× Papier timbre Petites gabelles Etats provinciaux Bateau-maire Dieuze Franc-Lyonnais Lieues limitrophes Conflits de juridiction Bureau des privilegies Delivrance Conge de remuage Peyriac et Sigean Sel de salaison La Rochelle Regie des accises de Prusse Guerande Richelieu (ville de) Douane de Lyon Vin Conseil (de la Ferme generale) Traites Contrebande Turenne (Vicomte) Pays de Salines Darigrand Edme-François (1735-apres 1796) Agenais Allemagne Sel gris Descente(s) Le Havre Brouage Proces-verbal Clermontois Traite de Tadoussac Seine (bassin de la) Cartes (droits sur) Vexations Cuirs et peaux (droits sur) Privileges Prohibition Alsace Droits reserves Touques Cabaret, cabaretier Remontrances Boucher, boucherie (droits) Annuel (droit) Tabac etranger Tonneins Welferding (Sarreguemines) Franche-Comte Patente du Languedoc Bearn Marque d'or et d'argent (droits) Bordeaux Adjudicataire Traite d'Arsac Pancarte Sedan (principaute) Faux-saunage Regrat, regrattier Franc-sale Billet sommaire Lyon, Lyonnais Tremie Denier Saint-Andre Maitre des ports Grenier a sel Registre sexte Rebat (feuille de) Agent Quetes Visite de bateaux Billet de finances Rosiere, Rosieres Commis aux caves Gros (droits de) Indult (droit) Passavant Bureau de conserve Penthiere Dechet Aigues-Mortes Sel de franchise Flandres Billet de gabellement Rochefort Peccais Espagne Bourgneuf (baie de) Canada Provinces a l'instar de l'etranger effectif Ferme generale Roussillon Serment de catholicite Porte-a-col Normandie Depot (magasin general de sel) Douane de Valence Ordonnances Trepas de Loire Picardie Mur des Fermiers generaux Bureau du contentieux Traite d'Anjou Traite des noirs Re (ile de) Inscription de faux Registre-journal Boissons (droits d'inspecteurs aux) Banvin (privilege du) Traite de Charente Sete Levant Huiles et savons Limousin Quatrieme (droits de) Sel d'aumone Provinces reputees etrangeres Domaine d'Occident Riviere (droits de) Fraude Pays-Bas (espagnols puis autrichiens) Arles Peche Suisse Pont-de-Beauvoisin Dieppe Maspfenning (droit de) Labourd (pays de) Rethel, Rethelois Privilegies Passe-debout Marque de fer (droits sur) Provence Domaine Berry Controle des actes (droits de) Regie generale des aides Benefices (de la Ferme generale) Sac, sacquerie Patache Peages Berre (salins de) Lorraine Alun (droits sur) Deliberation Angleterre Marseille Soldat Nassau (Maison) Montcornet Registre Passeport Bayonne Boutavant Transit Papiers et cartons Table de mer Inventaire Barriere d'octroi Joigny (droit du pont de) Masse Maconnais Gex (pays de) Porteur de sel The Provinces des Cinq grosses fermes Camargue Hotel des Fermes Amidon (Droits sur) Fonds de ferme Courtiers-jaugeurs (droits) Sucre Rochechouart Bande, banditisme Sel de salpetre Authie (riviere) Montmorot Intendant Aides Cour des aides Champagne Subvention (droits de) Bandouliere Foraine Declaration Hainaut Ingrandes Bretagne Dombes Passavant (seigneurie de) Gascogne Caution, cautionnement Anjou Grandes gabelles (pays de) Quart Bouillon (Pays de) Colonies Voiture (de sel) Sel de morue Receveur particulier Huitieme (droits de) Ecrou pour fraude Mandrin Louis Drogueries et epiceries Depots (regie des) Salines (marchandises de) Dunkerque Etain Eaux-de-vie Pays redimes Nantes Bourgogne Biere Bon de masse Directeur, direction des fermes Rouen Sisteron Comtat-Venaissin Tabac Minot Touraine Droits reunis Acquit a caution Juridiction des traites Receveur general des fermes Sous-ferme Croupe, croupier Acquit de paiement Artois Septemes (Les Pennes) Cafe Arc-et-Senans Comptes, comptabilite Auvergne Election, elu Languedoc Toiles de coton (blanches, peintes et imprimees) Brigade, brigadier Allege Salins Clerge Compagnie des Indes orientales Cambrai, Cambresis Paris (freres) Dieppedalle Sault (comte de) Cinq sous (droits) Registre portatif Gabelles Rhone Dauphine Sel d'Epsom Accommodement Visite Sols pour livres (sur le droit des fermes) Savoie Acte de societe Amende Bail Bureau des Finances Bureau du commerce Commission Contrainte Controleur Inspecteur Montauban Poitou Proces des Fermiers generaux Femmes et filles Rebellion Retraite Saisie Tournee Fermier general de correspondance Sel national Douane Droits d'entree a Paris Banlieue (droits de la) Entrepot (de transit) Physiocratie



Bretagne

Marie-Laure Legay





Jacques Necker, dans son Mémoire sur l’administration des finances de la France, mit un point d’honneur à faire la comparaison du produit fiscal de la Bretagne avec celui de la Normandie : « On aura vu que la Bretagne, avec une population supérieure à celle de la Normandie, payait moitié moins… Je dois observer que l’impôt du sel dont la Bretagne est affranchie, s’élève à près de 9 millions en Normandie ; que les vingtièmes y rapportent la même somme et que cette contribution, abonnée en Bretagne, est de 3 800 000 livres; que la taille et la capitation réunies se montent à 15 millions en Normandie et surpassent ainsi d’environ 10 millions le produit de ces mêmes impôts en Bretagne, qu’enfin, les différents droits d’aides recouvrés en Normandie s’élèvent plus haut que ceux perçus en Bretagne sous le nom de devoirs ». Le constat révèle la faible intrusion de l’administration fiscale royale dans une province rétive à toute mise en cause de ses privilèges. Toutefois, si la Ferme générale eut une activité limitée dans ce pays réputé étranger et exempt de gabelles et d’aides, elle n’en fut pas moins présente par ses nombreux bureaux de traites, autrefois acquis au duc de Bretagne, ses entrepôts de tabacs, ses directions (Nantes et Rennes) et ses recettes générales et particulières. Moins connue que les impôts directs, les droits que levait le roi en Bretagne étaient nombreux. La compagnie ne se contenta pas de surveiller les trafics dans les lieux limitrophes aux confins de la Normandie, du Maine, de l’Anjou et du Poitou, ou ceux des côtes maritimes qui faisaient face à l’Angleterre. Sous Louis XV, la régie de Charles Cordier durcit la gestion des droits indirects. La guerre de Sept-Ans (1756 -1763) provoqua toutefois une évolution sensible des relations entre administrateurs locaux et Fermiers généraux. Les Etats provinciaux obtinrent des contrats de gestion (1759) sur lesquels le Conseil du roi eut bien du mal à revenir par la suite, au moment où il fallut liquider les dettes de guerre et accroître les recettes fiscales, tandis que le parlement de Rennes veillait à défendre le principe du « consentement » des Bretons à l’impôt selon une nouvelle rhétorique mêlant anciens usages et nouvelle philosophie.

Bien connues sont les lignes de contrôle organisées à la frontière de la Bretagne, grâce à la Carte des confins et limites de la province de Bretagne, où se voit la ligne ponctuée de séparation d'entre cette dite province et celles de Poictou, d'Anjou, le Mayne, petit Maine et Normandie. Cette carte fut réalisée par le géographe Jacques Le Loyer en 1684, sans doute à la demande du Conseil du roi qui venait de publier une déclaration sur l’usage du sel dans ces confins (1680). Comme ailleurs dans le royaume, deux lieues limitrophes séparaient la province exempte de celles soumises à l’impôt. Tout amas de sel y était interdit; la consommation y était strictement contrôlée et ne devait pas dépasser les besoins pour six mois. Côté breton, les villes de Dol, Fougères, Vitré, La Guerche, Châteaubriant, Ancenis et Clisson étaient assimilées aux dépôts des pays rédimés : les acheteurs, particuliers et marchands, pouvaient s’y fournir en sel en obtenant un passavant. La loi garantissait en outre l’immunité pour toute personne tuant des faux-sauniers (article 9). Malgré les précautions, la fraude ordinaire du sel sévit à travers les lignes. Les faux-sauniers s’organisaient en bandes avec de multiples complicités, des cabaretiers, des soldats en garnison à proximité de la frontière, des éleveurs et agriculteurs. Les techniques de fraude utilisaient parfois des chiens que le Conseil dut interdire également. Le grenier de Laval, en Mayenne, jugea 4 788 affaires entre 1759 et 1788, tandis que la commission de Saumur statua sur 6 878 affaires entre 1765 et 1789. Le prix du sel augmentait avec le nombre de lignes franchies : il se vendait 2 sous la livre dans le Maine, puis 3 sous après la deuxième ligne, 4 sous après la troisième ligne pour atteindre 6 sous en Mayenne et sept au-delà, soit plus de 30 livres tournois le minot alors que le prix officiel allait jusqu’à 62 livres en pays de grandes gabelles. Au nord de la Loire, trois lignes enserraient la Bretagne : une à proximité de la frontière, une autre sur l’axe Gorron, Chailland, Cossé-le-Vivien, Craon, La Pouèze, Saint-Georges-sur-Loire, une troisième le long de la Mayenne puis de la Loire de Bouchemaine à Chalonnes. Au sud de la Loire, les brigades étaient établies dans l’Anjou et s’organisaient ensuite selon une direction Est-Ouest le long des confins des provinces rédimées.

Les droits qui pesaient ordinairement dans le royaume sur les produits de consommation courante comme vins, eaux-de-vie, viande, poissons, relevaient également de régies spécifiques, soit qu’elles étaient réunies aux Etats provinciaux, percepteurs principaux, soit qu’elles relevaient de baux indépendants de la Ferme générale. La ferme des devoirs par exemple, était sans lien avec la compagnie royale. Elle taxait les boissons, tant vins, cidres, poirés, bières, de différents droits (« grand devoir » pour les vins hors du cru, « petit devoir » pour la vente en gros) et selon différents tarifs en fonction de la provenance (du cru de la province ou hors du cru). De même, le Fermier des devoirs avait le monopole de la vente des eaux-de-vie. Sur les boissons, le roi ne recevait que les droits de « l’impôt et billot », mais les faisait percevoir par les Bretons. Les Fermiers des devoirs avaient obligation de faire tenir registres par leurs commis des recettes des « impôts et billots », mais aussi du papier timbré et devaient rendre compte par états du produit fiscal, versé chaque trimestre dans la caisse générale de la Ferme des impôts et billots à Rennes. Les deux Fermes et leurs cautions étaient déclarées solidairement responsables de la recette (1710 et 1716). L’objectif était de s’appuyer sur le réseau de financiers bretons, d’éviter les frais de contestations devant les tribunaux royaux et néanmoins de fiscaliser les boissons pour le compte du roi.Outre ce procédé, la monarchie avait recours à l’abonnement ou à l’aliénation. Les inspecteurs aux boucheries (et les droits qui leur étaient associés) furent par exemple réunis aux Etats (1706). De même en 1710, Louis XIV aliéna provisoirement les droits de contrôle des actes pour obtenir de l’argent frais pour la guerre.

Louis XV réitéra en grand ce procédé en 1759. Le contrat passé entre l’assemblée des Etats et le Conseil le 18 février attribua aux commissaires de la province non seulement la régie des droits du Contrôle des actes (dont le contentieux fut retiré à l’intendant), mais aussi les droits de franc-fief, domaines et droits seigneuriaux, « impôts et billots » (voir plus haut) et formule sur les papiers, tous droits qui faisaient partie du bail de la Ferme générale Pierre Henriet (1755) et qui furent restitués au bail Julien Alaterre en 1771 puis, par subrogation, à Jean-Baptiste Rousselle. Cette aliénation massive des droits du roi aux Etats eut peu d’équivalent ailleurs. Dans le même temps, de nouveaux impôts indirects furent établis sur l’ensemble du royaume, notamment l’impôt sur les cuirs (1759) dénoncé par les libelles publiés par les villes de Nantes et Vannes, relayées par les Etats provinciaux. On voit donc bien la difficulté qu’eut le fisc de « travailler la province en finances », selon l’expression employée dans les bureaux du Contrôle général (Marie-Laure Legay). Aliénations en temps de guerre, sous-fermes et abonnements en temps de paix, constituaient des pratiques d’évitement qui laissaient la Ferme générale en dehors des tractations.

Vis-à-vis des traites en revanche, la Bretagne « étrangère » se trouvait enserrée dans un carcan de bureaux de déclaration relevant de deux directions de la Ferme générale : celle de Nantes, avec les bureaux de l’embouchure de la Loire (Nantes, Couëron, Le Pellerin, Paimboeuf, Bourgneuf, Croisic, Saint-Nazaire, Le Pouliguen et Mesquer) et les bureaux situés à ses frontières en Poitou (depuis Beauvoir sur la mer jusqu’à Montrevault qui faisait la jonction avec Ingrandes, en passant par Châteauneuf, La Garnache, Falleron, Rocheservière, L’Hébergement, Montaigu, La Bruffière, Remouillé, Torfou, et Gesté) et la direction de Rennes, soit 47 bureaux qui entourent la Bretagne côtière de Cancale à Redon. Dans le comté nantais, le roi levait donc, via la Ferme générale, les droits de règlements postérieurs au tarif de 1664 et ceux de la Prévôté de Nantes ; dans le reste de la Bretagne, il levait les droits postérieurs au tarif de 1664, les droits des prévôtés sur les marchandises des îles et des droits d’ancienne coutume conformes à la pancarte du 25 juin 1565. Encore, la Ferme générale eut bien du mal à réactiver ces anciens droits comme ceux « de ports et havres » tombés en désuétude depuis lors. Marchands et négociants de la province soutinrent un procès contre Charles Cordier, adjudicataire de la régie en 1725, devant le juge des traites de Brest. Ils refusaient de payer les six sous tournois pour cent aulnes de toiles qu’ils faisaient embarquer à Landernau. Dans cette affaire, l’argument présenté par l’adjudicataire est intéressant : il fit valoir l’édit d’avril 1667 portant que ce qui avait été administré par les receveurs et fermiers du roi pendant dix ans était réputé du Domaine de la Couronne et ne pouvait être contesté. Il fut suivi par le Conseil qui réaffirma les droits de ports et havres sur les marchandises entrantes et sortantes. A Saint-Malo, le receveur de la Ferme générale et les négociants s’opposaient à propos de la perception du « brieux », droits divisés en quatre classes selon le tonnage des bateaux et fixés à des sommes différentes dans la pancarte des droits de la Prévôté de Nantes levés pour le roi. La question fut soulevée lors de l’agrandissement de la ville pour le brieux sur les arrivages des matériaux des îles de Chausey (1714), et encore en 1735. La Ferme prétendait lever le brieux à chaque voyage, même sur les petits bâtiments, dès lors que le maître du vaisseau faisait commerce de sa cargaison, tandis que les Maloins assimilaient ce droit à une taxe annuelle domaniale. Il fallait également tenir compte des 34 bureaux de la Traite d’Anjou par lesquels passaient vins, toiles et autres marchandises vers la Bretagne. La châtellenie de Champtoceaux, composée de neuf paroisses (Champtoceaux, Bouzillé, Liré, Drain, Varenne, Le Fillet, Saint-Sauveur Landemont, Saint-Laurent des Autels et Saint-Christophe de la Couperie), avait du mal à vendre ses vins à Nantes, toute proche : la Ferme générale levait des droits de sortie trop prohibitifs pour la valeur de la production. Les habitants obtinrent la modération du tiers des droits de traites, mais aussi de la subvention par doublement, cinq sous et droits de courtiers-jaugeurs (1745). Les voitures qui passaient de l’Anjou au Poitou, toutes deux provinces des Cinq grosses fermes, par la Loire et le port de Nantes, en pays « réputé étranger », réclamaient des arbitrages pour ne pas payer les droits deux fois, comme par exemple sur la marque de fer. Le Conseil transigeait aussi en modérant les droits sur les denrées alimentaires, comme les sardines qui passaient de Bretagne en Anjou avec modération par rapport au tarif de 1664, en considération des pertes angevines sur les vins. Enfin, il devait tenir compte de l’entière exemption fiscale accordée aux Marches communes de la Bretagne et du Poitou (soit les paroisses de La Bruffière, Boissay, Gétigné, La Garnache…) et encore confirmée en 1777.

Globalement toutefois, cette ceinture contrariait les importations comme les exportations des marchandises du cru, particulièrement en période de guerre, quand les frégates anglaises opéraient un blocus maritime sur les côtes bretonnes. Dans de telles circonstances, le Conseil autorisait la sortie des marchandises par la terre, sans paiement des droits, comme ce fut le cas en 1693 ou en 1703 pour les toiles de lin fabriquées à Quintin, Uzel et Loudéac. Toutefois, la mesure demeurait insuffisante. Les toiles de Bretagne, autorisées à sortir pour l’étranger par les ports de Nantes, Saint-Malo, Morlaix, Landernau, Vannes (à partir de 1740) et Lorient (à partir de 1744), alimentaient un commerce international en lien avec Cadix et l’Amérique espagnole. Les négociants de Saint-Malo, pour ne pas souffrir de pertes trop importantes, affrétaient alors des navires étrangers pour acheminer les toiles, voire recouraient à la course. En période de paix, les tarifs des Cinq grosses fermes compliquaient le commerce breton. La déclaration des ouvrages de bonneterie par exemple, donnait lieu à de multiples contestations entre commis de la Ferme et fabricants car les tarifs définis en 1708 variaient infiniment selon l’article (bas, gants, mitaines, camisoles, caleçon …). De même pour le sel du cru. Le sel du comté nantais, cultivé à Guérande et à Croisic, concurrençait le sel de Brouage. Il était taxé d’un droit de vingtième perçu lors de l’enlèvement sur les marais et, dès qu’il quittait la Bretagne, d’un droit de sortie définie par la pancarte des droits de la Prévôté de Nantes (le quarantième). Les communautés de Guérande, de Croisic, les Etats provinciaux et le parlement de Rennes s’opposèrent en 1717 aux Fermiers généraux sur ce droit de quarantième, jugeant qu’il n’était pas inscrit dans la pancarte de 1565. Claude Dupin décrivit clairement la situation : « tout ce que la Bretagne reçoit des Provinces du Royaume, et tout ce qui sort de chez elle pour y être transporté, est assujetti aux droits de l’étranger. Si elle faisoit la balance de son bénéfice avec ce qu’il lui en coûte, elle connoitroit combien elle est lésée. Cependant, la prévention est telle, qu’elle a toujours constamment rejeté les propositions de réunion qui lui ont été faites ».

L’hostilité des Bretons à l’égard de la Ferme était générale et se manifestait en toutes occasions. En 1702, se rendant à la messe, le receveur des fermes du roi à Morlaix, Regnault, subit des injures et sa femme reçut un soufflet par une vendeuse de café. Marchands, négociants, faux-sauniers, cabaretiers et aubergistes, éleveurs, tanneurs… tous défiaient le fisc lorsqu’il bousculait les usages. Les particuliers étaient défendus par les élites locales. Le parlement de Rennes, chantre de l’opposition à l’arbitrage royal, infirmait les sentences de première instance des juges de traites ; en 1726 par exemple, et contre l’avis du procureur, en revenant sur la décision du juge des traites et gabelles de Clisson contre les dénommés Simon Bouteiller et François Oger, pourtant clairement identifiés comme faux-sauniers ; en 1734, en défendant le parti de Gilles Bazin, également jugé faux-saunier. La liquidation des dettes de la guerre de Sept-Ans (1763) généra de nouvelles tensions dans les provinces avec la mise en œuvre des deux sous pour livre sur tous les droits quelconques, levés tant par le roi que par les percepteurs locaux (villes, Etats). Les Etats offrirent un don extraordinaire de 700 000 livres pour décharger la province des sols pour livre sur les octrois des villes ; en interprétant l’offre des Etats, le parlement de Rennes crut pouvoir défendre la levée des deux sols pour livre en sus des droits de la Ferme générale, c’est-à-dire des droits de traites. Le Conseil du roi cassa l’arrêt de la Cour et les Etats provinciaux offrirent un secours supplémentaire. Entre temps, « l’affaire de Bretagne » devint une affaire nationale. Défiée par le procureur La Chalotais, l’autorité du souverain ne parvint à imposer les deux sols pour livre sur les droits de traites qu’au terme d’un long combat politique contre le parlement de Rennes.





Sources et références bibliographiques:

    Sources archivistiques:
  • AN, H1 338-339, Affaire des droits domaniaux.
  • AN, H1 158847 (statistiques des années 1770).
  • AN, G1 79, dossier sur les traites.
  • AN, G7 1147, lettre de Regnault, receveur des fermes du roi à Morlaix, 20 janvier 1702.
  • AN, G7 1147, requête du duc de Charost, 11 mars 1702.

    Sources imprimées:
  • Déclaration du roi, laquelle maintient les habitans de la province de Bretagne dans l’exemption des droits de gabelles et règle l'ordre de procéder contre les faux-sauniers… et l'usage du sel dans les paroisses voisines des provinces de Normandie, le Maine et l'Anjou, donnée à Saint-Germain en Laye, décembre 1680.
  • Arrêt du Conseil d'Etat qui ordonne que jusques au premier octobre prochain les toiles fabriquées en Bretagne, que les négociants feront porter à Lille pour faire sortir du royaume, seront déchargés de tous droits, premier juin 1693.
  • Carte des confins et limites de la province de Bretagne, où se voit la ligne ponctuée de séparation d'entre cette dite province et celles de Poictou, d'Anjou, le Mayne, petit Maine et Normandie / faicte par permission du Roy aux frais des Srs. intéressez pour poster les corps de garde des gabelles et traittes par Jacques Le Loyer, de la Flèche, académiste et géographe de Sa Majesté en l'an 1684. Et depuis reveüe, corrigée et augmentée par l'autheur à ses frais ès années 1688. Puis mise au net et dessignée par Luy en l'année 1703 en l'age de 79 ans, Jacques Le Loyer, 1703.
  • Déclaration du roi qui réunit aux États de Bretagne les offices d'inspecteurs aux boucheries et de jurez vendeurs visiteurs et langayeurs de porcs, données à Versailles, le 12 janvier 1706.
  • Édit du Roy portant que par les commissaires députez par S. M., par arrest de son Conseil du 1er avril 1710, pour la vente et aliénation des droits de controlle des actes et droits y joints, il sera incessamment procédé à la vente et aliénation à perpétuité, à titre de propriété incommutable, aux plus offrans et derniers enchérisseurs, des droits des imposts et billots de la province de Bretagne, à prendre et percevoir sur les boissons de ladite province, etc…, donné à Versailles, juin 1710.
  • Arrêt du Conseil d'Etat qui ordonne au fermier des grands et petits devoirs de Bretagne de faire la régie des droits d'impôts et billots et d'en compter au fermier desdits droits, 21 janvier 1716.
  • Déclaration du roi concernant la pesche de la sardine en Bretagne, donnée à Paris, le 4 juillet 1718.
  • Arrêts du Conseil d’Etat, des 3 mars 1719 et 8 décembre 1722. Le premier fait défense aux habitants des provinces limitrophes de Bretagne d'avoir aucuns chiens mâtins, à peine de 500 l. d'amende et d'être punis comme faux sauniers et le 2e ordonne l'exécution du 1er et attribue aux intendants la connaissance des contraventions audit 1er arrêt.
  • Arrêt du Conseil d'Etat qui ordonne que les droits spécifiés dans la pancarte des droits et devoirs dus aux ports et hâvres de Bretagne, du 25 juin 1565, seront perçus sur toutes les marchandises et condamne plusieurs marchands de Landernau au paiement des droits de cinq sols sur chaque cent aunes de toiles qu'ils ont fait charger à Landernau, 6 mars 1725.
  • Arrêt du Conseil d’Etat, 20 janvier 1728 (affaire Bouteiller et Oger).
  • Arrêts du Conseil d'Etat, des 20 juillet et 21 décembre 1734 (affaire Gilles Bazin).
  • Arrêt du Conseil d’Etat qui déboute les maires, échevins et communauté de Saint-Malo de leur demande, et ordonne que les droits de brieux continueront d'être perçus dans les ports de Bretagne, 19 juillet 1735.
  • Arrêt du Conseil d'Etat qui déboute les communautés de Guérande et du Croisic, ainsi que les états et procureur général-syndic de Bretagne, de leurs demandes, et ordonne l'exécution de celui du 9 avril 1718, par lequel les sels venant du territoire de Guérande, après avoir passé le Trépas de Saint-Nazaire, ont été déclarés sujets au droit de quarantième dû dans l'étendue de la prévôté de Nantes, quelle qu'en soit la destination, 30 septembre 1738.
  • Arrêt du Conseil d'Etat qui fixe à 20 livres du cent pesant les droits d'entrée des cinq grosses fermes sur les ouvrages de bonneterie de fil au tricot fabriqués dans la Bretagne, 10 février 1739.
  • Arrêt du Conseil d'Etat portant nomination de juges pour les affaires concernant la régie, perception et recouvrement des droits du contrôle des actes et autres, cédés aux Etats de la province de Bretagne, 22 mai 1759.
  • Mémoire historique, critique et politique, sur les droits de souveraineté, relativement aux droits de traite qui se perçoivent en Bretagne, 1765.
  • Recueil de Déclarations du roi, d'arrêts et règlements du Conseil et du parlement de Bretagne rendus pour l’usage du sel dans la même province depuis 1669 à 1778 et pour les droits et traites et ports et havres, Rennes, 1778.
  • Arrêt de la Cour des Aides de paris, en faveur des Etats de Bretagne, contre les adjudicataires-généraux des fermes-unies de France, qui fait défenses au fermier d'exiger aucuns droits sur les marchandises transportées de Bretagne en Bretagne par le territoire de la ferme, 3 septembre 1784.
  • Claude Dupin, Oeconomiques, 1745, publié par Marc Aucuy, t. I, Paris, 1913, p. 85.
  • Jean Ogée, Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne, dédié à la nation bretonne, 4 vol., Nantes, Vatar, 1778-1780.
  • Jacques Necker, De l’administration des finances de la France, t. I, 1785, p. 220.


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  • Micheline Huvet-Martinet, « Faux-saunage et faux-sauniers dans la France de l'Ouest et du Centre à la fin de l'Ancien Régime (1764-1789) », Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest, t. 85, 4, 1978, p. 573-594.
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  • Gauthier Aubert, Les Révoltes du papier timbré, 1675. Essai d’histoire événementielle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014.
  • Hiroyasu Kimizuka, Bordeaux et la Bretagne au XVIIIe siècle : la route du vin, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015.




Citer cette notice:

Marie-Laure Legay, « Bretagne » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 21/11/2024
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