Sols pour livres (sur le droit des fermes)
Un sou pour livre fut établi en France en 1356, époque de la délivrance du roi Jean fait prisonnier par les Anglais à la bataille de Poitiers. Ce droit fut supprimé puis recréé à différentes occasions pour finalement être aboli en 1668 dans tout le royaume, sauf dans le Mâconnais. En 1643 et tout au long du XVIIe siècle, des sous pour livre furent également additionnés aux droits des fermes, droits d’aides et droits d’octrois. Ces augmentations devinrent systématiques au XVIIIe siècle. Par arrêt du 3 mars 1705, deux sols pour livre de tous les droits compris dans les baux des fermes générales et particulières furent établis, puis deux autres en 1718 (arrêt du 13 mars), puis un cinquième (1760), un sixième (1763), deux autres encore sous le ministère Terray (édit de novembre 1771) et deux autres pour atteindre dix sous pour livre, soit 50 % d’augmentation en 1781. Ces sols pour livre pérennes ne doivent pas être confondus avec les quatre sols pour livre créés par l’édit de septembre 1759 sur la subvention générale, intégrant dans l’article X les droits des fermes à l’exception des gabelles et du tabac : l’édit de subvention du Contrôleur général Silhouette fut supprimé aussitôt créé. Concernant les crues pérennes, des exemptions particulières étaient accordées sur les denrées nécessaires à la subsistance du peuple : les droits sur le pain, les farines, les céréales, les fèves, le riz, les œufs, le beurre, le fromage, mais aussi les poissons de mer, se trouvaient régulièrement affranchis.
Etaient concernés non seulement les droits des fermes, mais aussi les octrois perçus au profit des villes, ce qui provoqua de vives contestations de la part des Etats provinciaux et enclencha « l’affaire de Bretagne » (1763). Outre les droits d’aides, le procédé atteignit la circulation des marchandises : l’édit de novembre 1771 fit porter les huit sols pour livre sur tous les droits perçus par la Ferme générale, y compris les droits d’acquits à caution. Les mesures de Terray générèrent de la confusion dans la perception des droits de traites et dans le règlement des droits d’acquit. Le directeur des Fermes d’Amiens se fit reprendre en ces termes à propos de la liquidation, à Calais, de droits de sortie de 27 tonneaux de vins de Bordeaux: « les trois sols pour livre de la ville de Bordeaux sur lesquels on ne percevoit pas les 4 nouveaux sols ni les 4 anciens sols pour livre ont été frappés de huit sous pour livre au terme d’une autre décision de Mgr le Contrôleur général du 29 mars dont il ne paraît pas que vous ayez eu connaissance ». Terray émit également le souhait de taxer de ces huit sous pour livre les droits des seigneurs.
A la fin de l’Ancien régime, il faut donc comprendre la fiscalité indirecte royale comme un ensemble de trois séries superposées de taxes : Les aides et les prélèvements royaux sur les octrois des villes, variables selon les provinces et les villes ; les taxes de portée générale sur l’ensemble du royaume (droits d’inspecteurs aux boissons, aux boucheries, droits sur les amidons, les cartes, les cuirs, les papiers, marques de fer, marques d’or et d’argent, droits réservés…) levées soit par prélèvement, soit par abonnement ; les augmentations par sols pour livre appliquées selon des taux précis sur les séries précédentes : aides, droits d’inspecteurs, droits de marque, droits sur les cartes, droits sur les octrois municipaux étaient soumis à 8 sols pour livre ; mais au même moment, les droits sur les cuirs et droits réservés n’étaient soumis qu’à 2 sous pour livre et les droits sur les amidons et sur les papiers et cartons ne subissaient pas d’augmentation. Lorsqu’en 1781, les neuvième et dixième sous pour livre furent créés, une levée de boucliers se forma chez les papetiers, amidonniers, tanneurs, jusque-là épargnés par les crues successives.
Sources et références bibliographiques:
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Sources archivistiques:
- AD Somme, 1C 2927, correspondance du directeur des Fermes, copie de la lettre reçue de la compagnie 17 août 1772.
- AN, G2 103. Sommier des produits de la Régie Henri Clavel, 1780-1786.
- AN G2 199, 200, 201, 2002 et 203.
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Sources imprimées:
- Jacques-Philibert Rousselot de Surgy, Encyclopédie méthodique, Finances, tome. 3, article «sou», Paris, Liège, 1787, p. 555-560.
- Arrêt du Conseil d’Etat qui ordonne, en interprétation de la déclaration du 3 mars 1705, que le dixième ou 2 sols pour livre d'augmentation sera perçu sur les droits du parchemin timbré, comme sur le papier, comme aussi sur les bois, poisson de mer et sur le bestial à pied-fourché, 17 mars 1705.
- Edit du roi portant établissement d’une subvention générale dans le Royaume, pour le soutien de la guerre et l'acquittement de ses charges, à Versailles, le 29 septembre 1759.
- Arrêt du Conseil d’Etat qui ordonne que les quatre nouveaux sols pour livre établis par l'édit du mois de septembre 1759, n'auront pas lieu sur le blé, le seigle, le méteil, l'orge, la farine qui provient desdits grains ; les pois, fèves, lentilles, riz et autres légumes, 24 septembre 1759.
- Arrêt du Conseil d’Etat portant suspension du droit de sol pour livre et augmentation, connu sous le titre de droit d'imposition sur les marchandises entrantes à Orléans, sauf sur les quatre denrées y énoncées, 5 octobre 1759.
- Arrêt du Conseil d’Etat par lequel il est ordonné que Pierre Henriet, adjudicataire général des fermes, fera la perception des quatre sols pour livre établis par l'édit de subvention du mois de septembre 1759, sur ceux des droits des fermes générales qui y sont assujettis, pour en compter outre et par-dessus le prix de son bail, 11 novembre 1759.
- Déclaration du roi portant établissement d'un vingtième ou sol pour livre en sus des droits des fermes et autres, donnée à Versailles le 3 février 1760.
- Arrêt du Conseil d’Etat qui ordonne que, conformément à l'édit d'août 1781, il sera perçu dix sols pour livre en sus du principal des droits sur l'amidon et la poudre à poudrer, 24 décembre 1781.
- Arrêt du Conseil d’Etat qui ordonne que, conformément à l'édit du mois d'août 1781, il sera perçu dix sols pour livre en sus du droit sur les cuirs, 19 décembre 1781.
- Arrêt de la cour des Aides (qui casse une sentence de l'élection de Confolens, du 19 janvier 1782, et ordonne que l'édit d'août 1781 ; qui assujettit à 10 sols pour livre en sus tous les droits indistinctement quelconques, sera exécuté selon sa forme et teneur), 29 janvier 1782.
- Arrêt du Conseil d’Etat qui ordonne que, conformément à l'édit d'août 1781, il sera perçu dix sols pour livre en sus des droits sur les papiers et cartons, 30 janvier 1782.
- Arrêts du Conseil d’Etat des 29 juillet 1783 et 30 novembre 1784 (Le premier casse une ordonnance de l'intendant de la généralité de Flandres et Artois, du 7 février 1783, rendue contre Henri Clavel, régisseur général des aides et droits y réunis, en faveur de la commune de Merville; condamne ladite commune à payer les 8 sols pour livre sur tous les péages lui appartenant. Le second déboute les officiers municipaux et habitants de Merville de leur opposition au précédent arrêt).
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Bibliographie scientifique:
- Thierry Maugenest, Etienne de Silhouette (1709-1767). Un ministre banni de l’histoire de France, Paris, La Découverte, 2018.
Sols pour livres (sur le droit des fermes) » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 21/11/2024
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