Péages
Dans le ressort des gabelles de France, le sel destiné aux greniers et magasins du roi n’était pas soumis aux péages, sauf aux droits des seigneurs ou particuliers qui en jouissaient en vertu du règlement de 1546. Par ce règlement, François Ier avait converti en argent les péages de la Seine qui s’exigeaient jusque-là en sel et avait reconnu à quelques propriétaires seulement le droit de continuer un prélèvement en nature.
Quelques contestations s’élevèrent entre les Fermiers généraux et les propriétaires de péage comme celui de Forges, qui levait 19 sous et deux deniers par bateau-maire chargé de sel, ou ceux d’Avignon qui étaient en possession de lever un minot pour chaque muid pesant 72 quintaux sur toutes les barques tirées sur le Rhône et passant devant la ville. Déterminé à réduire les péages pour libérer le commerce intérieur, le gouvernement exigea la présentation des titres des propriétaires, ce qui engagea la Ferme à contester certains droits, et les propriétaires à se défendre ardemment. En 1773, Madame de Bellefond de Ruillé, propriétaire de la seigneurie de Cheffes se défendit contre les Fermiers généraux pour maintenir son droit de prélever sept boisseaux de sel, mesure de Crissé, pour chaque bateau de sel, et celui d’être livrée à Cheffes même et non au grenier d’Angers. Toutefois, elle perdit son combat car le péage fut converti en une redevance annuelle de 900 livres le 14 avril 1780. On admit seulement pour sa consommation le prélèvement de quatre minots de sel, délivrés au grenier. En 1779, les coseigneurs d’Avignon réussirent à maintenir leurs droits de prélèvement en nature d’un minot par muid contre les prétentions de l’Inspecteur général du Domaine.
A La Rocheguyon, l’adjudicataire de la Ferme devait cinq minots et demi par bateau-maire ou allège portant 38 setiers et demi de sel au moins au seigneur du lieu. Dans ce dernier cas, le droit de péage du par la Ferme pouvait être assimilé à un privilège de franc-salé. En effet, le seigneur du lieu, le duc de La Rochefoucauld pouvait prélever sur son péage la quantité de sel qui lui convenait pour la provision de ses maisons, tant à La Rocheguyon qu’à Paris, le surplus étant stocké en magasin. Son héritière, la duchesse d’Enville, Louis Elisabeth de La Rochefoucauld, l’entendait ainsi et voulut faire passer les 24 minots dus au titre de son péage de La Rocheguyon directement à Paris pour les commodités de sa Maison (1763). Les contestations qui s’ensuivirent ne vinrent pas à bout de ses privilèges confirmés encore par l’arrêt du 24 septembre 1775.
Au total, les comptes des péages, rares, font voir que les voitures de sels pour une année, réglaient dans le ressort des grandes Gabelles pour plus de 10 000 livres de droits sur un an ; 11 054 livres en 1782 (2e année du bail Salzard) ; 10 721 livres pour 1785 (5e année), le tout pour la Seine et ses affluents. Il faut néanmoins ajouter les droits prélevés sur le Rhône et dans les autres provinces. Les droits de péages des villes et seigneuries furent abolis par décret de l’Assemblée nationale en mars 1790.
Notons également que certains péages étaient levés pour le compte du roi comme celui de Châlons-sur-Saône ou de Montélimar. Celui de Châlons se décomposait pour 2/3 au profit de la ville et pour 1/3 au profit de M. de Beringhen. M. de Beringhen, premier écuyer, en jouissait comme héritier de la Maison d’Uxelles, mais les droits furent réunis au Domaine en 1760 (arrêt du Conseil du 29 novembre). Le roi en prit possession le 30 avril 1763 et en fit l’objet d’un bail de six ans dont le fermier des Domaines réunis jouit à partir du premier janvier 1765. Le péage de Montélimar fut réuni au Domaine du roi par arrêt du 15 juillet 1770, lorsque Louis XV acquit du prince de Soubise la portion venue de la maison de Ventadour. Ce péage était tenu en copropriété avec le prince de Monaco. Toujours sur le Rhône, le péage du Paty était également réuni au Domaine.
Sources et références bibliographiques:
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Sources archivistiques:
- AN, Z1A 214, « Compte unique de Claude Boutet, adjudicataire général de la Ferme générale des Gabelles de France et des évêchés de Metz, Toul et Verdun, des salines et domaines de Lorraine, et du comté de Bourgogne, des fermes générales des aides et entrées de Paris et Rouen, et des droits joints… du premier octobre 1680 au 30 septembre 1681 ».
- AN, H4 2953 1, « Extrait du Bail des fermes générales de 1726 concernant les Péages ».
- AN, H4 2953 2: Mémoire pour le sieur Pierre Moulas, receveur des Péages des Domaines du roi, de ceux de son Altesse le Prince de Monaco, en la ville de Montélimar, de l’Imprimerie Giroud, 1777, 47 p.
- AN, G1 98, Voitures des sels, dossier 8 : « Péages de La Rocheguyon », dont Arrêt du Conseil d’Etat du roi qui maintient la dame Duchesse d’Enville dans la possession jouissance des Droits de Péages par elle prétendus, tant par eau, sur la Rivière de Seine, à la Rocheguyon, que par terre audit lieu suivant les tarifs y mentionnés, 24 septembre 1775 signé de Crosne, imprimé à Rouen, chez Richard Lallemant, 1775 dossier 13 : « Compte des péages 1781-1785 » dossier 17 : « péage de Cheffes ».
- AD de l’Hérault, 1B 40 : 1731, f°1096 : Abonnement des fermiers généraux pour les droits de péage du baron de Lescure (entrepôt d'Espalion et chambre d'Albi) moyennant 3 minots de sel.
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Bibliographie scientifique:
- A. Conchon, Le péage en France au XVIIIe siècle, Paris, CHEFF, 2002.
Péages » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 21/11/2024
DOI :