Circonscription administrative et judiciaire s’inscrivant
entre paroisses et généralité, l’élection est le premier
degré de juridiction des finances extraordinaires dont
l’appel relève de la Cour des
aides. À la veille de
la Révolution, cent quatre-vingt-une élections structurent
les « pays d’élections » (généralités d’Alençon, Amiens, Auch et Pau, Bordeaux, Bourges, Caen,
Chalons, Grenoble, Limoges, Lyon, Montauban, Moulins,
Orléans, Paris, Poitiers, Riom, La Rochelle, Rouen, Soissons et Tours) mais aussi certains
« pays d’états » comme la
Bourgogne qui comprend quatre élections. Chaque bureau
d’élection regroupe un corps d’officiers royaux, les
« élus », dont la préséance suit l’ordre du « Tableau », à
savoir : deux présidents, un lieutenant général dans les
élections de plus de cent paroisses, un assesseur et de
quatre à vingt conseillers. Le bureau comprend encore un à
deux greffiers, des huissiers, un ministère public en la
personne du procureur du roi et parfois de son substitut.
Juges ordinaires du contentieux des impôts indirects, les
élus sont « juges des fermes » compétents en matière
d’aides, de papier timbré et d’octrois. Entre janvier
1685 à octobre 1694, ils soldent également
les litiges en matière de gabelles alors que sièges
d’élections et greniers à sel sont réunis « en un seul
corps ». Les attributions
contentieuses des élections sont principalement
régies par quatre ordonnances : les deux ordonnances de juin
1680 sur le fait des
aides pour les ressorts des juridictions parisienne
et normande, l’ordonnance de juillet 1681 portant règlement
général sur les droits des fermes, enfin, la
déclaration du 17 février 1688
relative à la procédure civile des tribunaux
d’élections et des greniers à sel. En matière d’impôts
indirects, la fonction administrative des élus vise à
assister et à contrôler les commis.Ils sont chargés des
publications, enchères et adjudications des fermes particulières des
aides conformément aux édits d’août
1452 et de février 1552. Depuis la création de la Ferme générale, c’est
encore au greffe de l’élection que les baux et sous-baux
sont enregistrés, de même qu’y sont copiées les diverses
marques utilisées pour le papier timbré, le tabac, les droits sur le fer, l’or et l’argent. Les
préposés des fermes prêtent serment de justice par-devant les élus qui
perçoivent à cet effet une taxe qui, d’abord fixée à 3
livres dans le bail Legendre de 1668, s’élève ensuite à 5 livres. Les fermiers et sous-fermiers
répondent au civil de leurs préposés, aussi est-il demandé
aux élus de recevoir le serment sans autre « information
de vie mœurs ». Toute contrainte décernée par les commis
doit être visée par un élu. Ils paraphent « gratis » les
registres journaux des
commis aux termes des lettres patentes du 28 juin 1757. Ils sont également les
seuls compétents pour apposer le scellé à la requête du
fermier sur les effets des redevables des droits en cas de
mort, d’absence ou de faillite (art. 50 et 51, tit.
commun, ord. 1681 ; art. 586,
bail Forceville). Au versant judiciaire, les élus jugent
en première instance toute contestation relative à
l’exécution des baux et sous-baux enregistrés au greffe de
l’élection. Ils veillent au respect des règles relatives
aux visites et aux procès-verbaux. Afin de s’assurer de leur
intégrité, les élus ne peuvent prendre intérêt dans les
fermes pour ne pas être à la fois juge et partie. Chaque
sentence suppose la signature de trois élus pour le moins,
l’appel à la Cour des aides
n’est que dévolutif et non pas suspensif excepté pour les
dépens. Cependant, les élus jugent en dernier ressort
lorsque la condamnation n’excède pas 30 livres. La
sentence suppose alors la signature de cinq officiers. Les
élus jugent également en dernier ressort si la fraude n’excède pas un
quart de muid d’eau-de-vie ou deux muids de bière, cidre ou poiré, à condition
que l’amende puisse être modérée et que la condamnation
n’excède pas 50 livres. L’arrêt de la Cour des aides
du 3 février 1698 précise le
fonctionnement collégial de l’élection de
Paris. Les audiences « pour les affaires
des Fermes » se tiendront les lundis et jeudis, de 9 heure
à midi, et les mercredis et samedis « pour les affaires
des Tailles autres affaires » (art. 1). La présidence de
l’audience est assurée suivant « l’ordre du tableau »
(art. 2) et les décisions se prennent « à la pluralité des
voix » après que chaque juge ait été entendu (art. 3). Le
plumitif d’audience doit être visé par le président et ne
peut contenir que les peines portées par les ordonnances,
notamment celles de juin 1680.
Aucune qualification juridique n’étant requise pour
exercer l’office d’élu, son titulaire n’a pas le pouvoir
d’interpréter les lois. Cependant, la déclaration du 17
février 1688 autorise les élus
à modérer certaines amendes
à condition que chaque condamnation ne soit pas inférieure
à 25 livres. Les élus peuvent enfin encourager les accommodements, le
président pouvant alors corriger le plumitif si les
parties y consentent (art. 4 de l’arrêt CA Paris du 3
février 1698). Au civil, la
procédure doit être gratuite et rapide. Les juges
reçoivent 15 sols qu’ils partageront à raison de deux
parts pour le président et une part pour le ministère
public. Cependant, un arrêt du Conseil du 5 janvier 1715, repris par l’article 4
de la déclaration du 30 janvier 1717, rappelle que « les procès des Fermes » ne
peuvent être appointés, révisant ainsi l’arrêt de la Cour des aides de Paris du 3 février 1698 qui, dans son article 24,
réglait la distribution des épices « mises sur chaque
procès civil criminel ». Si les requêtes doivent être
adressées collégialement « à Messieurs les Officiers de
l’Élection », seul le président peut y répondre. Les
exploits d’assignation, transmis au domicile du défendeur,
doivent contenir les moyens et les conclusions de la
demande. En cas d’assignation d’une communauté, les
exploits doivent être remis le dimanche ou un jour de
fête, à l’issue de la messe. Le délai d’assignation est de
trois jours si le défendeur réside dans le lieu du siège
de l’élection et de huit s’il vit en dehors du ressort.
Ce délai ne comprend pas les jours de signification de
l’exploit, ni les jours de l’échéance. Le jour de
l’audience, le défaut du défendeur profite au demandeur,
et inversement, le congé du demandeur profite au
défendeur. L’opposition doit être portée dans les trois
jours après la signification de la sentence et l’acte doit
porter sommation de venir plaider dans les trois suivants.
Aucune opposition n’est valable contre un jugement qui
déboute d’une première opposition. Les preuves écrites
sont acceptées à condition d’être signifiées avant le jour
de l’audience avec copie des pièces justificatives. Si les
parties comparent après l’échéance de l’assignation, la
cause est jugée sur le champ. La procédure criminelle suit
les règles prescrites par l’ordonnance de 1670 justiciables à des frais
substantiels. Les juges perçoivent 40 sols par
requête ainsi que 7 sols et six deniers par témoin. Les
conclusions du procureur du roi rapportent 1 livres, 6
sols et 8 deniers, 30 sols par interrogatoire, les
jugements ordonnant récolements et confrontations sont
tarifés 3 livres et encore 40 sols pour les conclusions du
procureur du roi. Le récolement de témoin est de 5 sols et
10 sols pour une confrontation. La sentence définitive,
pour les affaires où ne sont auditionnés que quatre
témoins ou en-dessous, génère des de 6 livres et de 9
livres en cas de récolement. Si plus de quatre témoins
sont entendus, « les élus pourront se taxer modérément »
et les conclusions du procureur du roi seront, comme
toujours, des deux tiers. Si une instruction de
faux a été déposée, l’autorisation ou le rejet de
l’information est de 40 sols et la prestation de
serment des experts est de 7 sols et 6 deniers. Les élus sont seuls compétents pour « décréter »
contre les commis aux aides à
peine de nullité de procédure, de 1000
livres d’amende contre les parties et
d’interdiction contre les juges. De même, les élus et les
autres juges des fermes sont les seuls autorisés à apposer
les scellés sur la caisse et les effets des receveurs des fermes
(arrêt de la Cour des aides de Paris du 20 août 1706). Le contentieux des
impôts indirects attribué aux élus tend à se réduire tout
au long du XVIIIe siècle au profit des intendants dont les
jugements sont davantage favorables aux fermiers. En
effet, à titre d’exemple, sur 112 procès intentés par les
commis en 1769 devant le
tribunal d’élection de
Gien, 27 demandeurs seulement remportent
leur cause. Notons enfin qu’une part des procédures
criminelles sont renvoyées devant les commissions
extraordinaires de Valence, Reims,
Saumur, Rouen et
Paris, privant ainsi les élus d’un
revenu substantiel.