Thomas Boullu
Les formalités extrinsèques du
procès-verbal sont principalement relatives à des vices de
forme. En matière de gabelles, l’instruction de 1666, l’ordonnance de mai
1680 et le règlement pour
le Dauphiné de 1706 précisent
que le procès‑verbal doit être « signé de deux Gardes ».
L’ordonnance de Paris
sur les aides de juin 1680
complète cette règle en imposant que la signature du
fraudeur accompagne celles des deux commis « le tout sur
pareille peine de nullité ». Si le fraudeur est absent ou
refuse de signer, le procès-verbal doit le préciser.
D’autres règles de formes se superposent à cette
obligation. Au début du procès‑verbal, le nom de l’adjudicataire du
bail doit être mentionné. Il faut ensuite préciser que ce
dernier, qui n’est qu’un « homme de paille », élit
domicile chez le directeur, le receveur ou la
personne chargée de mener les poursuites au sein de la
direction où est constaté le délit. Dans le cas où les
employés sont des gardes, il faut mentionner s’ils portent
ou non les bandoulières qui attestent leurs fonctions. Il convient
également, selon Jacquin et Lefebvre de la Bellande, de
préciser si le procès‑verbal est rédigé avant ou
après‑midi. Conformément à l’ordonnance sur les aides de juin 1680, les actes des commis des fermes doivent être rédigés sur du papier timbré provenant de la
généralité où a été réalisé le contrôle. Enfin, les
procès-verbaux ne doivent pas comporter d’alinéas,
d’interlignes, ni de ratures. Lorsqu’une correction est
nécessaire, elle doit être réalisée d’un seul trait afin
de pouvoir continuer à lire le mot barré. En cas
d’omission, le ou les mots manquants doivent être portés à
la marge. Outre les règles de forme, les formalités
extrinsèques du procès-verbal imposent d’« affirmer »
le procès-verbal. L’affirmation correspond à la procédure
d’enregistrement du procès-verbal. Les commis procèdent à
sa lecture devant un juge et jurent, « par la voie du
serment », de l’exactitude des faits qui y sont
retranscrits. Un double du procès-verbal est ensuite versé
à la juridiction. En matière d’aides comme en matière de traites, l’affirmation
doit être réalisée devant un magistrat compétent pour
juger le litige. La législation royale instaure également
des délais légaux d’affirmation à compter de la date de
rédaction du procès-verbal. L’ordonnance de Paris de juin 1680 prévoit un délai de quinze jours dans
les élections de plus de cent paroisses et un délai de
huit jours dans les élections moins peuplées. En matière
de traites, le délai d’affirmation est déterminé par
rapport au délai d’assignation du fraudeur. Le défaut
d’affirmation, souvent soulevé devant les juridictions,
représente pour Buterne la nullité « la plus viscérale des
procès-verbaux ».
Les formalités intrinsèques constituent
les règles relatives au « fond du procès-verbal ». À
l’inverse des formalités extrinsèques, elles sont
strictement relatives à l’infraction et au déroulement du
contrôle. La législation royale ne procède pas à une
énumération des formalités intrinsèques qui doivent
nécessairement figurer dans un procès-verbal. Leur
présence est alors principalement dictée par la nature des
faits survenus. Nécessitant un exposé clair et précis, le
procès-verbal procède de manière chronologique. L’exposé
séquentiel des faits survenus au cours du contrôle donne
alors au procès-verbal la forme d’un récit. Cet historique
débute par l’exposé du contexte dans lequel le contrôle
est survenu. Les commis sont invités à préciser s’ils se
déplacent à cheval ou si les fraudeurs sont accompagnés
d’autres personnes suspectes. L’attitude du fraudeur lors
de l’arrivée des employés, ses contestations, la
résistance physique qu’il oppose, l’utilisation d’armes
ainsi que les dégâts éventuellement occasionnés sont
également reportés. Le statut du fraudeur doit aussi
figurer. Sa fonction ou son rang peut en effet justifier
la présence d’un juge, d’un consul ou d’un gouverneur dont
l’absence au cours du contrôle serait susceptible de
provoquer la nullité du procès-verbal. La nature de
l’imposition fraudée, la quantité et la qualité des
marchandises suspectes ainsi que l’intervention éventuelle
d’un expert pour procéder à cette estimation sont
également à mentionner. Les fraudeurs doivent être
présents au moment de l’évaluation des marchandises, et,
s’ils refusent d’y assister, le procès-verbal est tenu de
le préciser. La destination des saisies, qu’elles soient laissées à la garde
du fraudeur ou déposées au bureau des fermes, est aussi
indiquée dans le procès‑verbal. Lorsque les marchandises
sont particulièrement nombreuses, les commis rédigent
autant de procès‑verbaux que de jours nécessaires à la
vérification des marchandises. Le nombre de procès-verbaux
doit également correspondre au nombre d’impositions
concernées par l’infraction. Lorsqu’un employé est
contraint de s’absenter au cours de la rédaction du
procès‑verbal, il convient de le préciser et d’expliquer
les motifs de son départ. Si les commis font le choix de
saisir la marchandise, le procès-verbal doit comporter la
formule « comme de fait nous les avons saisis ». La
présence d’un faux justificatif de paiement des droits
nécessite enfin d’apposer la formule ne varietur sur le
procès-verbal. Certaines règles sont parfois qualifiées de
formalités intrinsèques alors qu’elles présentent les
caractéristiques d’une formalité extrinsèque. C’est le cas
de la mention de l’année, du jour et de l’heure à laquelle
le procès-verbal a été dressé. Il en va de même de la
mention de l’emploi du fraudeur, de son lieu de résidence,
de son surnom éventuel, ou de son passé criminel. La
remise du double du procès-verbal au fraudeur doit être
effectuée le jour même. Elle est délivrée en main propre
au délinquant ou, plus rarement, adressée à son domicile.
Dans ce cas, les compagnies financières peuvent se
dispenser de recourir au ministère d’huissier. Afin de
limiter les cas de nullité, les commis s’appuient sur des
modèles. Certains sont relatifs à des infractions bien
précises et détaillent les circonstances des interventions
les plus souvent rencontrées. Le Commentaire sur le fait
des aides paru en 1712 sous la
plume de l’employé des fermes Jean-Henry Dubois propose
dix-huit modèles de procès-verbaux différents. La nouvelle
instruction publiée en 1750 à
la fin du Dictionnaire des aides de Brunet de Grandmaison
en comporte vingt-trois. Les ouvrages embrassant plusieurs
domaines d’impositions distincts permettent de comparer
les modèles entre eux.
Le régime juridique du procès-verbal
fait l’objet de nombreux aménagements principalement
initiés à compter de 1715. Les
réformes traduisent le souhait de la monarchie d’alléger
les contraintes pesant sur les employés des fermes afin
d’améliorer la perception de l’impôt. Un certain nombre de
vices de forme, progressivement assimilés à des « vices de
clerc », n’emportent plus la nullité des procès-verbaux.
Jacquin considère dès 1703 que
le défaut de report du nom des commis et de leurs surnoms
est sans conséquence sur la licéité du procès-verbal.
L’arrêt du Conseil du roi du 28 novembre 1721, confirmé le 2 décembre 1738, assouplit les règles
relatives à l’utilisation du papier timbré. Les règles d’affirmation du
procès-verbal font également l’objet d’un important
aménagement. La déclaration du 30 janvier 1717 accorde à l’ensemble des
juges royaux ou seigneuriaux la faculté d’affirmer les
procès-verbaux et supprime l’obligation de déposer un
double en matière d’aides. La déclaration du 23 septembre
1732 étend par la suite
son application à l’ensemble des impositions indirectes. À
compter d’un arrêt du Conseil du roi du 22 octobre 1718, l’affirmation du
procès-verbal n’est plus obligatoire lorsqu’un juge était
présent au cours du contrôle. Concernant les formalités
intrinsèques, la règle relative à la remise du double du
procès‑verbal au fraudeur est réformée aux termes de la
déclaration du 6 novembre 1717. Les commis disposent d’un jour supplémentaire pour la
délivrer lorsque le procès-verbal est dressé l’après‑midi.
La règle imposant de mentionner l’heure à laquelle le
procès-verbal est établi perd également son caractère
obligatoire dans le ressort de la Cour des aides
de Paris à compter du 6 septembre 1718. Cette évolution entraîne, par ricochet, des
conséquences sur l’obligation de délivrer immédiatement la
copie du procès-verbal au fraudeur. De plus, la Cour des aides de Paris considère le 22 décembre
1767 que l’absence de
mention relative au lieu de rédaction du procès-verbal ne
l’entache pas de nullité. Le procès-verbal peut être
rédigé postérieurement, dans un autre endroit que le lieu
de commission de la fraude, sans vicier pour autant la
procédure.Au terme de cette évolution, peu de vices
permettent encore d’obtenir la nullité du procès‑verbal.
Le délinquant peut toutefois toujours contester la
véracité des faits décrits dans le procès-verbal. Dans ce
cas, il dépose une inscription de faux afin d’obtenir la condamnation des
commis et la nullité de la procédure dirigée à son
encontre.
Sources et références bibliographiques:
Thomas Boullu, « Procès-verbal » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 20/05/2024
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