Marie-Laure Legay
Prix du minot de sel dans les pays de petites gabelles en 1763 (tableau de l’auteur) Carte : AN, G1 73, postes de brigades ensuivant la ligne du pays franc, 1781 Recettes des droits sur
les huiles et savons par bureau, direction de
Toulouse, 1788 (AN, G1 80, dossier 26):
Pays de petites gabelles, le Bas-Languedoc était approvisionné par les
salins de Peccais près d’Aigues-mortes,
tandis que le Haut-Languedoc
faisait venir le sel de Peyriac et Sigean. L’investissement dans les salins,
mais aussi le voiturage du sel pour approvisionner les
greniers de la
plaine ou du haut-pays, constituait une activité lucrative
dans laquelle les financiers du
Languedoc s’engagèrent au XVIIe siècle.
La « ferme générale des gabelles du
Languedoc » donna également l’occasion
aux hommes d’affaires locaux d’accroître les profits. Elle
fut affermée en 1646 pour
1 730 000 livres au lyonnais Jacques Jannon qui
sous-afferma à son tour les greniers du Haut-Languedoc à Pierre-Paul Riquet,
originaire de Béziers. En 1661, Pierre-Paul devint le fermier général des gabelles du
Languedoc jusqu’en 1673, tandis que les Crozat et les Reich
dirigeaient les finances provinciales. Adjugée à 3
millions de livres par an lors du bail Desboves de la
Ferme générale (1732-1738), la Ferme des gabelles
du
Languedoc rapportait brut à peu près le
double. Au cours du bail Laurent David (1774-1780),
le produit s’éleva respectivement à 2 274 160 livres
(recette de Montpellier), 316 851 livres (recette de
Narbonne) et 3 484 630 livres (recette de Toulouse).
Comme
tout pays de gabelles, le
Languedoc connut les affres de la fraude. Le prix principal
du sel y était de 20 livres le minot, avec néanmoins des variations selon les greniers, comme nous le
montrons dans la notice sur les petites gabelles.
Outre la fraude
ordinaire sur le sel, la contrebande du tabac sévissait en
Languedoc. A la fin de l’Ancien régime, le monopole
rapportait brut près d’un million deux cent mille livres
par an à la Ferme (soit près de 700 000 livres pour la
recette de Montpellier, 300 000 livres pour la recette de
Toulouse et encore 200 à 250 000 livres pour celle de Sète (voir notice Tabac). La compagnie dut
cependant renforcer ses brigades pour combattre le trafic clandestin des marchands
qui venaient soit du Roussillon, soit des ports méditerranéens. En 1760, la surveillance des
plages fut encore consolidée et la chaîne de bureaux qui,
depuis Sète, s’étendait vers
Agde, Vias, Portiragues, Sérignan, complétée pour faire
face à l’afflux de bateaux lors de la foire de Bordeaux.
Le
Languedoc était assimilé à un pays d’aides.
Sur le commerce des denrées comme le vin, la viande ou le
poisson, les Etats provinciaux levaient des taxes par
affermage. La ferme de
l’équivalent demeura dans les mains de l’assemblée,
mais à partir de 1754,
date de renouvellement du bail, les financiers de
Paris, parmi lesquels on pouvait compter des
directeurs des Fermes du roi comme Pierre Symphorien
Gigot, Claude Genty ou Jacques de La Haute, prirent
le contrôle du cautionnement de cette Ferme particulière. Le changement de régie qui s’ensuivit mécontenta
les administrateurs locaux : les commis de bureaux du
nouveau bail méconnaissaient les usages et, de ce fait,
furent agressés. Le bail de 1754 fut résilié en 1757 et
la finance languedocienne reprit la main sur la Ferme de
l’équivalent. En 1782, elle
fut baillée à hauteur de 1, 4 million de livres.
Concernant
les traites, le
Languedoc connaissait divers droits dont
la Patente du
Languedoc (traite domaniale), la Foraine, le Denier Saint-André, les 4 %
des drogueries, les
droits de la douane de Lyon et
de la douane de Valence.
Les lignes de bureaux d’entrée et de sortie
s’établissaient face au Dauphiné et à la Provence, depuis La Voulte jusqu’à Beaucaire, le long
de la mer Méditerranée depuis Aigues-Mortes jusqu’à Leucate, puis face au
Roussillon. En 1781, la ligne
de bureaux établie depuis Saint-Antonin jusqu’à Toulouse,
en suivant la ligne limitrophe du pays franc, tant du
Quercy que de la Guyenne, fut
modifiée. Il s’agissait de lutter
contre la fraude qui sévissait de part et d’autre de
l’Aveyron : « Il y a plusieurs ports sur la
rivière de l’Aveyron où passent les faux-sauniers qui
viennent de Septfonds et Caylus pour entrer dans le Haut
Albigeois, à savoir le Pont-de-Cirou, Le Carrelien, Les
Infournats, Lagarde-Viaur, La Rigaudié, Laguépie,
Pénignon, Saint-Projet, l’Exance, Milhars, Montrosier et
Féneyrols: si ces passages ne sont pas bien gardés par
les brigades du Rouergue, la ligne depuis Saint-Antonin jusqu’à
Saint-Urcisse deviendra presqu’inutile pour le haut
Albigeois », écrivit Mical, employé des traites à
Toulouse. La ligne fut donc renforcée de lieue en lieue
suivant sa proposition, avec les postes de Cazals, Penne,
Périllac, Larroque, Sainte-Catherine, Saint-Urcisse,
Beauvais, Villebrumier, Le Fau, Bressols, Montech, Fignan,
Dieupentalle, Ondes et Seilh.
Contrôle général de Castelnaudary :
-Bureau général : 2 851 l. 2 s.
-Bazus : 156 l. 1 s.
-Château : 39 l. 16 s.
-Matabiau : 15 l. 14 s.
-Muret : 645 l. 9 s.
-Saint-Cyprien : 973 l. 5 s.
-Saint-Etienne : 57 l. 16 s.
-Villeneuve : 320 l. 2 s.
-Blagnac : -
-Belpech : 9 l. 10 s.
-Mazères : 6 l. 6 s.
-Castres : -
-Chalabre : -
-Colomiers : -
-Commutation : 1 172 l. 12 s.
-Embouchure : 951 l. 15 s.
-Mirepoix : 1 135 l. 11 s.
-Molandier : 212 l. 7 s.
-Moulinage : -
-Montegut la Baraque : 555 l. 17 s.
-Ondes : 13 l. 13 s.
-Portet : 12 l. 18 s.
-Saint-Gervais : 260 l. 11 s.
-Rieucros : 49 l. 16 s.
-Tournefeuille : -
Contrôle général de Montauban
-Albi : 582 l. 11 s.
-Bressols : 714 l. 13 s.
-Castelsarrasin : 15 l. 15 s.
-Cordes : 111 l. 15 s.
-Gaillac : -
-Grisolles : 213 l. 14 s.
-Montech : 157 l. 7 s.
-Penne : -
-Rabastens :-
-Saint-Portier : 12 l. 13 s.
-Tonnac :-
Tous ces droits étaient
jugés en première instance par les Maîtrises des ports. Nathalie Bruzat a
compté 379 procès-verbaux assignés devant la Maîtrise de
Toulouse entre 1753 et 1789. Le tabac représentait à lui seul 37, 7 % des
saisies, suivi par les cuirs
(18, 7 %), les tissus divers (17, 7 %), les huiles et les
savons (16, 9 %), le
poisson et les objets en or et en argent.
In fine, on mesure la capacité de la
Ferme générale à lever sur les terres languedociennes près
d’une dizaine de millions de livres pour le compte du roi.
Aux produits des gabelles, du tabac, des traites diverses, Domaine
d’Occident, des droits
sur les huiles et savons,
s’ajoutaient les abonnements pour les impôts nouveaux
(droits rétablis, cuirs, cartes…) et surtout les
sols pour livre qui formaient
autant d’augmentations sur ces droits. Cependant, dans la
mesure où les rapports commerciaux avec le Levant ou avec les
Amériques ne passaient pas prioritairement par les ports
de cette province, la recette des traites demeura somme
toute assez modeste.
Sources et références bibliographiques:
Marie-Laure Legay, « Languedoc » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 20/05/2024
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