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Normandie

Marie-Laure Legay





La Normandie formait l’une des provinces les plus lourdement fiscalisées avec l’Ile-de-France et la Picardie, provinces voisines. Ses 1 867 944 habitants (années 1770) réglaient par tête en moyenne 29 à 30 livres d’impôt par an, tant directs qu’indirects. Pays de grandes gabelles et de Quart-Bouillon, pays d’aides, incluse dans le tarif douanier de 1664, soumise au monopole de la vente du tabac après les accords passés en 1704 avec les derniers cultivateurs de Léry, Les Damps et Le Vaudreuil, la Normandie ne parvint pas à conserver ses privilèges fiscaux malgré son passé ducal prestigieux et le souvenir encore vivace de ses assemblées d’Etats. La révolte des Nu-pieds (1639) conserva à la Basse-Normandie le privilège de Quart-Bouillon, mais le reste de la province se ressentit de la détermination de Versailles à soumettre les élites locales à ses directives. Ces dernières s’engagèrent dans des formes d’opposition judiciaire plus contenues mais régulières. La Cour des aides de Rouen fit par exemple opposition au règlement des gabelles de juin 1660 ; le parlement de Rouen veillait également au maintien des privilèges fiscaux. Au XVIIIe siècle, la province était traversée par les flux de contrebande du sel liés, comme en Anjou et dans le Maine, à l’exemption de la Bretagne toute proche, mais aussi aux franchises de sel dont bénéficiaient les ports normands pour leurs bourgeois et pour leurs pêches. Le faux-saunage prit une telle ampleur qu’il justifia la création d’une commission de justice, d’abord par adjonction des généralités de Rouen, Caen et Alençon au ressort de la commission de Reims (1768), puis par création d’un tribunal autonome à Caen (1775). Toutefois le principal enjeu fiscal se cristallisait autour des droits d’aides : cidres, vins et eaux-de-vie soumis aux droits d’entrée à Rouen et Caen, bières soumises aux droits de contrôle, boissons en général taxées par les droits de Quatrième, annuel, subvention, droits rétablis… Ces taxes entretenaient entre la Ferme générale et les autorités locales, Cour des aides en tête, un climat de méfiance qui ne s’apaisa jamais.

La Normandie était divisée en deux régimes fiscaux vis-à-vis du sel : le Cotentin et l’Avranchin étaient pays de Quart Bouillon ; la fabrication du sel y était strictement contrôlée. Le reste de la Normandie était pays de grandes gabelles. Seize greniers étaient implantés en Basse- Normandie. Les paroisses de leur ressort étaient tantôt soumises au régime de vente volontaire (37 livres le minot) comme Argentan, Mamers, Verneuil, Mortagne, L’Aigle, Sées, Fresnay, Gacé, Bellême, Rémalard ou Brezolles, tantôt au sel d’impôt (38 livres le minot) comme Carrouges, mais parfois le régime était mixte et les paroisses ressortissantes à un même grenier ne s’approvisionnaient pas de la même façon. Autour d’Alençon par exemple, les paroisses situées à l’est de la rivière du Sarton étaient de vente volontaire, tandis que celles situées à l’ouest étaient soumises au sel d’impôt. A Bayeux, Caen, Falaise, la ville et ses faubourgs étaient de vente volontaire ; les campagnes liées à leur grenier étaient de sel d’impôt. De même en Haute-Normandie : vingt-six greniers étaient implantés sur la Seine (Rouen, Caudebec, Pont-de-L’Arche, Les Andelys, Louviers, Vernon), sur la côte (Le Havre, Harfleur, Fécamp, Saint-Valéry en Caux, Dieppe, Eu, Tréport), et dans l’intérieur (Neufchâtel-en-Bray, Gisors, Gournay-en-Bray, Evreux, Conches, Bernay, La Bouille, Pont-Audemer, Honfleur et Lisieux). Vinrent s’ajouter en 1725 les greniers de Danestal, Livarot et Le Neubourg. Les paroisses ressortissantes aux greniers de la côte se divisaient entre celles qui bénéficiaient du sel de franchise et celles soumises à l’impôt. Les ressorts des autres greniers étaient de vente volontaire. Toutefois, des régimes mixtes existaient également comme pour le ressort de Danestal : vente volontaire, sel d’impôt et sel de franchise (pour les paroisses à proximité de Touques) cohabitaient, ou encore le grenier de Honfleur (sel de franchise, sel de pêche, vente volontaire et sel d’impôt)…

La province bénéficiait d’une ligne de protection de deux lieues limitrophes aux confins de la Bretagne, pays exempt. Selon la carte de Jacques Le Loyer (1703), celle-ci suivait le Couesnon jusqu’à Antrain, puis bifurquait vers Vergoncey, Le Ferré, puis vers l’Est à Mellé, Louvigné, pour remonter plein Nord entre Mortain et Domfront (Domfront-en-Poiraie). Toutefois, l’encadrement de la consommation demeurait difficile ; elle fit l’objet de divers rappels à la loi comme en 1711, mais encore en 1721, une vérification faite dans dix-huit paroisses de l’élection de Domfront pour la levée du sel blanc fit apparaître une surévaluation de 3 121 personnes dans les déclarations de feux. La brigade des fermes établie à Antrain en Bretagne, située à une demie lieue de la Normandie, arrêtait régulièrement des faux-sauniers comme Gilles Bazin, surpris avec 250 livres pesant de sel blanc acheté aux salines de Rot-sur-Couesnon en avril 1733. Le faux-saunage sévissait d’autant plus que les Normands jouissaient des franchises accordées à leurs ports tant en matière de gabelle (Dieppe, Eu, Fécamp, Harfleur, Le Havre, Saint-Valéry en Caux bénéficiaient du sel de franchise) qu’en matière de pêche. Sous couvert de ces privilèges, les habitants de ces villes amassaient du sel au-delà de leurs besoins. L’ordonnance de 1680 ne fixait d’ailleurs pas pour ces ports la limite d’un minot par an pour sept personnes, comme dans les paroisses limitrophes de Bretagne, du Poitou ou de l’Artois. Par ailleurs, la complicité des élites locales, tant officiers municipaux qu’officiers des greniersà sel fit perdurer les entorses aux règlements de la Ferme générale. L’enregistrement des bourgeois bénéficiant du privilège ne respectait pas les conditions de temps de résidence, les déclarations des particuliers pour salaisons des poissons frais ne respectaient pas non plus les textes. Cette situation engagea Versailles à établir une commission souveraine pour juger les contrebandiers en 1768, renouvelée en décembre 1775, puis en 1782 tant son efficacité fut appréciée.

Vis-à-vis des aides, le climat politique était encore plus tendu. En témoigne ce libelle de 1730 intitulé Mémoire, Les Sous-fermiers des Aydes de Normandie, pour la généralité de Rouen, libelle protestant contre la levée des droits de courtiers-jaugeurs des boissons institués en 1696, supprimés puis rétablis en 1722 et 1730. La Normandie cumulait toutes les taxes sur les boissons : droits d’entrée (cinq sous anciens et nouveaux), de quatrième, de grosRouen seulement), de subvention, courtiers-jaugeurs et inspecteurs aux boissons. Cette accumulation explique l’étendue de la fraude rapportée dans un mémoire du fonds Monbret de la bibliothèque de Rouen : « Les espèces de fraudes qui sont les plus communes sont, les ventes au détail sans déclaration, appellées vulgairement vente à muchepot, les entrepôts que les cabaretiers font chez leurs voisins et chez ceux qui ont communication avec leurs cabarets, l’entrée en fraude des boissons dans les lieux qui sont sujets aux droits de subvention qui ne se trouvent point fermés de portes ny de barrières, le transport des eaux-de-vie, cidre et poiré de la fabrication de la province sans congé ny soumission pris au lieu d’enlèvement d’où elles sont ainsy conduittes chez des vendans en détail qui les cachent et les débitent en fraude desdits droits de détail ou sont voiturées aux environs de Roüen ou Caen, dans lesquelles villes on les fait entrer nuitamment en fraude des droits de gros et de détail ». A côté de ces taxes, la protection fiscale vis-à-vis des vins produits dans les huit lieues limitrophes des rivières de Seine, Andelle, Eure, Iton, Oise et entrant en Normandie (ces vins étaient taxés à raison de sept livres par muid) restait une maigre consolation. C’est pourquoi le contentieux fiscal lié à ces droits était souvent arbitré avec clémence en faveur des marchands, tant par les juges ordinaires que par l’intendant, à qui le contentieux sur les droits rétablis (ou réunis) fut confié. La pratique frauduleuse se maintint donc non seulement à l’entrée des villes, mais aussi chez les cabaretiers qui louaient de grandes maisons pour cacher les boissons chez les particuliers à qui ils louaient une partie de la demeure, dans les campagnes et dans les forêts des trois généralités de la province : les adjudicataires et exploitants des bois débitaient en effet des vins et autres boissons pour leurs ouvriers ou même pour les passants, sans en régler les charges. La réaction des Normands fut également vive contre les autres droits réunis comme droits des inspecteurs aux boissons, droits des inspecteurs aux bouchers, fortement rejetés dans les campagnes, droits des courtiers-jaugeurs. Le contentieux de ces droits impopulaires par eux-mêmes avait été en outre confié comme dans tout le royaume aux intendants, ce qui fit réagir la Cour des aides de Rouen. Son arrêt du 18 mars 1760 engageait les tribunaux de première instance à ne pas poursuivre sur les procès-verbaux des employés des Fermes.

A l’opposé des droits sur les boissons, les taxes sur la pêche favorisaient les Normands. Les commis de la Ferme des aides levaient les sous pour livre sur la première vente du poisson de mer frais, sec et salé qui arrivait dans les ports de Normandie et Picardie (arrêt du 16 avril 1680). Néanmoins, plusieurs exemptions existaient en faveur des pêcheurs locaux. La pêche « étrangère » était défavorisée : les mareyeurs de Calais réclamaient par exemple l’exemption des droits sur les harengs qu’ils faisaient venir à Rouen. L’enjeu, pour les marchands des produits halieutiques non normands, était d’avoir accès au marché parisien. De même, les habitants du Havre, de Dieppe, Honfleur ou Grandville avaient obtenu d’importantes modérations sur les droit de sols pour livre applicables à la morue. Par rapport à d’autres ports exploitant les bancs de Terre-Neuve, les ports normands se trouvaient en situation de privilège. Ainsi les pêcheurs de morue des Sables d’Olonne sollicitèrent les mêmes modérations que ceux accordés aux ports normands. Ceux de Saint-Malo jugèrent pareillement « qu’il est de l’intérêt du royaume d’entretenir l’équilibre entre négociants » et réclama la modération sur les droits d’entrée pesant sur la morue. Les Fermiers généraux répondirent à cette requête que « chaque port du royaume avoit ses privilèges particuliers et que les droits sur la morue provenant de la pêche des habitants de Bretagne entrant par la Normandie etoient plus que compensez par les avantages dont la Bretagne jouit » (1739).

Les Normands n’appréciaient pas davantage l’activité des Fermiers généraux concernant le tabac. Après les accords passés en 1687 et 1704, subsistait une centaine d’acres que se partageaient 360 planteurs de tabac situés à Léry, aux Damps, au Vaudreuil et à Saint-Cyr. Ailleurs, les entrepôts étaient approvisionnés par la Ferme générale. Les élites locales multipliaient les demandes d’encadrement de la régie. Par exemple, les Elus exigeaient des débitants de tabac l’enregistrement à leurs greffes de leurs commissions et prestations de serment de catholicité. Les Elus de Rouen, d’Alençon, de Conches, Caudebec, Caen, Evreux, Eu, Lisieux, Montivilliers, Mortagne, Mortain, Pont-de-l’Arche, Pont-Audemer, Saint-Lô, Verneuil, Vire coordonnèrent leurs actions en ce sens en 1765, tout en sachant qu’ils seraient déboutés, au regard des antécédents déjà arbitrés sur les mêmes demandes en 1688, 1698 ou 1739. Dans le même ordre d’idées, l’élection de Valognes déclara nul un procès-verbal de fraude avérée dressé contre le curé de Saint-Vaast qui vendait journellement du faux-tabac, et fut suivie par la Cour de Rouen en 1767. Le procès-verbal n’indiquait pas le domicile des employés. L’hostilité des administrateurs locaux se doublait du mécontentement des habitants, d’autant plus réticents à payer le tabac du détaillant qu’ils pouvaient consommer le tabac de contrebande venant directement d’Angleterre et versé sur les côtes normandes. Le phénomène était si répandu que Versailles mit en construction un navire de guerre en 1773 pour lutter contre ce trafic. Sorti du chantier de Dunkerque en 1774, il fit une première capture d’un bâtiment fraudeur contenant 13 000 livres de faux-tabac. « Ce premier succès a tellement ralenti les fraudeurs que d’après les lettres des directeurs et contrôleurs généraux, il paroit qu’aucun bâtiment fraudeur n’a osé ni stationné ni louvoyer depuis la rade du Havre jusqu’à celle de Caen ». Les traficants se reportèrent sur la côte de Granville où il n’était pas possible à la patache de les suivre, attendu la difficulté de passer le cap de La Hague. Décision fut prise en 1775 de construire un second navire (coût 31 200 livres).

Vis-à-vis des traites enfin, les Normands luttaient contre les limites imposées à la production de leurs toiles. Les manufactures de coton se multipliaient dans la province, à telle enseigne que Louis XV dut interdire provisoirement le travail de filature en été pour éviter que la récolte des grains ne fût négligée faute d’ouvriers agricoles. Ces toiles et mouchoirs étaient taxés par la Ferme, mais également protégés des importations des toiles étrangères prohibées. Lorsqu’en 1759, Louis XV autorisa la fabrication, impression et usages des toiles peintes tant nationales qu’étrangères, les Normands réagirent vivement pour protéger leurs manufactures. Les toiles étrangères blanches, tant coton, chanvre ou lin, étaient taxées certes à 15 % de leur valeur à l’entrée, mais les Normands craignaient qu’elles ne revinssent tout de même moins chères aux fabricants que les toiles de leur cru. Le parlement de Normandie jugea que « les précautions prises pour assurer le paiement des droits sur les toiles étrangères ne [forment] qu’un léger obstacle à la fraude » (Remontrances de 1760, p. 8). Les Magistrats réclamaient un retour au régime de la prohibition établi le 26 octobre 1686. Plus généralement, la présence de la Ferme générale s’accrut durant tout le XVIIIe siècle dans les ports normands comme dans tous les autres ports du royaume pour contrôler les opérations douanières. L’intensité des échanges commerciaux l’amena à accroître son personnel. En 1785, on comptait 85 employés en charge de ces opérations de contrôle : 20 au Havre, 19 au bureau d’entrée de Rouen, 12 au bureau de sortie de la même ville, 12 à Dieppe, 6 à Honfleur, 4 à Fécamp, 4 à Saint-Valéry-en-Caux, 2 à Quillebeuf, et un empoyé dans chaque bureau de Caudebec, Harfleur, Tréport, Pontaudemer, et Touques.

Au total, on mesure l’animosité persistante des Normands, ou plus exactement des élites locales, vis-à-vis de la fiscalité indirecte et leur capacité à tirer avantage des privilèges résiduels qu’ils avaient sur le sel. Cette hostilité variati néanmoins selon les secteurs d’activité : pêcheurs et éleveurs (en vertu d’un ancien édit de 1652, les cuirs n’étaient pas soumis aux droits de revente, sauf à Rouen et à la foire de Guibray) étaient favorisés, tandis que les marchands de boissons payaient un lourd tribut dans ce pays d’aides. Les négociants, quant à eux, agissaient selon des intérêts protectionnistes.





Sources et références bibliographiques:

    Sources archivistiques:
  • AN, H1 158847 (statistiques des années 1770).
  • AN, G1 73, pièce 17 ter : Direction des traites de Rouen.
  • AN, G1 83, Délibération du 26 novembre 1773 de construire un navire de grandeur moyenne destiné à croiser sur les côtes.
  • Bibliothèque de Rouen, Ms Montbret Y 15 : « Aides de Normandie, Manuscrit appartenant à M. Monteil », XVIIIe siècle.

    Sources imprimées:
  • Arrêt du Conseil d'Etat qui condamne les marchands et habitants de la ville de Calais à payer le droit de sol pour livre pour le poisson de la pêche de ladite ville qui a été ou sera apporté dans les ports de la province de Normandie, 8 février 1707.
  • Arrêt du Conseil d’Etat par lequel S. M. déclare que dans la remise du tiers des droits de sortie pour les vins d’Anjou destinés pour la Bretagne ou pour sortir par mer, ni dans la remise entière des droits sur les vins qui seront transportés dans les provinces du Maine, Normandie et autres du dedans des cinq grosses fermes, elle n'a point entendu comprendre les anciens et nouveaux cinq sols dûs à la sortie pour la Bretagne où pour sortir par mer, ni les anciens cinq sols dûs à l'arrivée dans les lieux du Maine, Normandie et autres où ils ont cours, et autres droits d'octrois réunis à la ferme des aides, 29 mai 1725.
  • Arrêt du Conseil d’Etat portant règlement pour l'entrée des eaux de vie par mer dans la province de Normandie, Paris, chez la veuve Saugrain, 1714.
  • Arrêt du Conseil d’Etat portant règlement pour la régie et perception des droits de 3 livres et 45 sols par charroi, fixés par l’ordonnance à 7 livres par muid mesure de Paris, sur les vins du crû des vignobles des villes, bourgs et paroisses comprises dans les 8 lieues des environs des rivières de Seine, Andelle Eure, Iton, Oise et du Terrein, qui seront transportés dans les provinces de Normandie, Perche et Picardie et autres lieux, et lettres patentes sur cet arrêt, Versailles, 13 avril 1745.
  • Arrêt du Conseil d’Etat qui casse les sentences de plusieurs élections de Normandie, tendant à obliger les débitants de tabac à la prestation de serment et enregistrement de leurs commissions et déclare qu'ils ne peuvent y être assujettis, 8 juillet 1766.
  • Arrêt du Conseil d’Etat qui casse un arrêt de la Cour des Aides de Rouen, du 7 août 1767 et déclare bonne et valable la saisie de quatre cent quatre-vingt-douze livres de faux tabac trouvées dans le presbytère du sieur Sevestre, curé de la paroisse de Saint-Vaast en Normandie, 14 juin 1768.
  • Arrêt du Conseil d’Etat qui modère à 3 livres le millier de morue sèche, et à 15 sols le cent de morue verte, les droits d'entrée sur celles provenant de la pêche des habitants de Saint-Malo et qu'ils feront entrer dans les ports de Normandie, 14 juillet 1739.
  • Arrêt du Conseil d’Etat qui ordonne l'exécution de l'arrêt du Conseil du 13 février 1759, par lequel les Salines déclarées en passe-debout à Rouen et autres ports de Normandie pour Paris, ont été déchargées du payement des droits de sol pour livre à l'arrivée, 11 novembre 1760.
  • Arrêt du Conseil d’Etat qui ordonne qu'il sera informé de l'auteur d'un libelle imprimé contenant des injures scandaleuses contre les fermiers des aides de Normandie, et de l'imprimeur d’icelui, 30 janvier 1731.
  • Arrêt du Conseil d’Etat qui ordonne que la morue provenant de la pêche des habitants des Sables d’Olonne, qui sera par eux apportée dans les ports de Normandie, ne paiera que les mêmes droits que paient les pêcheurs de ces ports, 5 avril 1740.
  • Arrêt du Conseil d’Etat qui ordonne que les cuirs qui seront vendus en la province de Normandie seront exempts des droits de vendeurs, lors de la revente, en justifiant que les droits en auront été payés, à la réserve de la ville de Rouen et de la foire de Guibray, ou lesdits droits seront payés lorsque les cuirs seront revendus, 27 décembre 1707.
  • Arrêt du Conseil d’Etat qui ordonne que toutes les manufactures de toiles et étoffes de fil et de coton de toutes couleurs mêlées de soie et autres matières qui sont établies dans la Normandie, à l'exception de celles de Rouen et bourg de Dernetal, cesseront tout travail à commencer au 1er juillet de chaque année jusqu'au 15 septembre, 26 juin 1723.
  • Arrêt du Conseil d’Etat qui établit des précautions pour assurer la perception des droits d'Aides sur les boissons qui se consomment dans les forêts de la province de Normandie, 9 mai 1752.
  • Déclaration du Roy pour remédier aux abus qui se sont introduits dans l’usage du sel blanc en Normandie, Versailles, 28 septembre 1722.
  • Déclaration du Roy, laquelle maintient les habitans de la province de Bretagne dans l’exemption des droits de gabelles et règle l'ordre de procéder contre les faux-sauniers et gens attroupez venans des autres provinces, et l’usage du sel dans les paroisses voisines des provinces de Normandie, le Maine et l’Anjou, décembre 1680.
  • Déclaration du roi portant que le droit de controlle sur la bière sera payé par toutes sortes de personnes exemptes ou non exemptes, dans la province de Normandie et dans quelque lieu que ce puisse estre, pour leur usage ou autrement, 24 mars 1711.
  • Déclaration du roi portant règlement pour la distribution du sel aux habitans des villes de Dieppe, d'Eu, du Bourg d'Ault, S. Valléry-sur-Somme, Harfleur, Le Havre de Grace, Fescamp, S. Vallery en Caux et autres qui jouissent du privilège de franchise, et pour la réception des bourgeois pour jouir de ladite franchise, données à Fontainebleau, 22 août 1711.
  • Instruction pour bien exercer la charge de commis aux caves dans la province de Normandie, sans contrevenir à la nouvelle ordonnance du Roy, portant règlement sur les Fermes, 16 septembre 1680.
  • Jacques Necker, De l’administration des finances de la France, t. I, 1785, p. 220.
  • Jean-Louis Moreau de Beaumont, Mémoires concernant les droits impositions en Europe, tome 3, Paris, Imprimerie royale, 1769, p. 381-382.
  • Lettres patentes du roi portant continuation en la ville de Caen, jusqu'au dernier décembre 1788 de la commission rétablie par lettres patentes des 26 décembre 1775 et 22 août 1776, pour instruire et juger souverainement et en dernier ressort les procès des contrebandiers, faux-sauniers et faux-tabatiers, données à Versailles 13 avril 1782.
  • Lettres patentes du roi qui ordonnent que les généralités de Rouen, Caen et Alençon seront ajoutées, pour deux ans seulement, au ressort de la commission établie à Reims pour juger les contrebandiers, données à Versailles le 8 janvier 1767.
  • Recueil des ordonnances, édits, déclarations et arrests de Sa Majesté sur le fait des aides de Normandie, 2 t., 3e éd., Rouen, chez Jean-Baptiste Besongne, 1733.
  • Recueil des édits, déclarations, lettres-patentes, arrêts et règlements du Roi, registrés en la Cour du Parlement de Normandie depuis l’année 1643 jusqu’en 1683. Avec deux tables, l’une chronologique l’autre alphabétique (1663-1771), 10 vol., Rouen, 1774.
  • Très humbles et très respectueuses remontrances que présentent au Roi, notre très honoré souverain seigneur, les gens tenant sa Cour des comptes, aydes finances de Normandie, 1760 et 1763.
  • Édit du Roy portant règlement, tant pour la Ferme générale des gabelles de France que pour les peines des faux-sauniers, impost du sel, usage de la tremuye, cheptelliers, regratiers, salaisons en mer, sel blanc de Normandie et d'Artois, etc., Bordeaux, juin 1660, à Paris, chez Thomas Charpentier, 1696.
  • Édit du roi portant établissement d'un grenier à sel dans le bourg de Danestal, un dans celui de Neufbourg et un troisième dans celui de Livarot, et règlement pour l'arrondissement des ressorts des autres greniers à sel de la direction de Rouen, donné à Fontainebleau, octobre 1725.
  • Édit portant suppression du grenier à sel établi dans le village d'Exmes, et des offices créés dans ledit grenier établissement d'un nouveau grenier dans le bourg de Gacé, et règlement pour l'arrondissement des ressorts des autres greniers des directions d'Alençon et de Caen, donné à Versailles, juin 1726.


    Bibliographie scientifique:
  • Jean-Marie Vallez, « Circonscriptions et régimes de l'impôt sur le sel de Normandie », Hors-série des Annales de Normandie. Recueil d'études offert en hommage au doyen Michel de Boüard, vol. II, 1982, p. 549-565.
  • Jean-Marie Vallez, « La boucherie rurale en Normandie au XVIIIe siècle », Histoire Sociétés Rurales, vol. 29, n. 1, 2008, p. 73-94.
  • Jérôme Pignon, L’intendant de Rouen, juge du contentieux fiscal au XVIIIe siècle, Rouen, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2011.
  • Caroline Le Mao, Les villes portuaires maritimes dans la France moderne, XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Armand Colin, 2015.
  • Paul Maneuvrier-Hervieu, "La Normandie, porte d’ouverture privilégiée pour l’économie atlantique", dans Eric Saunier, Les Normands, la traite et l’esclavage atlantiques : Honfleur, Le Havre, Rouen, à paraître.




Citer cette notice:

Marie-Laure Legay, « Normandie » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 20/05/2024
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