Marie-Laure Legay
On voit bien, à travers ces textes, que
le législateur cherchait à écarter les échevins et
officiers du grenier trop complaisants de la direction et
de l’inspection de l’emploi du sel de franchise au profit
de l’administration de la Ferme générale. De fait, la loi
fut directive, mais elle n’empêcha pas complètement les
accommodements
locaux. Par leur sentence du 16 novembre 1747 par exemple, les officiers du grenier déchargèrent la
famille du matelot René Prévost des charges de fraude
avérée et constatée par les commis de la Ferme. Ces
derniers avaient trouvé lors d’une visite un amas
important de sel d’autant plus suspect que René Prévost
n’était pas bourgeois de la ville. Comme partout dans le
royaume, le privilège des Dieppois fut mis en cause par
les mesures de l’abbé Terray
qui imposa en 1771 huit sols
pour livre sur tous les
droits de la Ferme générale. Les villes normandes et
picardes qui, comme Dieppe, jouissaient du sel de
franchise, tentèrent d’ignorer cette loi de sorte que le
roi dut leur imposer son application par arrêt en 1773. En
1785, la Ferme générale employait pour le
contrôle de la Franchise de Dieppe un inspecteur, un
contrôleur et six gardes qui procédaient aux visites des
emplacements des sels de pêche et de franchise des
bourgeois et de la salaison du poisson.
Comme Le Havre, Dieppe bénéficia en
outre de la modération des droits sur la pêche à la morue. Pour autant, les marchands et propriétaires de navires
durent déclarer le nom, le port d’attache et les
intéressés au bâtiment aux commis de la Ferme générale car
plusieurs d’entre eux fraudaient en se faisant passer
comme pêcheurs de Dieppe, tout en étant en réalité
pêcheurs de ports non privilégiés comme le Tréport. Ce fut
le cas de Jean Billard, maître du Marie-Catherine, qui, à
l’aide de Nicolas Dandasne, bourgeois de Dieppe, voulut
payer les droits sur sa pêche dans cette ville. La
Ferme générale procéda contre lui, mais le juge des
traites de Dieppe
dénonça la saisie par sa sentence du 23 février
1723, approuvé en cela
par la Cour des aides de
Rouen. Pour lutter contre ces fraudes et enregistrer la
pêche, le bureau aux poissons de la Ferme générale
comprenait en 1785 : un
receveur, un contrôleur, un commis aux acquits à caution, deux commis aux
expéditions, un contrôleur à la porte de la Barre et un
contrôleur à la porte du Pont. Le bureau des traites
disposait quant à lui d’un receveur, un contrôleur, un
visiteur, un commis aux expéditions et un garde emballeur.
Vis-à-vis des aides, la
ville était soumise aux règlements adoptés pour la
province de Normandie. Elle contesta certains droits levés par les
sous-fermiers, notamment celui de courtiers-jaugeurs et inspecteurs aux boissons, très impopulaires en Normandie.
Sources et références bibliographiques:
Marie-Laure Legay, « Dieppe » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 20/05/2024
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