Amidon (Droits sur)
En tout
état de cause, l’argumentation tomba d’elle-même car les
droits ne portèrent pas sur les débitants et consommateurs
mais seulement sur la fabrication. En effet, le parlement
de Paris, au moment de l’enregistrement de l’édit,
retira aux préposés la faculté de faire des visites chez les
débitants. L’amidonnier, seul concerné
donc, devait peser ses marchandises à la sortie de l’étuve
et acquitter les droits à la vente. La mesure passa mal
chez les fabricants. Coquet, amidonnier en parfumeur à
Reims, ne comprit pas pourquoi les commis de la régie dressèrent procès-verbal et le
mirent à l’amende le 16
décembre 1772 sous prétexte
qu’il n’avait pas réglé les droits. L’étonnement du
parfumeur provenait du fait qu’il n’avait pas encore mis
sa poudre en vente. Il contesta avec détermination
l’attitude des commis qui interprétaient, d’après lui, les
règles du législateur et prélevaient sur la production
avant qu’elle ne soit vendue en contradiction avec tous
les principes d’équité. L’édit de 1771
établissait le paiement « au fur et à mesure de la
vente » et non à l’avance. L’intendant de Champagne, à
qui le contentieux revenait, confirma pourtant la
condamnation. Coquet fit appel,
jugeant que l’ordonnance n’était pas soutenable, «
que l’équité en sollicite d’autant plus
l’infirmation qu’elle excite la réclamation de tous
les commerçants par les épines qu’elle sème dans le
commerce d’amidon et des poudres ». Le
Conseil d’Etat trancha en faveur du régisseur considérant
que l’article 1 de l’édit de 1771, incriminé par Coquet, distinguait en réalité les
droits sur la fabrication qui concernaient à la fois
l’amidon et la poudre, et les droits à la vente qui ne
concernaient que l’amidon.
Réelle néanmoins était
l’incompréhension de la loi. Raverot, amidonnier à Mâcon,
se révolta le 3 octobre 1774
lorsqu’il vit que les commis de la régie avaient forcé la
serrure de sa fabrique en son absence et saisi les quatre
tonneaux de trempe qui s’y trouvaient, ainsi que les 18
pains d’amidon sortis du four qui séchaient chez son
voisin, le boulanger. Il s’arma d’un gros bâton et déclara
que puisqu’il fallait mourir, peu lui importait de quelle
manière. Le commis tenta de le désarmer mais une rébellion s’organisa
pour défendre Raverot. De même à Lyon en 1788, Jacques Lapierre, marchand
amidonnier, contre lequel procès-verbal fut dressé à la
porte de Saint-Clair pour avoir omis de payer les droits
pour deux sacs d’amidon, s’inscrivit en faux contre les
commis de la régie car ces derniers l’accusèrent de «
fraudeur ».
A cette époque l’amidonnier faisait trois
déclarations : à la mise en trempe, à l’égouttoir et à la
sortie de l’étude. L’arrêt du Conseil du
10 décembre 1778 modifia
les modalités de perception et fit porter les droits
au moment de la mise en trempe des matières.
La régie travailla avec les amidonniers de Paris et
établit un droit de 7 livres 10 sols par muid de
trente-six septiers mesure de Paris, et pour les autres
vaisseaux en proportion. On notera ce cas particulier de
collaboration entre la Régie générale et le corps de métier. Il doit être
mis en parallèle avec d’autres cas de collaboration
concernant des corps constitués traditionnels et la Ferme.
Ce nouveau règlement cherchait à limiter les fraudes. Les amidonniers abusaient de la facilité qu’ils
avaient de convertir leurs amidons en poudre pour en
soustraire la majeure partie au droit. Par exemple, les
nommés Villain et Leviseur, associés amidonniers à
Beauvais, furent condamnés en 1775
à 500 livres d’amende pour avoir soustrait de leur déclaration à la
sortie de l’étude 582 livres-poids, constat fait par
comparaison avec la déclaration à la mise à l’égouttoir.
Toutefois, cette réglementation de 1778
se révéla elle-même insatisfaisante car la
diversité des matières utilisées par l’amidonnier, la
diversité mêmes des procédés de fabrication rendaient
l’imposition entre fabricants inéquitable. Un muid de
matière ne rendait pas la même quantité d’amidon partout.
Par exemple, les sons maigres rendaient moins que les sons
gras qui eux-mêmes rendaient moins que le premier gruau.
Par ailleurs, dans certaines provinces comme l’Artois, la Flandre, le Hainaut et le Cambrésis, l’assiette continuait d’être faite à partir
de la sortie de l’étuve. L’administration des fermes
chercha donc à améliorer l’équité fiscale en trouvant le
moment, dans le processus de transformation de la matière,
où celle-ci était susceptible de peu de variations. L’idée
d’une perception assise à l’égouttoir au moment où le bloc
d’amidon est coupé en pain sembla l’emporter. Les droits
sur la fabrication de l’amidon furent abolis en mars 1790 par l’Assemblée nationale.
Sources et références bibliographiques:
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Sources archivistiques:
- AN, G2 184, dossier 5, « Mémoire sur les moyens d’améliorer la perception du droit sur l’amidon établi par l’édit de février 1771 ».
- AD du Rhône, 3C 103, dossiers « inscriptions en faux », affaire Jacques Lapierre, 1788.
-
Sources imprimées:
- Edit du roi qui établit un droit de deux sols sur l’amidon, donné à Versailles au mois de février 1771.
- Arrêt du Conseil d’Etat qui confirme une ordonnance de l’intendant de Champagne du 10 Mars 1773 par laquelle le sieur Coquet, fabricant d'amidon et parfumeur à Reims a été condamné en la confiscation des amidons saisis chez lui, faute d’en avoir fait déclaration et acquitté les droits avant leur fabrication en poudre, 22 juin 1773 (affaire Coquet).
- Arrêt du Conseil d’Etat qui ordonne l’exécution de l'arrêt du 21 août 1771 portant attribution aux intendants et commissaires départis dans les provinces des contestations concernant la régie et perception du droit sur l'amidon, 19 décembre 1774 (affaire Raverot).
- Arrêt du Conseil d’Etat du roi portant règlement pour la perception du Droit sur l’amidon, du 10 décembre 1778.
- Lettres patentes du roi sur le décret de l’Assemblée Nationale du 22 mars 1790 concernant la suppression du droit sur la fabrication des Amidons à compter du 1er avril 1790 et l’établissement d’une Contribution sur toutes les villes du Royaume provisoirement et pour la présente année 1790 seulement, à Paris, de l’Imprimerie de Prault, 1790, 2 p.
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Bibliographie scientifique:
- Aline Logette, « Les amidonniers et la régie générale (1777-1786) », Revue Dix-Huitième siècle, 1985, n° 17, p. 317-328.
Amidon (Droits sur) » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 21/11/2024
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