, sous-série 8C3.
- AD Rhône, 1C 260, affaire de Brignais (1719).
- AN, G1 15, délibération du 15 juillet 1760. Réduction des effectifs.
- AN, G1 22 : d’après copie de la lettre de M. Abel du 22 décembre 1770 (direction de Châlons).
-
Sources imprimées:
- Arrêt de la Cour des aydes, qui condamne un employé de la brigade des Fermes à Peronne, en cinq années de galeres, en cinq cens livres d'amende, pour avoir esté trouvé du faux tabac chez luy, pour estre vehementement suspecté d'avoir fait commerce de faux tabac, voulu engager plusieurs gardes ses camarades à faire le mesme commerce avec luy, 8 août 1740.
- Arrêt de la Cour des Aides du 25 avril 1766, Paris, Imprimerie royale, 1766.
- Consultation du Conseil de la Ferme Générale sur la question de savoir si un procès-verbal d'Employés, écrit par une main étrangère est valable, et si les Employés qui le souscrivent doivent savoir écrire, du 22 janvier 1772, à Paris, Imprimerie royale, 1772, 8 p.
- Arrêt de la Cour des Aides qui condamne Maurice Poirier, employé des fermes, à faire amende honorable, ayant écriteau portant ces mots: Employé des fermes, faussaire, au-devant de la porte du grenier à sel d'Ingrandes, et aux galères pendant neuf années et Pierre Lardeux, aussi employé des fermes, aux galères à perpétuité, 7 septembre 1784.
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Bibliographie scientifique:
- Vida Azimi, Un modèle administratif de l’Ancien régime : les commis de la Ferme générale et de la régie générale des aides, Paris, éditions du CNRS, 1987.
Brigade, brigadier » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 22/12/2024
DOI :