Marie-Laure Legay
Nombre de jugements devant la commission de Reims (1768-1785)
Proche de Paris, la
Champagne était régulièrement inspectée
par les Fermiers généraux. Y passèrent Simon Berthelot de
Belloy en 1687, mais aussi
Helvétius en 1737-1738, Savalette de Buchelay en
1748-1749, Lavoisier en 1769. Tous s’intéressèrent aux lignes de contrôle qui
séparaient la généralité du Clermontois, Pays-Bas, Luxembourg, duché de Bouillon, principauté de Sedan
au Nord, de la Lorraine (Trois-Evêchés)
et du Barrois à l’est, de la Franche-Comté au sud. Outre les brigades rattachées aux greniers, trois
directions de traites
étaient établies à Châlons, Charleville et Langres pour lever les droits des Cinq grosses fermes selon le
tarif de 1664 et surveiller les
trafics avec l’étranger effectif et la Lorraine. Les étoffes dites « dauphines » furent par
exemple taxées à la sortie à trois livres le cent pesant.
Produites à partir de 1696,
elles furent assimilées dans le tarif de 1664 aux draps de grosse laine. Lorsque la
Ferme générale voulut prélever six livres à partir de
1744, jugeant que la
qualité de la production s’était élevée, les marchands de
Reims contestèrent les droits. Les « dauphines »,
« marocs », « croisées », « burats », « buratées »,
flanelles du pays furent néanmoins taxées à l’instar des
étamines champenoises et autres ras de Châlons. Les trafics
de contrebande
concernaient le sel, vendu 14 sous la livre à l’intérieur
de la province, contre 5 sous en pays de salines, le tabac dont le monopole état
attaqué par les ventes clandestines de la production
alsacienne, lorraine ou franc-comtoise, mais aussi des
trafics internationaux passant par le Luxembourg et les Pays-Bas, comme les vins, les huiles, les toiles…. Sur le modèle de
celle de Saumur, le gouvernement se décida à établir à
Reims une commission de
justice (1740, puis 1765) pour juger les
contrebandiers qui sévissaient dans l’étendue de la
Champagne, de la Picardie voisine, et des Trois-Evêchés.
De fait, les archives de la commission révèlent un
phénomène de banditisme
(les jugements concernaient parfois plusieurs dizaines de
personnes) avec une pointe des affaires traitées au moment
de la désorganisation du trafic atlantique légal du tabac de Virginie.
Le Conseil tenta de
limiter les fraudes douanières. Le vin de
Champagne était taxé à l’exportation
selon les dispositions de l’Ordonnance sur les Fermes du
22 juillet 1681 qui défendit
par ailleurs la sortie en dehors des bureaux de Torcy, Sedan, Donchery, Mézières
et autres endroits le long de la Meuse jusqu’à Verdun. Ces
dispositions s’avérèrent insuffisantes. Par celles de
1746 et 1747, la Ferme générale obtint
l’autorisation de placer autant de bureaux et commis
nécessaires aux limites de la province et à l’intérieur de
quatre lieues limitrophes. Des arrondissements de paroisses ressortissantes
à ces bureaux furent formés, préfiguration des penthières. La fraude
des droits d’entrée sur les toiles étrangères fut
également combattue. Au lieu de passer par les bureaux de Lyon
et de Rouen, seuls autorisés depuis 1692, elles arrivaient par la Lorraine. Les greffiers des villages champenois de
Thuillières, Montureux-le-Sec et Valleroy-le-Sec, enclavés
en Lorraine, délivraient les certificats
nécessaires au passage des bureaux, comme si les toiles
venaient du cru. En 1738, ces
villages furent déclarés hors des Cinq grosses fermes et dans le même
temps, la consommation de vin
de leurs habitants fut limitée.
Sources et références bibliographiques:
Marie-Laure Legay, « Champagne » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 20/05/2024
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