Douane de Valence
Les droits de douane, fixés à hauteur de 3 %,
sont perçus sur les marchandises, denrées et bétail qui
empruntent la voie fluviale pour se rendre à Lyon, plaque tournante
commerciale majeure, ou qui traversent le Rhône. Par conséquent, la
douane de Valence taxe les marchandises provenant
d’horizons géographiques très lointains, du Levant en passant par
l’Italie et l’Espagne ou
de provinces françaises méridionales. La zone de
compétence des fermiers du bureau de Valence
est particulièrement étendue : des faubourgs
de Lyon jusqu’à l’embouchure de l’Ardèche, au sud de
Bourg-Saint-Andéol. Pour une plus grande efficacité, ils
se répartissent la perception des droits : les voituriers
qui descendent le cours du fleuve sont taxés au bureau d’Anthon
tandis que ceux qui remontent le Rhône le sont à Valence
même. Dans un premier temps, le bureau principal de la
douane de Valence est installé sur la rive droite du Rhône, face à la ville,
puis, à partir de 1699, les
locaux de la douane sont déplacés sur la rive gauche, dans
la basse ville de
Valence. Combien d’hommes s’activent
au sein de ce bureau ? Le manque de source ne permet pas
d’apporter une réponse franche. Les indemnités versées au
personnel de la Ferme générale lors de sa dissolution en
1791 révèlent qu’une
brigade sédentaire de 10 hommes (un brigadier, un
sous-brigadier et huit gardes) est affectée pour
surveiller la perception des droits et traquer les
contrevenants. Mais combien de commis trouve-t-on ? La
documentation reste silencieuse à ce sujet.Au cours du
XVIIe siècle, la douane se développe et devient, aux dires
de Colbert, « la plus à charge au commerce par le grand
nombre de ses bureaux de recette ou de conserve ». Selon
Marcel Marion, des annexes du bureau des douanes se sont
établies dans le Forez, en
Auvergne, en Bresse, en Beaujolais et dans le Bugey. Rien que pour le
Dauphiné, il y en aurait eu 110, vingt-huit autour de
Lyon et six en Provence. Néanmoins, la quasi-absence de sources ne
permet pas d’esquisser une géographie très fine de
l’inscription territoriale de la douane de Valence. Les
quelques lettres adressées aux administrateurs des douanes
nationales par le département de la Drôme lors de la
liquidation de la douane de Valence en
1790 fournissent de maigres informations.
L’axe rhodanien est particulièrement bien quadrillé par
les agents des douanes. Pour faciliter les contrôles, de
nombreuses annexes de la douane sont disposées, tout
autour du bureau principal de Valence : en amont du fleuve
(la Roche de Glun, Tain, puis à Serves, au sud de
Vienne), et en aval, au niveau de Loriol, au nord de
Montélimar.
Comme de nombreuses autres structures fiscales
d’Ancien Régime, la douane de Valence souffre d’une très
mauvaise réputation. En effet, contrairement à la douane
de Lyon, elle prélève un
droit de passage susceptible de pouvoir frapper la même
marchandise autant de fois qu’elle transite par l’axe
rhodanien. Face aux critiques, quelques restrictions sont
apportées aux droits de douane. Les grains, le bétail et
denrées affranchies de tous droits à l’entrée et à la
sortie du royaume de France sont exempts de la douane de
Valence. Il en est de même pour le sel et les petites
productions agricoles, destinées à alimenter les marchés
locaux comme les œufs, le beurre ou les volailles.
Certains marchands étrangers, notamment suisses ou impériaux,
jouissent de privilèges qui exemptent les marchandises
originaires de leur contrée des droits des douanes de
Valence et de Lyon. Ce
système de taxation, jugé extrêmement abusif par les
contemporains, incitent certains négociants à emprunter
des routes commerciales plus longues afin d’éviter l’axe
rhodanien. Les échevins lyonnais se plaignent
régulièrement de la douane, dépeinte comme un « fléau »,
et lui imputent un rôle essentiel dans le déclin
commercial qui frappe la ville et paralyse le monde de la
soie. La douane de Valence a-t-elle véritablement entravé
le commerce intérieur ? C’est en particulier ce que
soutient, en 1758, François de
Forbonnais, dans le premier tome de ses Recherches et
considérations sur les finances de la France depuis
l’année 1595 jusqu’à l’année
1721, lorsqu’il dépeint
la douane de Valence comme le système douanier interne le
plus « destructif du commerce » car « il fatigue à la fois
six à sept provinces, dont il anéantit les
communications ». Les recherches conduites depuis une
vingtaine d’années tendent à démontrer le contraire.
Ainsi, 1628 voitures passent à
Vienne en 1739 contre 7378 en 1759. Plus significatives sont les augmentations des
péages terrestres : + 192% à Valence de
1753 à 1788, +
614, 9% à Vienne entre 1729 -
1789. Le grand commerce
est sans doute davantage perturbé par les carences des
voies de communications internes, plus particulièrement
fluviales, que par les douanes intérieures. D’autres
historiens, comme Charles Carrière dans son étude du
négoce marseillais, nuancent également la pression fiscale
exercée par la douane de Valence sur les marchandises et
son impact sur le dynamisme du commerce rhodanien.Les
contemporains accusent également les fermiers de se livrer
à de nombreux abus. Toujours selon Forbonnais, le tarif de
perception, fixé en 1659, ne
serait pas respecté, les agents de la douane imprimant des
pancartes qui affichent des montants d’une très grande
variabilité. Il n’est guère possible, en l’état actuel des
recherches, d’infirmer ou de confirmer les dires de
Forbonnais. Dans l’optique de rationnaliser un système
douanier contestable, la Ferme générale généralise
l’emploi du poids de marc pour la perception des droits de
traites. Ainsi, dès
1724, la douane de
Valence, perçue auparavant au poids de table, est
augmentée d’un septième pour être acquittée au poids du
roi.
À la fin de l’Ancien Régime, la douane de Valence
figure en bonne place parmi les objets de détestation qui
émanent des cahiers de doléances dauphinois. C’est
particulièrement le cas pour la ville de Valence. Le 3 mai 1789,
le conseil politique approuve la rédaction des doléances
entreprises, séparément, par les trois ordres. Les
doléances sont divisées en deux parties distinctes : une
première, intitulée « objets généraux », et la seconde,
recensant les « objets particuliers à la ville de Valence
». Dans les deux cas, la douane est
critiquée. Dans un premier temps, les députés chargés de
la rédaction revendiquent la suppression des « droits du
fiscs, nuisibles au commerce et à l’industrie ». Les
exigences strictement valentinoises sont, quant à elles,
encore plus claires : « La ville de Valence, située sur le Rhône, est dans le cas
d’insister particulièrement sur la suppression des traites
et de la foraine, comme lui étant plus préjudiciable qu’à
toute autre ville de la province, en ce qu’elles gênent
son industrie et sa subsistance. Ne serait-il pas possible
de lui obtenir une exemption et franchise de tous droits
pendant la tenue de ses foires ? ». Certains historiens
locaux, reprenant les critiques exprimées dans les
doléances de la ville, ont vu dans la douane de Valence la
cause essentielle du retard commercial et du
sous-développement du négoce et de l’artisanat valentinois
à l’époque moderne. Une étude d’histoire économique locale
très poussée permettrait certainement de nuancer ces
affirmations qui ne reposent que sur les allégations des
contemporains. Comme les autres douanes internes, la
douane de Valence est supprimée par les décrets du 30
octobre et 5 novembre 1790.
Sources et références bibliographiques:
-
Sources archivistiques:
- AD Drôme, C 1076, L 988, AM Valence : BB 26, BB 53.
- AN, G1 83, dossier 6 : « Tarif de la douane de Valence, au poids de marc, à Valence, chez Philippe Gilibert, 1755.
-
Bibliographie scientifique:
- François de Forbonnais, Recherches et considérations sur les finances de la France depuis l’année 1595 jusqu’à l’année 1721, 1758. .
- Alain Balsan, Valence au grand siècle, Valence, Broché, 2000.
- Fayard, « Douane de Lyon et de Valence », Bulletin de la société départementale d’archéologie et de statistique de la Drôme, Tome 2, 1867, p. 58-73.
- Marcel Marion, « Douane de Valence », Dictionnaire des institutions de la France aux XVIIe et XVIIIe siècle, Paris, Picard, 1923, p. 188-189.
- L’administration des douanes en France sous l’ancien régime, Paris, Association Pour L’histoire De L’administration Des Douanes, 1976.
- A. Pelletier, J. Rossiaud, F. Bayard, P. Cayez (dir.), Histoire de Lyon des origines à nos jours, Lyon, Editions d’Art et d’Histoire, 2007.
Douane de Valence » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 21/11/2024
DOI :