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Huiles et savons

Marie-Laure Legay





La production d’huile à partir des oliviers en Provence, mais aussi du colza et autres plantes oléagneuses dans les provinces septentrionales, prit de l’ampleur au XVIIIe siècle. Sa commercialisation, en expansion constante, engagea la Ferme générale à agir différemment dans les pays de production où les droits furent levés directement pour un profit optimal, et dans les régions moins concernées où les droits étaient abonnés. Cette différence de régime provoqua des fraudes ques les autorités durent contenir.

Les huiles et savons étaient soumis à trois types de droit : des droits spécifiques sur la production et consommation locale, des droits de transit dès lors que ces marchandises circulaient hors de leur lieu de production et des droits d’entrée et de sortie du royaume. Les deux premiers types étaient le plus souvent confondus dans les abonnements que les généralités obtenaient du roi, le règlement principal sur cette matière étant la déclaration du 21 mars 1716. Cette loi prescrivit que les droits sur les huiles ne devaient être levés qu’une fois à la fabrication. Après les péripéties liées à la Régence, le régime fiscal se stabilisa : supprimés en 1719, les droits réapparurent en 1722 et leur régie fut fondue dans celle dite « des droits rétablis ». Comme pour les droits de courtiers-jaugeurs de boissons rétablis à la même époque, cette réapparition suscita de nombreux mécontentements de corps et communautés. A Nantes par exemple, les négociants formèrent opposition au paiement du droit de cinquante sols le quintal exigés sur leurs huiles. Ces droits furent néanmoins maintenus et régulièrement augmentés de sous pour livre levés pour partie pour le compte du roi et pour partie pour le compte de la Ferme générale augmentations de 1760 (cinq sols pour livre), de 1764 (six sols pour livre), et de 1771 (huit sols pour livre).

Le régime fiscal variait d’une province à l’autre. De nombreuses généralités préféraient racheter les droits et s’abonner. Dans ce cas, le receveur général des finances de la généralité abonnée ou le trésorier de la province (dans le cas de pays d’Etats) se substituait au receveur de la régie des huiles et savons pour tenir compte au roi des sommes attendues. L’abonnement valait pour la consommation locale et ne couvrait pas les droits dus en cas de traite. Au titre des droits sur les huiles et savons, le comté de Foix réglait 1 500 livres par an, les Trois-Evêchés 3 000 livres, la généralité de Limoges et celle d’Auvergne 3 000 livres par an chacune également, la généralité de Bourges 5 000, la généralité de Poitiers 6 000, le Dauphiné 7 000, la généralité de Moulins 8 000, la généralité de Caen 10 500, la généralité de Champagne 20 287, la Provence 35 000, la généralité de Montauban réglait 50 000 livres de principal et deux sols pour livre pour les frais de recouvrement. Ces abonnements, fixés entre 1715 et 1717 furent reconduits à l’identique en 1726 (bail Carlier). S’y ajoutèrent la généralité d’Auch (24 840) créée par le démembrement de celle de Montauban (30 160), la généralité de Bordeaux (4 677 livres, y compris les sols pour livre), la Franche-Comté (40 000 livres), le Languedoc « offrit » 100 000 livres (délibération du 3 janvier 1729) mais l’abonnement fut ramené à 16 666 livres dans le bail Nicolas Desboves (1732), la Bourgogne 4 000 livres, la généralité de Chalons fut taxée à hauteur de 20 287 livres dans le bail Nicolas Desboves… etc! Les abonnements augmentèrent lors des baux suivants. Ils rapportaient ensemble 266 531 livres pendant le bail Laurent David. Certaines provinces furent entièrement exemptées comme l’Alsace, la Lorraine, la Bretagne, ou les Dombes. Pour satisfaire l’abonnement, les sommes en question étaient levées parfois, comme en Provence, par un supplément porté aux rôles de taille.

Par opposition, la généralité de Lille n’était pas abonnée. A Lille, Hazebrouck, Douai et dans toute la Flandre, mais aussi dans le Cambrésis, l’Avesnois et la Champagne, les campagnes se couvraient de tordoirs ou moulins et la production s’exportait massivement. En Flandre, pour les six années du bail Carlier (1726-1732), le receveur des droits sur les huiles et savons, Simon-Pierre Bente, dut tenir compte de 36 704 livres. La recette était amenée à progresser cependant avec le développement du commerce. Au milieu du XVIIIe siècle, une fraude importante sur les droits fut repérée en Champagne: les négociants amenaient les huiles du cru aux limites de la province pour satisfaire les habitants des confins, mais les faisaient ensuite passer à Paris et Ile-de-France en faisant croire qu’il sagissait d’huiles dotées d’acquits de Flandre destinées à Lyon, à la Franche-Comté et à la Suisse, ce qui évitait de régler les droits de commerce qui n’étaient pas couvert par l’abonnement de Champagne.

Les droits de transit étaient le plus souvent réglés à l’entrée d’un pays pour passer debout ou à leur arrivée. La levée nécessitait de vérifier les acquits des droits auprès des voituriers. Le 10 mars 1763, les commis de la brigade de Villefranche-sur-Saône constatèrent par exemple que Claude Trossard, de la paroisse de Nandax, possédait « une grande quantité d’huile » pour laquelle il n’avait pas fait de déclaration ou en avait remplies de mauvaises. Les déclarations des voituriers devaient en effet contenir le lieu de destination, le nom du marchand, le poids, la quantité des pièces. Les voituriers devaient respecter les délais de route.

L’importation des huiles et savons étrangers était entravée par des droits de traite. Selon le tardif de 1664, les huiles entrant dans le ressort des Cinq grosses fermes payaient 10 livres pour 300 livres pesant. Ce taux était réduit à 20 sous sur les huiles issues des provinces de France « réputées étrangères ». Pour contrer les huiles dites de la Riviera de Gênes qui faisaient concurrence aux huiles de Provence soumises à un droit de foraine plus élevé pour entrer dans les Cinq grosses fermes, l’administration royale accepta d’augmenter le tarif de 1664 (arrêt du 17 décembre 1737) en le portant à 3 livres par quintal. De même, les autorités protégèrent les huiles de pêche françaises. Les Fermiers généraux durent encore préciser la législation portant sur les savons de Marseille, savons du cru du territoire franc qui demeuraient libres de droit quand ils étaient embarqués pour les îles française d’Amérique, ce qui lésaient les huiles et savons provençaux fabriqués hors du territoire de Marseille. En 1739, ils donnèrent ordre aux commis du bureau de Marseille de lever les droits sur ces marchandises destinées aux Iles, ce qui engagea des négociations avec la Chambre de commerce de la ville. Lors du bail Laurent David (1774-1780), les droits de traites sur les huiles et savons furent évalués comme suit : 1 864 915 livres de produit brut et 266 531 par abonnement, soit un total de 2 131 446 livres ; le produit net fut évalué à 1 855 593 livres. En 1781, Louis XVI doubla les droits principaux et porta à 10 sols pour livre le supplément, ce qui provoqua une levée de boucliers des hauts Magistrats des cours souveraines. Le roi y renonça dès 1782.





Sources et références bibliographiques:

    Sources archivistiques:
  • AN, G1 79, dossier 1.
  • AN, G2 198, 9 dossiers.
  • AD du Rhône, 4C 612, procès-verbal du 10 mars 1763.

    Sources imprimées:
  • Arrêt du Conseil d’Etat qui continue pendant le bail de P. Carlier les abonnements des droits sur les huiles et savons, 3 décembre 1726.
  • Arrêt du Conseil d’Etat qui continue pendant le bail de Nicolas Desboves les abonnements des droits sur les huiles et savons dans les provinces et généralités y dénoncées, 3 juin 1732.
  • Lettres patentes du 1er avril 1738, concernant les acquits à caution pour les droits sur les huiles.
  • Arrêt du Conseil d’Etat qui continue pendant le bail de Jacques Forceville les abonnements des droits sur les huiles et savons dans les provinces et généralités y énoncées, 11 février 1738.
  • Arrêt du Conseil d'état qui établit des précautions pour empêcher la fraude des droits sur les huiles qui sortent de la généralité de Châlons, à la faveur de l'abonnement desdits droits accordé aux habitants de ladite généralité, 6 février 1742.
  • Jugement Souverain rendu par les commissaires du conseil qui condamne Simon-Pierre Bende, receveur des droits de la ferme des huiles et savons au faubourg des malades de la ville de Lille, en 15 années de galères, pour avoir diverti les deniers de sa recette, 14 février 1743.
  • Arrêt du Conseil d’Etat qui supprime, à compter du 1er octobre 1782, la perception des droits établis sur les huiles et savons par l'édit d'août 1781, 17 juillet 1782.
  • Instructions pour les employés des Fermes du roi sur les huiles et savons, Toulouse, 1783.


    Bibliographie scientifique:
  • Françoise Hildesheimer, « L’huile, objet de fiscalité en Provence sous l’Ancien régime », Revue Provence historique, t. 31, fascicule 124, 1981, p. 127-152.




Citer cette notice:

Marie-Laure Legay, « Huiles et savons » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 21/11/2024
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