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Amidon (Droits sur)

Marie-Laure Legay





L’amidon était une substance qu’on retirait des blés gâtés, des gruaux, des sons de bons blés, d’orge moulu, des recoupes. Sa fabrication était très surveillée par l’administration car il importait de ne pas utiliser de bons grains propres à la fabrication concurrentielle du pain, mais a contrario de ne pas utiliser des blés trop gâtés susceptibles de nuire à la santé. L’amidon s’employait en effet dans la confiserie. Il entrait aussi dans la fabrication en parfumerie, la ganterie, la perruquerie, teinturerie… Il fut taxé tardivement d’abord par des droits d’entrée et de sortie (1765), puis par des droits d’aides sur sa fabrication (1771 et augmentation en 1781). L’arrêt du 26 mars 1765 taxa tant l’amidon (30 sous par quintal à l’entrée du royaume et 9 sous à la sortie) que la « poudre à poudrer » (50 sous à l’entrée et 2 sous six deniers à la sortie). L’édit du mois de février 1771 soumit la fabrication au paiement de deux sols à la livre. Ces droits furent d’abord cédés à une régie qui s’occupa également des droits sur les papiers et cartons (bail Julien Alaterre) avant d’être réunis à la régie générale des aides créée en 1777. L’administration justifia cet impôt à partir d’une argumentation socio-économique intéressante : « ce droit ne doit pas être considéré comme onéreux puisqu’il porte sur différents objets de luxe plutôt que de nécessité première et qu’il est supporté par des consommateurs aisés à qui il est insensible ». Cependant, d’autres artisans utilisaient abondamment l’amidon comme les blanchisseurs, les gaziers, les cartiers, cartonniers, relieurs, enlumineurs, colleurs de papiers, afficheurs… La consommation en était générale.

En tout état de cause, l’argumentation tomba d’elle-même car les droits ne portèrent pas sur les débitants et consommateurs mais seulement sur la fabrication. En effet, le parlement de Paris, au moment de l’enregistrement de l’édit, retira aux préposés la faculté de faire des visites chez les débitants. L’amidonnier, seul concerné donc, devait peser ses marchandises à la sortie de l’étuve et acquitter les droits à la vente. La mesure passa mal chez les fabricants. Coquet, amidonnier en parfumeur à Reims, ne comprit pas pourquoi les commis de la régie dressèrent procès-verbal et le mirent à l’amende le 16 décembre 1772 sous prétexte qu’il n’avait pas réglé les droits. L’étonnement du parfumeur provenait du fait qu’il n’avait pas encore mis sa poudre en vente. Il contesta avec détermination l’attitude des commis qui interprétaient, d’après lui, les règles du législateur et prélevaient sur la production avant qu’elle ne soit vendue en contradiction avec tous les principes d’équité. L’édit de 1771 établissait le paiement « au fur et à mesure de la vente » et non à l’avance. L’intendant de Champagne, à qui le contentieux revenait, confirma pourtant la condamnation. Coquet fit appel, jugeant que l’ordonnance n’était pas soutenable, « que l’équité en sollicite d’autant plus l’infirmation qu’elle excite la réclamation de tous les commerçants par les épines qu’elle sème dans le commerce d’amidon et des poudres ». Le Conseil d’Etat trancha en faveur du régisseur considérant que l’article 1 de l’édit de 1771, incriminé par Coquet, distinguait en réalité les droits sur la fabrication qui concernaient à la fois l’amidon et la poudre, et les droits à la vente qui ne concernaient que l’amidon.

Réelle néanmoins était l’incompréhension de la loi. Raverot, amidonnier à Mâcon, se révolta le 3 octobre 1774 lorsqu’il vit que les commis de la régie avaient forcé la serrure de sa fabrique en son absence et saisi les quatre tonneaux de trempe qui s’y trouvaient, ainsi que les 18 pains d’amidon sortis du four qui séchaient chez son voisin, le boulanger. Il s’arma d’un gros bâton et déclara que puisqu’il fallait mourir, peu lui importait de quelle manière. Le commis tenta de le désarmer mais une rébellion s’organisa pour défendre Raverot. De même à Lyon en 1788, Jacques Lapierre, marchand amidonnier, contre lequel procès-verbal fut dressé à la porte de Saint-Clair pour avoir omis de payer les droits pour deux sacs d’amidon, s’inscrivit en faux contre les commis de la régie car ces derniers l’accusèrent de « fraudeur ».

A cette époque l’amidonnier faisait trois déclarations : à la mise en trempe, à l’égouttoir et à la sortie de l’étude. L’arrêt du Conseil du 10 décembre 1778 modifia les modalités de perception et fit porter les droits au moment de la mise en trempe des matières. La régie travailla avec les amidonniers de Paris et établit un droit de 7 livres 10 sols par muid de trente-six septiers mesure de Paris, et pour les autres vaisseaux en proportion. On notera ce cas particulier de collaboration entre la Régie générale et le corps de métier. Il doit être mis en parallèle avec d’autres cas de collaboration concernant des corps constitués traditionnels et la Ferme. Ce nouveau règlement cherchait à limiter les fraudes. Les amidonniers abusaient de la facilité qu’ils avaient de convertir leurs amidons en poudre pour en soustraire la majeure partie au droit. Par exemple, les nommés Villain et Leviseur, associés amidonniers à Beauvais, furent condamnés en 1775 à 500 livres d’amende pour avoir soustrait de leur déclaration à la sortie de l’étude 582 livres-poids, constat fait par comparaison avec la déclaration à la mise à l’égouttoir. Toutefois, cette réglementation de 1778 se révéla elle-même insatisfaisante car la diversité des matières utilisées par l’amidonnier, la diversité mêmes des procédés de fabrication rendaient l’imposition entre fabricants inéquitable. Un muid de matière ne rendait pas la même quantité d’amidon partout. Par exemple, les sons maigres rendaient moins que les sons gras qui eux-mêmes rendaient moins que le premier gruau. Par ailleurs, dans certaines provinces comme l’Artois, la Flandre, le Hainaut et le Cambrésis, l’assiette continuait d’être faite à partir de la sortie de l’étuve. L’administration des fermes chercha donc à améliorer l’équité fiscale en trouvant le moment, dans le processus de transformation de la matière, où celle-ci était susceptible de peu de variations. L’idée d’une perception assise à l’égouttoir au moment où le bloc d’amidon est coupé en pain sembla l’emporter. Les droits sur la fabrication de l’amidon furent abolis en mars 1790 par l’Assemblée nationale.





Sources et références bibliographiques:

    Sources archivistiques:
  • AN, G2 184, dossier 5, « Mémoire sur les moyens d’améliorer la perception du droit sur l’amidon établi par l’édit de février 1771 ».
  • AD du Rhône, 3C 103, dossiers « inscriptions en faux », affaire Jacques Lapierre, 1788.

    Sources imprimées:
  • Edit du roi qui établit un droit de deux sols sur l’amidon, donné à Versailles au mois de février 1771.
  • Arrêt du Conseil d’Etat qui confirme une ordonnance de l’intendant de Champagne du 10 Mars 1773 par laquelle le sieur Coquet, fabricant d'amidon et parfumeur à Reims a été condamné en la confiscation des amidons saisis chez lui, faute d’en avoir fait déclaration et acquitté les droits avant leur fabrication en poudre, 22 juin 1773 (affaire Coquet).
  • Arrêt du Conseil d’Etat qui ordonne l’exécution de l'arrêt du 21 août 1771 portant attribution aux intendants et commissaires départis dans les provinces des contestations concernant la régie et perception du droit sur l'amidon, 19 décembre 1774 (affaire Raverot).
  • Arrêt du Conseil d’Etat du roi portant règlement pour la perception du Droit sur l’amidon, du 10 décembre 1778.
  • Lettres patentes du roi sur le décret de l’Assemblée Nationale du 22 mars 1790 concernant la suppression du droit sur la fabrication des Amidons à compter du 1er avril 1790 et l’établissement d’une Contribution sur toutes les villes du Royaume provisoirement et pour la présente année 1790 seulement, à Paris, de l’Imprimerie de Prault, 1790, 2 p.


    Bibliographie scientifique:
  • Aline Logette, « Les amidonniers et la régie générale (1777-1786) », Revue Dix-Huitième siècle, 1985, n° 17, p. 317-328.




Citer cette notice:

Marie-Laure Legay, « Amidon (Droits sur) » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 22/12/2024
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