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Controle des actes (droits de)

Marie-Laure Legay





Il s’agit de droits levés sur les nombreux contrats passés dans le courant de la vie ordinaire devant notaires, tabellions, mais aussi des contrats de rentes, actes d’assurances, baux, actes judiciaires… utilisés dans le commerce ou la finance. Précisément, il s'agissait de "droits de contrôle des actes, insinuations, petit-scel, droits d’amortissement, franc-fiefs et nouveaux acquêts des gens de mainmorte ", créés par l’édit de mars 1693. La perception fut confiée à la compagnie Etienne Chaplet en 1698. Par l’édit d'octobre 1707, les contrôleurs des actes furent établis partout dans le royaume où la Ferme disposait de bureaux de contrôle. Les commis vérifiaient l'acquittement auprès des notaires, y compris sur les actes passés en pays étranger ou abonné. La guerre contraignit Louis XIV à aliéner une partie de ces droits en 1710, comme en Bretagne ou en Champagne. La régie fut ensuite confiée aux cautions d’Etienne Roi et à la compagnie Louis Mignot de 1714 à 1718. Lors de ce bail, le prix des sous-fermes s’établit comme suit pour six années : généralité de Bourges : 42 200 livres; comté de Bourgogne: 103 000 livres ; généralité d’Orléans : 163 000 livres ; généralité d’Amiens : 186 000 livres ; généralités de Soissons et Moulins, ensemble : 192 000 livres ; province du Dauphiné : 600 000 livres ; généralités de Rouen, Caen et Alençon, ensemble, 600 000 livres ; généralités de Poitiers, La Rochelle, Limoges et Riom, ensemble : 608 000 livres ; Ville et généralité de Paris : 835 000 livres ; généralités de Lyon, Dijon, Châlons et Metz, ensemble : 870 000 ; Flandres, Hainaut et Artois : 898 000 livres ; province de Bretagne et généralité de Tours, ensemble : 1 105 000 livres ; généralités de Bordeaux, Auch, Toulouse, Montauban, Montpellier, province du Béarn et Navarre et pays de Roussillon, ensemble : 1 400 000 livres. Pour mettre en règle le prix de la sous-ferme de Louis Mignot, les Etats d’Aix répartirent la somme de 100 000 livres entre les vigueries. Cependant, les chefs de viguerie eurent tendance à se décharger de leur quote-part sur les lieux rattachés à la viguerie où il n’y avait pas de bureau, et donc aucun produit, ce qui constituait une surcharge pour ces villages. Dans d’autres vigueries, on levait le contingent des communautés à proportion du nombre de feux, ce qui était contraire à l’esprit de la loi. « Les communautés ne pourront point abolir et supprimer les droits de contrôle et insinuations par impositions à cotité (sic) de feux, ce qui leur est prohibé par les arrêts du conseil et les ordonnances de M. le premier Président et Intendant », rappelèrent les procureurs du pays.

Le conseiller et directeur des finances Charles Gaspard Dodun, chargé du contrôle des actes sous la Régence, parvint à établir durablement la perception de ces droits dans tout le royaume en restant ferme sur ses intentions face aux doléances des provinces. L’édit de septembre 1718 sur la Ferme du tabac fait état d’une réunion de la Ferme du Contrôle des actes à la Ferme générale que l’on doit certainement à ce conseiller. Cette réunion est effective dans le bail Armand Pillavoine et lorsque la Compagnie des Indes absorba la Ferme générale, les droits de contrôle des actes furent affermés pour 4, 29 millions de livres. Devenu ministre, Dodun fit adopter une déclaration (29 septembre 1722) pour la perception dans tout le royaume des droits de contrôle des actes, insinuations, centième denier, petit scel selon des tarifs actualisés. La réaction des provinces de Franche-Comté, Artois, Flandre, Navarre, Provence, Dauphiné, mais aussi des villes de Lyon, Bordeaux, Cambrai, Toul et Saint-Louis fut immédiate: ces corps firent valoir des titres d’abonnement et prétendaient à l’exemption totale ou partielle des droits. Au départ de Dodun (1726), les droits de contrôle et insinuations furent confiés à la Ferme générale jusqu’en 1780, date à laquelle Necker décida qu’ils devaient entrer dans l’administration générale des Domaines et être régis pour le compte du roi. Plusieurs provinces négocièrent alors un abonnement, comme l’Artois abonnée en 1726 à 90 000 livres, la Flandre (80 000 livres), le Cambrésis (15 208 livres) et le Hainaut. Les abonnements augmentèrent sensiblement durant le siècle. En 1771, l’Artois était contrainte de régler par abonnement 140 000 livres au titre des droits de contrôle des actes et huit sols pour livre, puis 160 000 livres en 1780, et 171 750 livres en 1782. De même, les notaires de Paris et l’Alsace rachetèrent les droits.

Ailleurs où les bureaux étaient établis, les commis de la Ferme générale disposaient donc de la faculté de visiter les notaires, tabellions et administrateurs-contrôleurs du roi et de vérifier, pour la partie concernant les Domaines, leurs registres, liasses, minutes et répertoires afin de repérer les fraudes fiscales. Il est difficile d’en évaluer l’importance, mais les indélicatesses existaient bel et bien. On repère par exemple dans l’élection de Lyon en 1723, les procès-verbaux de Bodesson et Ozendas, contrôleurs ambulants de la ferme du Contrôle des actes des notaires et exploits (bail Pierre d’Estabeau), contre le sieur Mealys, contrôleur au bailliage de Bourg-Argental, et le sieur Fraisse, procureur audit bailliage, pour quelques actes et exploits dont le contrôle n’avait point été couché sur les registres conformément aux ordonnances. La Ferme constata également la fraude de ses droits dans les enclaves du royaume: certains habitants des pays assujettis voisins venaient y passer leurs actes. C’était du moins le cas des habitants de la principauté d’Orange qui se rendaient dans le Comtat-Venaissin, de ceux de la Bresse qui se rendaient dans les Dombes, ou des Lorrains qui se rendaient en Alsace. Les commis commettaient des erreurs dans l’appréciation des actes dont la nature était très diverses. Malgré la parution en 1737 d’Instructions générales pour les commis préposés aux droits de contrôle et insinuations, la confusion régnait. Il fallut attendre 1758 pour qu’un contrôleur des actes des notaires basé à Orléans, Bazin, publie un ouvrage complet et éclaire davantage les commis sur ces actes et le tarif qui devait être appliqué selon la déclaration de 1722 en vigueur.

La gestion de la dette publique engagea Louis XV, par déclaration du premier juillet 1766, à déclarer gratuit le contrôle des actes sous signature privée qui contenaient constitution de rentes à un denier plus élevé que le denier 25. Cette mesure devait donner lieu à une indemnité due à la Ferme générale pour défaut de recette. Sa mise en œuvre fut l’occasion pour la Ferme générale, sous couvert de vérification, de réclamer les droits dus par les procureurs du pays de Provence, maires, consuls, échevins, syndics… sur les actes de constitution ou reconstitution de rentes, ce qui fit réagir vivement les autorités locales.

A la fin de l’Ancien régime, le principal reproche formulé contre ces droits portait sur leur absence d’équité. Ils ne tenaient pas compte de la fortune des habitants et taxaient indifféremment le riche et le pauvre. Les doléances de 1789 soulignaient cette injustice comme à Cesseins dans les Dombes: « le contrôle des actes, si utilement établi pour leur donner une date certaine, est actuellement un impôt accablant par l’augmentation progressive des droits et par leur disproportion soit aux qualités et fortunes des personnes, soit au prix énoncé dans les actes, de sorte qu’il pèse avec plus de force sur la classe la plus indigente de la société ». A Thoissey, on demandait explicitement que « dans les contrats de mariage et testaments, le droit dû par le bourgeois ou l’habitant cultivateur soit distingué de celui dû par le vigneron et le laboureur pour autruy ». « Il semble enfin que l’on se soit appliqué dans le tarif [de 1722 ] à écraser les gens de campagne et les artisans des villes par des droits exorbitants », lit-on encore dans les Réflexions données par un citoyen en 1790.





Sources et références bibliographiques:

    Sources archivistiques:
  • AD Ain, 52B 45, cahier de doléances de la communauté de Cesseins, article 13  cahier de doléances de Thoissey, article 18.
  • AD Bouches-du-Rhône, C 948, mémoires 48 à 59 (contentieux entre la Provence et la Ferme générale), C 966 (répartition de la somme de cent mille livres pour servir au paiement d’une partie du prix de la sous-ferme des droits de contrôle, par viguerie).
  • AD Doubs, 1C 1319.
  • AD Rhône, 1C 55 (Publication des sous-fermes, 1718), 1C 285 (fraude, 1723).

    Sources imprimées:
  • Édit du roi portant commutation du titre de conservateurs des registres du controlle des actes et greffiers des insinuations en celuy de controlleur desdits actes, donné à Fontainebleau, octobre 1707.
  • Déclaration du Roy pour l'aliénation de 10 années de jouissance des droits de controlle des actes des notaires, petits sceaux et insinuations laïques dans la généralité de Châlons, donnée à Versailles, le 30 décembre 1710.
  • Arrêt du Conseil d’Etat qui déboute les villes de Lyon, Rouen, Bordeaux, Toul, Sarrelouis et Cambrai, et les provinces de Franche-Comté, Dauphiné, Navarre, Flandres, Artois et Provence de leurs demandes en exemption de tout et partie des droits de contrôle des actes, insinuations, centième denier, petits scels et 4 sols pour livre desdits droits, 9 mai 1724.
  • Extrait du jugement souverain rendu le premier décembre 1729, par Monsieur l'intendant de la généralité de Riom, avec les officiers du présidial de ladite ville, qui déclare Louis Achard, notaire royal à Rochefort, atteint et convaincu d'avoir par voye de fait, violences, outrages et émotion populaire, empêché la visite de ses liasses, minutes et répertoires, que les inspecteur et controlleur-ambulant des actes des notaires de ladite généralité, étaient sur le point de faire dans sa maison au lieu de Rochefort le condamne à être blâmé et réprimandé, en cent livres d'amende envers le Roy cinq cens livres de réparations civiles envers le fermier du controlle desdits actes et de se défaire de son office de notaire royal dans six mois.
  • Bazin, contrôleur des actes, Commentaire sur les tarifs du contrôle des actes et de l'insinuation du 29 septembre 1722, et sur les droits du centième denier, Orléans, 1758, 528 p.
  • Arrêt du Conseil d’Etat, rendu en interprétation de la déclaration du 1er juillet 1766, concernant le contrôle des actes sous signatures privées, portant constitution de rentes au-dessus du denier vingt-cinq, qui contiendraient d'autres dispositions principales, 22 juillet 1766.
  • Arrêt du Conseil d’État du Roi qui enjoint aux notaires, tabellions, greffiers autres personnes publiques, ayant droit d'instrumenter dans la province d'Alsace, de communiquer aux préposés du Fermier général, les minutes de leurs actes, registres répertoires, même d'en délivrer des extraits, en payant seulement six sous par chaque extrait, à l'exception des testamens ou donations à cause de mort, pendant la vie des testateurs ou donateurs à peine en cas de refus, de deux cents livres d'amende pour chaque contravention, 28 juillet 1767.
  • Arrêt du Conseil d’Etat qui fait défenses aux habitants domiciliés de la principauté d’Orange, de la Bresse et autres pays et lieux où le Contrôle des actes est établi, d’aller passer ou d’envoyer leur procuration pour passer entr’eux, par devant les Notaires et tabellions de la principauté de Dombes et du Comtat d'Avignon, aucuns actes et contrats à peine de nullité…, 16 octobre 1771.
  • Déclaration du roi qui proroge jusqu'au 31 décembre 1784, les exemptions et modérations de droits accordées en 1770 aux habitants de la Bourgogne et des pays de Bresse, Bugey et Gex, pour les actes d'échanges des terreins au dessous de dix arpens, à la charge par lesdites provinces et pays de payer à la Ferme générale l'indemnité réglée par la déclaration du 3 février 1771, Versailles, 12 décembre 1779.
  • Réflexions d’un citoyen de la ville d’Orléans sur les droits de contrôle des actes, insinuations, de centième-denier, de timbre de franc-fief, Paris, 1790, 51 p.


    Bibliographie scientifique:
  • Françoise Hildesheimer, « Insinuation, contrôle des actes et absolutisme », Bibliothèque de l’Ecole des Chartes, t. CXLIII, 1985, p. 160-170.
  • Jean-Paul Massaloux, La Régie de l’Enregistrement et des Domaines aux XVIIIe et XIXe siècles : Etude Historique, Genève, Librairie Droz, 1989.




Citer cette notice:

Marie-Laure Legay, « Controle des actes (droits de) » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 22/12/2024
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