Marie-Laure Legay
Pour
rationaliser les contrôles douaniers, plusieurs enclaves,
le plus souvent contournées par les voitures de commerce,
changèrent de régime fiscal. Les langues de terre du
Poitou (province de l’intérieur des Cinq grosses fermes) située au milieu
des provinces de l’Angoumois, de la Marche, du
Limousin et du Périgord, furent par
exemple traitées comme pays réputés étrangers par rapport
aux Cinq grosses fermes : le
bureau de traite de Gattebarre et des paroisses
environnantes fut supprimé en 1698, ceux de Rochechouart et des villages alentours au
nombre de 27 le furent en 1723. « Le bureau de
Rochechouart et la brigade établie à
Vaire dans la dépendance de ce bureau ne sont qu’à charge
aux peuples de ce canton et en éloigne le peu de commerce
qui s’y pourroit faire sans que la Ferme en retire aucune
utilité ». Une nouvelle ligne de douane intérieure fut
donc ordonnée sous la direction de l’intendant du Poitou. De nombreuses difficultés s’élevèrent contre
cette nouvelle ligne, notamment par l’opposition du duc de
Saint-Simon, marquis de Ruffec, mais aussi par celle de
diverses paroisses. D’abord prévu entre Civray et La
Trémouille (1723), son tracé
fut finalement fixé trente ans plus tard en 1752 entre Aulnay et
Brigueil-le-Chantre (1752).
La contrée d’Aigre, initialement rattachée au Poitou
et donc au tarif de 1664, fut pour les mêmes raisons unie à la Saintonge,
ce qui provoqua les plaintes de La Rochelle qui dénonça le passage des eaux-de-vie de la
contrée d’Aigre exemptée des droits de la Traite de Charente. Inversement,
l’administration dut créer des bureaux supplémentaires là
où les lignes de contrôle étaient insuffisantes. En
janvier 1715 pour la ville d’Aix-en-Provence, ou encore en juillet 1777
pour le bourg de Pont-de-Beauvoisin en Dauphiné, on établit des bureaux d’enregistrement des
acquits à caution ou des
acquits de paiement selon
la destination des marchandises qui passaient d’un régime
à l’autre.
Dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, les
provinces réputées étrangères eurent tendance à être
traitées de plus en plus comme les provinces de l’Etendue
pour faciliter la libre circulation des marchandises.
D’ailleurs, l’ordonnance de février 1687, dans
son article III du titre premier, portait que ces
provinces étrangères étaient réputées comme telles
« jusqu’à ce qu’il en soit autrement ordonné ». Ainsi,
l’édit de 1759 qui établit la
régie Etienne Somsoye sur les cuirs en supprima les droits de traites dans le même temps, ce qui
s’entendait comme les droits entre les Cinq grosses fermes et les provinces
réputées étrangères.
Sources et références bibliographiques:
Marie-Laure Legay, « Provinces réputées étrangères » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 20/05/2024
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