Régie générale des aides
La création de la régie générale relevait donc d’un plan
de réforme ambitieux. Celui-ci visait à faire cesser la
multiplication des petites régies souvent concédées depuis
la fin de la guerre de Sept-Ans (1756) dans l’urgence des besoins financiers avec un
intérêt fixe sur les fonds avancés trop élevé et sans
rapport avec le rendement fiscal. Ces intérêts exorbitants
contribuaient à maintenir un prix de l’argent haut
préjudiciable à la monarchie. Par ailleurs, cette
multiplication générait une administration pléthorique
coûteuse. Les régies utilisaient parfois les employés des
fermes, mais le plus souvent s’en attachaient de nouveaux,
ce qui augmentait les frais de perception. Enfin, la
concession de croupes
limitait également l’encaissement des recettes rémunérer
les fonds avancés à une hauteur raisonnable (5 %) et
d’engager les nouveaux régisseurs à augmenter le rendement
fiscal par une administration comptable efficace. Déjà en
1765, le contrôleur
général Laverdy se plaignait de la lenteur administrative
dans la régie Valade à laquelle il substitua les cautions
de Jean Alaterre : « on a eu beaucoup à se plaindre
pendant la régie Valade de la lenteur des Directeurs à
faire passer les états qui étaient demandés » (lettre du
18 mai 1765, G2 109). Les
receveurs étaient souvent reliquataires.
Peu d’historiens
ont repéré jusqu’à présent la difficulté d’une telle
opération de regroupement : elle concernait des droits de
nature différente, aussi bien ceux dits « d’exercice » que
ceux abonnés, droits sur la consommation, droits sur la
fabrication, sols pour livres… ; or, ces droits ne mettaient pas en oeuvre
originellement les mêmes opérations comptables. Pour
unifier l’administration des « aides » et tout soumettre à
un contrôle strict des journaux et des caisses, il fallait passer par plusieurs
étapes. Necker s’y prit en trois temps: d’abord l’arrêt
du 3 avril 1777 qui réunit la
régie des droits réunis (courtiers-jaugeurs et inspecteurs aux boissons), celle des
droits réservés, la régie
des greffes, celle des Quatre membres de Flandre maritime et celle des papiers et cartons, tous droits dits
d’exercice. Les nouveaux régisseurs, pris parmi les
anciens le plus souvent, avancèrent 10 millions de fonds
d’avance, rémunérés à 5%. Par ailleurs, Necker confia le
27 août de la même année à Dominique Compant deux autres
nouvelles régies : un ensemble composé des droits des
inspecteurs aux boucheries, droits sur les amidons, droits sur les papiers et cartons, et sols pour livres de diverses taxes désunis du bail
Laurent David, d’une part, et d’autre part: la régie des
droits sur les cuirs, les
marques d’or et d’argent,
marques de fer, mais aussi les
droits réservés qui se
payaient par abonnement ou dons gratuits, certains octrois
municipaux levés pur le compte du roi (« don gratuit » de
1758). En 1778, Dominique Compant prit
aussi en régie les droits sur les cartes jusqu’alors concédés au profit de
l’Ecole militaire. A ces premiers regroupements furent
adjoints le 9 janvier 1780 tous
les droits dits « d’exercice » qui étaient exigés pour
préparation, vente et consommation des boissons et étaient
dénommés « aides » dans le bail de la Ferme générale.
Cette nouvelle mouture de la régie générale, établie sous
le nom d’Henri Clavel, comptait 25 régisseurs désignés par
le roi, chargés de fournir 25 millions de fonds d’avance.
La régie générale fut ensuite continuée sous le nom de
Jean-François Kalandrin. A cette époque, elle comptait
4 105 employés et environ 8 000 commis, soit plus de
12 000 personnes. On peut facilement mesurer son ampleur
bureaucratique par le nombre de rames de papier qu’elle
utilisa en 1788: 3 000 rames de
grand raisin pour les quittances d’intérêts et
cautionnement, 2 778 rames pour établir les comptes
d’ordre en pays d’aides, et 700 rames pour les pays
d’états, 76 pour les comptes de recettes et dépenses des
receveurs, 71 pour les comptes de recettes et dépenses des
commis buralistes, 32 « pour imprimer 16 000 comptes de
recettes et dépenses pour les pays d’états », 6 rames pour
les états de remise et appointements des buralistes, 8
pour les états de formule, 10 pour imprimer les états de
produits par bureau et encore 10 pour imprimer un état du
produit des droits d’aides,
1 rame pour imprimer la soumission des orfèvres, 20 pour
imprimer les feuilles de détail, 10 pour imprimer l’état
des contrôleurs de ville, 9 pour les tableaux d’employés,
6 pour imprimer la récapitulation des droits sur les cuirs, et 6 pour l’état du
produit des sols pour livre,
10 pour imprimer les journaux et 10 pour imprimer les extraits de journaux, 12
pour les droits sur les cartes, 10 pour imprimer les états de fin d’année…. Au
total 7 374 rames de papier ont été nécessaires à
l’activité de la régie cette année-là.
De fait, la régie
générale mit en œuvre un suivi rigoureux des états et des
caisses. Modèles de comptes, examen des frais de régie,
relevés de registres…
l’ordre de travail des bureaux fut établi avec grand soin. Les receveurs devaient
arrêter leurs journaux chaque quinzaine et envoyer leurs
extraits par la poste ; surtout, ils devaient verser tous
les quinze jours « la totalité de leurs fonds sans jamais
en réserver sous aucun prétexte » (G2 109, dossier 8,
« circulaire sur la suite des caisses », 1787), ce qui améliora grandement le
rendement fiscal. « La régie des aides passe, dans
l’esprit même de ses détracteurs, pour être ingénieuse,
savante et parfaitement bien ordonnée. L’esprit d’ordre,
de suite, de méthode et de bonne comptabilité en distingue
les employés », pouvait-on lire en 1789. Le directeur de la comptabilité de la régie, de
Vanmorillon, n’hésita pas à ouvrir ses comptes au comité
de finances lors de la liquidation : « il a indiqué
l’ordre des comptes de la Régie et mis le comité en état
de suivre dans un registre de l’année 1782 que MM. Les régisseurs lui ont confié.
Il a offert ses services ». En revanche, on peut douter de
l’effet de la réforme de Necker sur l’évolution des cautions. L’analyse des
investisseurs de 1780 dans la
régie (voir notice caution, cautionnement) met en valeur les mêmes groupes sociaux
avec une majorité d’officiers de finances et fermiers bien
établis dans la gestion publique.
Sources et références bibliographiques:
-
Sources archivistiques:
- AN, G2 1 à 169 plus particulièrement vus : G2 9, G2 20, 1041, 109, 1161, 133.
- AN, G2 186 (2) « Livre des plyages ».
- AN, D VI, dossier 17, procès-verbal du 9 décembre 1789.
-
Sources imprimées:
- Arrêt du Conseil d'Etat qui ordonne la réunion, à compter du 1er octobre prochain, des régies des droits réunis, des greffes, des hypothèques, des droits réservés, des quatre membres de Flandre et des papiers et cartons en une seule régie, sous le titre de régie générale, 3 avril 1777.
- Arrêt du Conseil d'Etat qui met Dominique Compant en possession de différents droits compris dans la régie générale, 27 août 1777.
- Lettres patentes du Roi qui ordonnent qu'à compter du 1er octobre 1777, Dominique Compant fera la régie, recette et exploitation du droit unique sur les cuirs et peaux, des droits de contrôle et marque des ouvrages d'or et d'argent, des droits de la marque des fers, des droits des offices supprimés par l'édit du mois d’avril 1768 et des droits anciennement établis pour le payement des dons gratuits, et à compter du 1er janvier 1778, celle des octrois municipaux, données à Versailles, le 27 août 1777.
- Arrêt de règlement concernant les fermes les régies du Roi, 9 janvier 1780.
- Arrêt du conseil d’Etat qui nomme le sieur Henri Clavel régisseur des droits compris dans la Régie générale, 15 septembre 1780.
- A l’Assemblée nationale, remontrent les Employés de la Régie générale des Aides de la ci-devant province de Normandie, Rouen, 1790, 11 p.
- Vues générales sur l’impôt des aides, les inconvénients de sa suppression et la possibilité de sa réforme, 1789, cité par Marion Marcel, Dictionnaire des institutions de la France XVIIe – XVIIIe siècles, Paris, Picard, 1999 (rééd.), p. 12.
-
Bibliographie scientifique:
- Aline Logette, « La Régie générale au temps de Necker et de ses successeurs, 1777-1786 », Revue historique de droit français et étranger, 1982, n°3, vol. 60, p. 415-445.
Régie générale des aides » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 21/11/2024
DOI :