Pâris (frères)
L’entrée des
Pâris dans les Fermes du roi date de 1714 : Joseph Pâris-Duverney (1684-1770) obtint en effet du ministre Desmaretz d’entrer
comme caution dans le bail de la Ferme générale des Tabacs adjugée à Guillaume
Filz. Avec onze autres célèbres financiers entrés dans
cette Ferme, notamment Samuel Bernard, Pâris-Duverney dut
donc engager deux millions par an. Le développement du
système concurrent de John Law mit fin au bail Guillaume
Filz néanmoins et en septembre 1718, la Ferme des Tabacs fut réunie en régie à la
Compagnie d’Occident créée par l’écossais. A cette époque,
Pâris-Duverney défendait l’idée de faire cesser le
monopole de la vente et de rendre le tabac marchand.
Dans
le même temps qu’il renégocia la gestion de la Ferme des
Tabacs, Law voulut
réorganiser le bail de la Ferme générale.
En 1718, il envisagea
une nouvelle négociation avec les cautions de Paul Manis pour augmenter le
prix du bail qui avait été fixé à 45 millions. Les frères Pâris, d’abord hésitants, acceptèrent
de faire une offre concurrente à 48, 5 millions et
emportèrent le marché contre les cautions du bail Manis.
Pour cette offre, ils négocièrent néanmoins d’être payés
« dans le reste de l’année de tout ce qui nous etoit dû
par Sa Majesté », à savoir plus de quatre millions tant
pour les avances aux troupes que pour le paiement des
intérêts de la caisse des emprunts et d’autres dépenses
encore. Ainsi, les Pâris étaient-ils en mesure de peser
sur le Trésor royal selon leurs intérêts particuliers.Le
bail Aymard Lambert réunit les Fermiers généraux sous la
direction des Pâris. La compagnie fut organisée en société
par actions, à l’instar de la Compagnie d’Occident établie
par John Law. Le public souscrivit donc aux actions de la
Ferme générale sous forme de contrats de rentes sur les
tailles et sur la ville. En interne, les Pâris optèrent
pour des règles comptables rigoureuses déjà éprouvées dans
la gestion de leurs contrats de vivres ou dans celles des
recettes générales qu’ils venaient de soumettre à une
réforme administrative de grande ampleur. Jusqu’alors, la
comptabilité
générale était tenue de « clerc à maître », c’est-à-dire
établie à la fin de la gestion. Les Pâris introduisirent
les registres journaux et
imposèrent à leurs comptables des copies mensuelles de ces
journaux à partir desquels ils pouvaient suivre
chronologiquement les faits comptables et ainsi ajuster la
gestion. Cela permettait également d’apprécier plus
rapidement le bilan de la ferme et donc de négocier en
connaissance de cause le bail suivant. Les financiers du
Dauphiné voulurent aussi améliorer l’administration des
gabelles, du Domaine du roi,
réactualiser la comptabilité des droits soumis aux tarifs
à partir de la compilation de ces derniers.
L’entente des Pâris avec Law était encore
suffisamment bonne en septembre 1718 pour que le directeur de la banque
générale proposât une réunion du bail Lambert à la
Compagnie des Indes. Claude Pâris La Montagne relata cette épisode
dans son Discours à ses enfants: « Nous en délibérâmes
entre nous quatre, et après une heure de réflexion, notre
avis unanime fut de préférer le risque d’être ruinés à
celuy d’être déshonnorés (sic). Nous convinsmes que nous
refuserions la proposition du Sr Law et que nous
demanderions à être déchargés du bail. L’assemblée
générale des fermiers se tint deux heures après, nous
opinâmes les premiers à faire la demande de la résiliation
du bail plus tôt que de consentir à la réunion proposée ;
les autres furent du même avis et dans les trente
fermiers, il n’y eut que celuy que le Sr Law avoit chargé
de sa proposition qui fut d’opinion contraire. Il luy
rendit compte de ce qui s’étoit passé à l’assemblée et ce
fut l’une des principales causes de la haine que le Sr Law
nous a portée ». L’opposition du banquier et des
financiers se confirma quand Law réussit à absorber la
Ferme générale dans son système. Les étapes de la
construction de ce consortium sont connues : la banque
générale de Law se transforma en banque royale en décembre
1718 et la Compagnie des
Indes qui appuyait la
banque réunit à elle successivement les baux établis sur
les tabacs de Charleville, sur la fabrication des monnaies
(juillet 1719), la Ferme
générale (août 1719), les
salines de Moyenvic en Lorraine, le domaine de Franche-Comté et d’Alsace, les recettes générales (octobre 1719). Tous les impôts directs
et indirects se rapportaient au système pour juguler la
crise monétaire et la crise de la dette du royaume. Les
Pâris en conçurent de l’amertume car leurs efforts
d’amélioration sensible de la gestion des Fermes ne purent
être menés à terme. Law était conscient de la valeur de
leur projet de réforme et proposa aux frères de suivre la
régie des Fermes comme directeurs de la Compagnie des
Indes moyennant l’octroi de 500 actions chacun, soit la
valeur de 20 millions. Les Pâris déclinèrent l’offre et
Claude La Montagne s’en expliqua, une fois de plus dans
son Discours à ses enfants.
Tandis que Law fut fait
contrôleur général en janvier 1720, les quatre frères furent anoblis le même mois.
Ils durent néanmoins quitter la capitale en juillet sur
les instances de Law et ne rentrèrent d’exil qu’en janvier
1721 après la chute de ce
dernier à la demande du nouveau Contrôleur général des
finances, Le Pelletier de la Houssaye.De nouveau aux
affaires, les frères montèrent la compagnie qui prit la
Ferme générale en régie de 1721
à 1726. S’ils n’entrèrent pas
directement comme cautions, ils soutinrent de leurs fonds quelques-uns des quarante fermiers du nouveau bail
Charles Cordier. Ils
optèrent pour une régie car le Contrôle général des
finances était dans l’impossibilité d’établir un prix
auquel le bail aurait pu être cédé. La liquidation du
système Law rendait difficile l’évaluation du produit de
la perception des droits. Tout au plus aurait-on pu
espérer quarante millions pour les deux premières années.
En attendant un nouvel affermage, la régie présentait donc
l’avantage de mettre à jour le produit réel des
différentes branches des fermes. Pour cette raison, les
Pâris préconisèrent de l’étendre aux sous-fermes des domaines et des aides. En outre, Joseph
Pâris-Duverney jugea urgent de reprendre les réformes là
où ils les avaient laissées en 1719. Nicolas de Malézieu rapporta les efforts de
cette quête : « On sçait que les frères Paris ont été
curieux d’avoir les commis les plus étendus, combien ils
etoient libéraux pour acquérir les plus habiles
calculateurs et les mains les plus brillantes pour
l’écriture ». Avec une telle armée d’employés dont les
activités étaient fermement encadrées, ils mirent en œuvre
une nouvelle science comptable basée sur le contrôle
rigoureux des recettes et des dépenses. Tous les quinze
jours, les receveurs devaient soumettre leurs bordereaux à
l’administration centrale qui procédait aux vérifications.
Les tournées d’inspection rendaient compte du travail
effectif des bureaux, de la qualité des commis et de la
probité des comptables au nombre de 8 à 9 000 en tout.
Ainsi, les Pâris doivent-ils être considérés comme les
initiateurs d’une science administrative qui, appliquée
d’abord à la Ferme générale, inspira le reste de
l’administration des finances du royaume. Portés au
« pinacle » (Marc Cheynet de Beaupré, p. 719), les frères
Pâris monopolisèrent les charges les plus prestigieuses. Antoine, l’aîné, revêtit le cordon rouge de l’ordre
de Saint-Louis dont il devint le greffier, Claude
Pâris La Montagne acquit la charge de garde du
Trésor royal pour un million, Joseph Pâris-Duveney
reçut quant à lui l’office de lieutenant des chasses
de la capitainerie de Vincennes.
Sources et références bibliographiques:
-
Sources archivistiques:
- AN, G1 63, pour les informations sur la bail Cordier, dont dossier 1 pour la liste des fermiers généraux du bail Cordier, dossier 6 pour « L’état des directions et bureaux de la Ferme générale ».
- AN, K 885, n° 1A, Mémoire personnel aux Sieurs Pâris sur les affaires générales où ils furent employés, 1740 K 885 n° 2, Mémoire sur les finances, après 1740.
- AN, KK 1005b : Claude Pâris de la Montagne, Traité des administrations des recettes et dépenses du royaume, Paris, 1733.
- AN, KK 1005d : Claude Pâris de la Montagne, Discours à ses enfants, p. 103-104, cité par Marc Cheynet de Beaupré, « Joseph Pâris-Duverney, financier d’Etat (1684-1770) », thèse soutenue en 2010 à l’université de Sorbonne Paris 1, tome 1, p. 593, p. 608.
- BNF, Naf 5010 : Nicolas de Malézieu, Histoire des fermes du roi, vol. 4, 1746, f° 118 .
-
Bibliographie scientifique:
- Marc Cheynet de Beaupré, Joseph Pâris-Duverney, financier d’Etat (1684-1770), 2 t., Paris, Honoré Champion, 2012 et 2016.
Pâris (frères) » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 21/11/2024
DOI :