Marie-Laure Legay
Le conseiller et
directeur des finances Charles Gaspard Dodun, chargé du
contrôle des actes sous la Régence, parvint à établir
durablement la perception de ces droits dans tout le
royaume en restant ferme sur ses intentions face aux
doléances des provinces. L’édit de septembre 1718 sur la Ferme du tabac fait état d’une
réunion de la Ferme du Contrôle des actes à la Ferme
générale que l’on doit certainement à ce conseiller. Cette
réunion est effective dans le bail Armand Pillavoine et
lorsque la Compagnie des Indes
absorba la Ferme générale, les droits de contrôle des
actes furent affermés pour 4, 29 millions de livres. Devenu
ministre, Dodun fit adopter une déclaration (29
septembre 1722) pour la
perception dans tout le royaume des droits de
contrôle des actes, insinuations, centième denier,
petit scel selon des tarifs actualisés. La
réaction des provinces de Franche-Comté, Artois, Flandre, Navarre,
Provence, Dauphiné, mais aussi des villes de Lyon, Bordeaux, Cambrai, Toul et Saint-Louis fut immédiate: ces
corps firent valoir des titres d’abonnement et
prétendaient à l’exemption totale ou partielle des droits.
Au départ de Dodun (1726), les droits de contrôle et insinuations furent
confiés à la Ferme générale jusqu’en 1780, date à laquelle Necker
décida qu’ils devaient entrer dans l’administration
générale des Domaines et être régis pour le compte du roi.
Plusieurs provinces négocièrent alors un abonnement, comme
l’Artois abonnée en 1726
à 90 000 livres, la Flandre (80 000 livres), le Cambrésis (15 208 livres) et le Hainaut. Les abonnements augmentèrent sensiblement
durant le siècle. En 1771, l’Artois était contrainte de régler par abonnement 140
000 livres au titre des droits de contrôle des actes et
huit sols pour livre, puis
160 000 livres en 1780, et
171 750 livres en 1782. De
même, les notaires de Paris et l’Alsace rachetèrent les droits.
Ailleurs où les bureaux
étaient établis, les commis de la Ferme générale
disposaient donc de la faculté de visiter les notaires,
tabellions et administrateurs-contrôleurs du roi et de
vérifier, pour la partie concernant les Domaines, leurs registres, liasses,
minutes et répertoires afin de repérer les fraudes
fiscales. Il est difficile d’en évaluer l’importance, mais
les indélicatesses existaient bel et bien. On
repère par exemple dans l’élection de Lyon en 1723, les procès-verbaux de
Bodesson et Ozendas, contrôleurs ambulants de la
ferme du Contrôle des actes des notaires et exploits
(bail Pierre d’Estabeau), contre le sieur Mealys,
contrôleur au bailliage de Bourg-Argental, et le
sieur Fraisse, procureur audit bailliage, pour
quelques actes et exploits dont le contrôle n’avait
point été couché sur les registres conformément aux
ordonnances. La Ferme constata également la fraude de ses droits dans
les enclaves du royaume: certains habitants des pays
assujettis voisins venaient y passer leurs actes. C’était
du moins le cas des habitants de la principauté d’Orange
qui se rendaient dans le Comtat-Venaissin, de ceux de la Bresse qui se rendaient dans les
Dombes, ou des Lorrains qui se rendaient
en Alsace. Les commis commettaient des erreurs dans
l’appréciation des actes dont la nature était très
diverses. Malgré la parution en
1737 d’Instructions
générales pour les commis préposés aux droits de
contrôle et insinuations, la confusion régnait. Il fallut attendre
1758 pour qu’un
contrôleur des actes des notaires basé à Orléans,
Bazin, publie un ouvrage complet et éclaire
davantage les commis sur ces actes et le tarif qui
devait être appliqué selon la déclaration de 1722 en vigueur.
La
gestion de la dette publique engagea Louis XV, par
déclaration du premier juillet 1766, à déclarer gratuit le contrôle des actes sous
signature privée qui contenaient constitution de rentes à
un denier plus élevé que le denier 25. Cette mesure devait
donner lieu à une indemnité due à la Ferme générale pour
défaut de recette. Sa mise en œuvre fut l’occasion pour la
Ferme générale, sous couvert de vérification, de réclamer
les droits dus par les procureurs du pays de Provence, maires, consuls, échevins, syndics… sur les
actes de constitution ou reconstitution de rentes, ce qui
fit réagir vivement les autorités locales.
A la fin de
l’Ancien régime, le principal reproche formulé contre ces
droits portait sur leur absence d’équité. Ils ne tenaient
pas compte de la fortune des habitants et taxaient
indifféremment le riche et le pauvre. Les doléances de
1789 soulignaient cette
injustice comme à Cesseins dans les Dombes: « le contrôle des actes,
si utilement établi pour leur donner une date
certaine, est actuellement un impôt accablant par
l’augmentation progressive des droits et par leur
disproportion soit aux qualités et fortunes des
personnes, soit au prix énoncé dans les actes, de
sorte qu’il pèse avec plus de force sur la classe la
plus indigente de la société ». A Thoissey,
on demandait explicitement que « dans les contrats de
mariage et testaments, le droit dû par le bourgeois ou
l’habitant cultivateur soit distingué de celui dû par le
vigneron et le laboureur pour autruy ». « Il semble enfin
que l’on se soit appliqué dans le tarif [de 1722 ] à écraser les gens de
campagne et les artisans des villes par des droits
exorbitants », lit-on encore dans les Réflexions données
par un citoyen en 1790.
Sources et références bibliographiques:
Marie-Laure Legay, « Controle des actes (droits de) » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 20/05/2024
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