Darigrand Edme-François (1735-après 1796)
L’Anti-financier
dirigé contre la Ferme générale eut un franc succès et fut
de nouveau mis sous presse en 1764
pour être diffusé sous le manteau. On lit dans
les Mémoires secrets pour servir à la République des
Lettres, tome premier, page 308, à la date du 8 décembre
1763 : « On y épuise
contre la gent financière tous les traits de la critique
la plus amère et l’on y rapporte assez de faits, quoique
très succincts, pour justifier ce qu'on en dit. Cet
ouvrage, où l’auteur exalte peut-être un peu trop sa bile,
n’est point dénué de mérite. La forme d’y traiter la
matière est assez dure, mais le fonds en est de la plus
grande vérité. Il y a des endroits sublimes ». Antonella
Alimento rapporte les hésitations de l’avocat général
Jean-Omer de Fleury à condamner le livre ; il jugea
l’Epître au parlement de France trop hardie, mais
l’Anti-financier lui-même peu condamnable dès lors qu’il
rapportait des faits établis. Le pamphlétaire n’était
pourtant pas toujours exact dans ces assertions. Il
dénonçait la Ferme comme voulant surprendre des arrêts au
Conseil et cacher ses démarches aux tribunaux ordinaires,
par exemple pour taxer les bouchers qui s’établissaient à la campagne.
Mais en l’occurrence, cette mesure avait fait l’objet
d’une déclaration royale dûment enregistrée et non d’un
arrêt en finances.
Ce qui véritablement valut à l’auteur
d’être emprisonné quelques temps à la Bastille fut la
hardiesse de ses propos, non seulement dans l’Epître, mais
aussi dans l’Anti-financier. Sa charge contre la Finance
n’était guère originale ; de même, ses arguments contre
l’impôt indirect : « il est exactement faux que les impôts
sur les denrées la consommation établissent l’équilibre la
proportion entre le riche et le pauvre ». Pour lui, le
pauvre consommant plus de denrées de première nécessité,
se trouvait davantage taxé à proportion. Darigrand se
révélait plus séditieux en insistant sur l’utilité de
supprimer les privilèges, tous les privilèges, comme conséquence nécessaire de la
mise en œuvre d’un impôt unique. Reprenant les arguments
de Henry Bertin, auteur de la Lettre servant de Réponse
aux remonstrances du Parlement de Bordeaux, il argumenta
judicieusement pour montrer que les privilégiés comme
nobles, ecclésiastiques, corps, provinces… n’étaient en
réalité que partiellement exemptés, ce qui n’en faisait
plus, à proprement parler, des « privilégiés ».
L’Anti-financier reçut une courte réponse anonyme en 1764. L’auteur tenta de
réduire « les rêveries » de Darigrand à néant en
argumentant plus spécifiquement sur les frais de régie, le
trop-bu ou encore le bon de masse, sans néanmoins emporter l’adhésion.
Plus tard,
Edme-François Darigrand fit publier d’autres mémoires,
notamment un Mémoire concernant les eaux-de-vie (1764), un Mémoire sur la
caisse de Poissy (1768) ou
encore un Mémoire pour les habitants de la banlieue de
Paris (1789).
Célèbre pour avoir attaqué en règle la Ferme
générale, on lui attribue d’autres pamphlets
accusateurs contre la compagnie comme Antropophagie
ou les antropophages, publié à Amsterdam en 1764, sans certitude
néanmoins : le style du pamphlet est somme toute
bien différent et surtout, la portée économique est
de bien moindre envergure : l’auteur n’y évoque pas
l’impôt unique. En tant qu’avocat, Darigrand
prit plusieurs fois la défense de particuliers contre la
Ferme générale : en 1765, il
plaida pour la demoiselle Chanlaire, propriétaire de vigne
en
Champagne contre la Compagnie; l’affaire
concernait le paiement des droits de gros sur les vins ; en
1767, il défendit les Thiébault, également
champenois, contre une accusation de contrebande ; en 1768, il défendit
Pierre-Nicolas Sommié, marchand-orfèvre, également contre
la Ferme. Encore en 1785, il
combattit le projet d’augmentation des droits sur les eaux-de-vie destinées
aux banlieues de Paris : « il
est aisé d’apercevoir (sic) que le projet des fermiers
généraux ne tend qu’à augmenter leur profit personnel ».
Sources et références bibliographiques:
-
Sources imprimées:
- Edme-François Darigrand, L'anti-financier, ou relevé de quelques-unes des malversations dont se rendent journellement coupables les Fermiers-Généraux, des vexations qu'ils commettent dans les Provinces, servant de réfutation d'un écrit intitulé : Lettre servant de Réponse aux remonstrances du Parlement de Bordeaux. Amsterdam, in-12 de 100 p., 1763.
- Edme-François Darigrand, Mémoire pour les Maîtres et gardes de l’épicerie sur les fraudes qui se commettent aux entrées de Paris, les causes de ces fraudes, le moyen de les détruire, Paris, 1785.
- Anonyme, Réponse à l’auteur de l’Anti-financier, La Haye, 1764, 22 p.
-
Bibliographie scientifique:
- John Shovlin, The political Economy of Virtue, Luxury, Patriotism, and the Origins of the French Revolution, Ithaca et Londres, Cornell University Press, 2006.
- Antonella Alimento, Réformes fiscales et crises politiques dans la France de Louis XV. De la taille tarifée au cadastre général, Bruxelles, P.I.E. Peter Lang, 2008, p. 271-272.
- Antonella Alimento, « La « querelle » intorno alla Richesse de l’état: imposta unica e lotta politica in Francia attorno alla metà del Settecento », Annali della Fondazione L. Einaudi, XVIII, Turin, 1984, p. 273-323.
Darigrand Edme-François (1735-après 1796) » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 21/11/2024
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