Marie-Laure Legay
Naturellement, le sel de contrebande circulait massivement à la
frontière avec la Bretagne, pays exempt de gabelle et avec le
Poitou, pays
rédimé. Micheline Huvet-Martinet, en étudiant
la commission de
Saumur instituée entre
1742 et 1789, a
analysé cette contrebande massive à laquelle tous les
groupes sociaux participaient, y compris la noblesse et la
bourgeoisie marchande des villes d’Angers, Cholet et Saumur. Au Sud
de la Loire, le dispositif de défense mobilisait plus de
1 000 brigadiers et employés, tantôt répartis davantage le
long des rivières, comme en 1769
et 1775, tantôt
établis sur les chemins et voies terrestres comme lors du
remaniement des brigades de 1773. Pour juger tous les cas de fraudes et
contrebandes, la commission fut divisée en subdélégations,
établies à Ancenis et Ingrandes pour le département d’Angers.
L’Anjou était
située dans le ressort des Cinq grosses fermes. Aux bureaux d’Angers, de La Pointe, Rochefort, Lyon d’Angers, Pont de Cée,
Ingrandes, Condé,
Champtoceaux, Landemont, Les Leards, Saint-Florent et
Saumur, on levait les droits du tarif de 1664, mais aussi les droits d’abord et
consommation sur les poissons de mer, la subvention sur les
vins, les droits de Prévôté de Nantes et les droits locaux
de la Rivière de Loire. Les
prix des vins d’Anjou taxés à
la sortie devaient rester attractifs à l’exportation ;
c’est pourquoi Louis XV accepta en 1725
(arrêt du 25 mars) de réduire les droits d’un
tiers quand les tonneaux étaient destinés aux ports
bretons. L’administration royale essayait de compenser et
d’équilibrer fiscalement les échanges entre les deux
provinces. Vis-à-vis des sardines de Bretagne, la Ferme générale accepta de réduire les
droits d’abord et de consommation à l’entrée en 1726 au regard de « la mauvaise
récolte des vins » qui affaiblit l’économie angevine
; cette réduction fut prolongée jusqu’à la fin de
l’Ancien régime. Le baril de 300 livres-poids de sardines était donc taxé à 4 livres 15
sous et 6 deniers. La Ferme générale assouplit également
sa position dans certaines affaires limitrophes. La
paroisse de Bouzillé par exemple, moitié dépendante de
l’évêché de Nantes, moitié
dépendante de l’évêché d’Angers obtint des aménagements en
1749 : la Ferme concéda une réduction des droits de sortie
et droits d’aides aux
habitants de la moitié angevine, producteurs de vins tout comme ceux de la
moitié bretonne, pour éviter « la facilité qu’ils
avoient de les frauder ». De même accepta
t-elle en 1752 de réduire les
droits d’entrée sur les vins
bretons pour les paroisses limitrophes du Bas-Anjou et du Bas-Poitou, non productrices de vins et obligées de
s’approvisionner à prix fort soit en faisant venir les
barriques de l’intérieur de la province, soit en payant
les droits sur les vins du comté nantais tout proche. Les
droits (tant droits d’entrée du tarif de 1664, subvention par doublement et droits
de jauge et courtage)
s’élevaient à 18 livres, 13 sous et 10 deniers pour un
tonneau comprenant 3 muids et demis (mesure de Paris), ce
qui doublait le prix du vin ; ils furent réduits à 5
livres, 3 sous et 10 deniers pour les tonneaux qui
entraient par voie terrestre « à la gauche de la Loire »
en passant par les
bureaux de Landemont, Montrevault,
Gesté, Tillers, Montigné, Torfou ; et à 7 livres, 15 sous
et 9 deniers pour les tonneaux qui entraient par la
rivière de la Loire.
Globalement, l’administration royale entendait favoriser
le commerce grâce aux exemptions ou réductions, sans
néanmoins diminuer trop sensiblement les recettes.
Lorsque Louis XV accorda la réduction du tiers des
droits de sortie sur les vins d’Anjou
destinés à être embarqués dans les ports de Bretagne en 1725, il
n’entendait pas comprendre dans cette réduction les
droits de la Ferme des aides.
La « traite d’Anjou
» constituait une particularité locale : ce
droit, appelé aussi « imposition foraine d’Anjou
» appartenait au roi et consistait à lever des
taxes sur les vins, les toiles et autres
marchandises qui sortaient vers la Bretagne par les bureaux du duché d’Anjou, Thouars et Beaumont et des villes de Mayenne, Laval et Ernée (voir Traite d’Anjou).
Sources et références bibliographiques:
Marie-Laure Legay, « Anjou » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 20/05/2024
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