Acquit à caution
Les droits
pour la délivrance des acquits se montaient à 5 sous par
acquit (et 5 sous pour le certificat de descente) quand
les droits sur les marchandises étaient supérieurs à 3
livres; en dessous de 3 livres, il n’était dû que 2 sous
et 6 deniers. En dessous de 20 sous de droits de traite, le particulier ne
payait rien pour l’acquit à caution. Ces droits n’étaient
réglés toutefois que dans le ressort des Cinq grosses fermes et une partie des
provinces « réputées étrangères ». En Bretagne, Dauphiné, Franche-Comté, Roussillon, provinces où l’ordonnance de1687 n’avait pas été enregistrée par les
Cours souveraines, le ministre Terray réclama le paiement
des droits d’acquits par un arrêt du 29 mars 1773, au besoin en créant des
bureaux de recettes supplémentaires pour l’encaissement.
Cette mesure bursale fut très mal accueillie. En Franche-Comté, les élites tant marchandes qu’administratives
se mobilisèrent contre cet arrêt, en vain.
L’enjeu pour la
Ferme générale résidait moins dans les droits afférents à
ces acquits que dans la nécessité de faire scrupuleusement
respecter les procédures, tant par les agents de la Ferme
que par les marchands. L’acquit à caution que prit le
sieur Evrard en juin 1731 pour
faire voiturer 203 cuirs de
Givet à Saint-Pol en Artois fut bien
enregistré au bureau de la Ferme mais les cuirs ne furent
jamais visités : « Nous avons demandé au sieur Lagrange,
visiteur, s’il avoit vu les cuirs lors du chargement
pourquoy il n’avoit pas mis son vu et visité sur l’acquit
comme il se pratique ; a répondu qu’il estoit absent pour
le service qu’il n’avoit point vu lesdits cuirs » ;
interrogé de même, le receveur du bureau de Givet
argua qu’un comptage eut fait prendre beaucoup de retard
aux voitures… Il est vrai que ces formalités gênaient le
commerce. C'est pourquoi les
règlements n’étaient pas davantage suivis par les
marchands. A Rouen par exemple, ces derniers ne présentaient pas les
cautions pour les barils de salines débarqués au port : « la grande
difficulté etoit d’engager les marchands à s’assujettir à
prendre des acquits à caution qui ne sont plus en usage
depuis si longtemps ». La circulation des marchandises
entre ports posait problème : fallait-il prendre ces
acquits à caution dans les bureaux de chargement ou au
bureau de départ ? Les maîtres des bâtiments qui prenaient
leurs congés et faisaient leurs soumissions dans les
ports de
Dunkerque, Calais ou Boulogne pour aller chercher les
sels dans les pays de Brouage, îles d’Oleron et de Ré, ports de Poitou et de Bretagne par exemple, ne se trouvaient pas dans
l’obligation de prendre leurs acquits à caution dans les
bureaux de chargement. De même la question se
posait pour les marchandises prohibées dans le royaume,
achetées à la Compagnie des Indes à Lorient et destinées au port franc de Dunkerque
: ou bien ces marchandises repartaient pour
l’étranger, ou bien elles entraient en France par la
Flandre et devaient alors être déclarées à Dunkerque pour être
conduites ensuite vers le dehors…. La procédure trop
complexe était donc mal suivie et faisait même l’objet de
moqueries, à l’instar de celle de Voltaire dans sa
correspondance au syndic du pays de Gex, Louis-Gaspard de Fabry : « le nommé
François Collet, charpentier, domicilié à Ferney, et
possesseur de quelques champs, a acheté deux coupes de blé
au marché de Gex, pour ensemencer son petit domaine. Les
employés lui volent son cheval et son blé, sous prétexte
qu'il n'avait pas d'acquit-à-caution ; mais il me semble
qu'ils devaient lui apprendre ce que c'est qu'un
acquit-à-caution, et lui dire d'en aller chercher un ».
Sources et références bibliographiques:
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Sources archivistiques:
- AN, G1 91, dossier 26: « Salines du département de Rouen».
-
Sources imprimées:
- Ordonnance des Fermes, 1687, titre 6.
- Lettres patentes sur arrêt qui ordonnent que les maîtres des batiments et barques qui voudront charger du sel dans l'étendue du gouvernement de Brouage, isles de Ré et d'Oleron, et dans les ports de Poitou, Aunix et Bretagne, pour la destination des ports de Dunkerque, Calais, Boulogne et Étaples, prendront des congez dans les bureaux desdits ports de Dunkerque, Calais, Boulogne et Étaples…, 19 novembre 1726.
- Arrêt du Conseil d’Etat du roi, qui déboute le nommé Evrard marchand tanneur à Givet, de la demande en cassation d'une ordonnance de M. l'intendant du Haynaut, par laquelle il a esté condamné en trois cens livres d'amende, pour avoir fait voiturer des cuirs de Givet à St Paul en Artois par des chemins obliques, dont partie desdits cuirs estoient marquez de fausses marques, 9 octobre 1731.
- Arrêt du conseil d’Etat qui ordonne que par l’adjudicataire général des fermes il sera expédié des acquits à caution pour les marchandises prohibées provenant des ventes de la Compagnie des Indes destinées pour Dunkerque, 26 avril 1738.
- Arrêt du conseil d’Etat qui permet l'entrée des livres venant d'Italie, de Suisse et de Genève, pour Paris seulement, par le bureau des Rousses en Franche-Comté, 31 octobre 1738.
- Arrêt du Conseil d’Etat qui ordonne que les droits d’acquits seront perçus dans les provinces de Bretagne, Dauphiné, Franche-Comté et Roussillon, comme dans les autres provinces du royaume, 29 mars 1773.
- Dictionnaire des finances, Paris, Jacques Josse, 1727, p.6-8.
- Voltaire, Mémoire sur le pays de Gex, 31 mars 1775, dans Œuvres complètes, tome 29, éditions Garnier, 1879, p.351-358.
-
Bibliographie scientifique:
- Loïc Charles, Frédéric Lefebvre et Christine Théré (dir.), Le cercle de Vincent Gournay. Savoirs économiques et pratiques administratives en France au milieu du XVIIIe siècle, Paris, INED, 2011.
Acquit à caution » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 22/12/2024
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