Comptes, comptabilité
Le contrôle des recettes et dépenses se faisait de
différentes manières selon les parties de la Ferme. Pour
les traites et le tabac, les bureaux
importants étaient dotés de contrôleurs, chargés de tenir le registre de
contre rôle; les contrôleurs des greniers vérifiaient également le bon ordre
des recettes et dépenses ; mais dans les autres bureaux
des fermes, bureaux généraux, bureaux de gabelles, bureaux
des aides…, le contrôleur n’était pas affecté
spécifiquement au contrôle des comptes. Au demeurant, les
receveurs devaient
compter chaque année du débet de l’année précédente devant
le directeur des fermes.
La compagnie elle-même rendait compte de sa gestion
à la fois devant le Conseil, qui arrêtait l’état au
vrai, selon les principes du contrôle administratif
des comptes définis au temps de Colbert, et devant
les Chambres des comptes concernées par les
différentes parties du bail.
L’arrivée des
frères Pâris lança une
véritable révolution dans l’ordre des comptes de la
monarchie, et particulièrement dans celui de la Ferme
générale à partir du bail Aymard Lambert dans lequel ils
entrèrent. Les receveurs généraux et particuliers
rendirent compte à partir de 1720
non plus au directeur des fermes, mais directement au bureau central
« des états au vrai ». En outre, l’introduction des registres-journaux engagea tous les receveurs à faire voir, chaque
mois, par copie envoyée à Paris, l’état
de leurs caisses au bureau « de la suite des caisses ».
Ces journaux permirent d’accélérer les versements de mois
en mois à la caisse centrale, soit par rescriptions, soit
par lettres de change tirées sur le receveur général. Ainsi, toute la
chaîne des recettes était soumise à un calendrier strict
que les directeurs centraux ne manquaient pas de rappeler.
La correspondance passive du receveur des tabacs de Caen témoigne
d’un constant rappel à l’ordre, sur la manière de dresser
les chapitres des comptes, sur les pièces manquantes, sur
les retards de transmission des états, copies,
bordereaux…. On lit au 15 janvier 1735: « La Compagnie voulant accélérer l’examen des
comptes qui concernent la ferme des tabacs et prévenir en
même tems l’inconvénient qui est arrivé l’année dernière
par la négligence de plusieurs receveurs qui n’ont envoyé
celui qu’ils avoient à rendre pour la première année de
Desboves que très longtemps après l’expiration de cette
année, vous avertit d’envoyer incessamment à l’adresse de
M. Sornois à l’hôtel des fermes celui que vous avés à
rendre pour la deuxième année de Desboves ; il y a plus de
trois mois que cette année est expirée ». A l’hôtel des fermes, le travail
était divisé à l’époque de Lavoisier entre le bureau des comptes des
traites, celui des
grandes gabelles, celui
des petites gabelles, le
bureau des comptes du tabac,
le bureau des comptes pour le Domaine d’Occident, le bureau des
comptes des aides et le
bureau des comptes des sols pour livre. La comptabilité de
caisse et de contrôle des gabelles était plus
difficile à faire que celle des tabacs, mais la
compagnie encadrait tous ses receveurs en
transmettant les registres, des modèles de comptes, des instructions
rigoureuses. Pour les dépenses par exemple,
les bureaux centraux attendaient trois chapitres: un sur
les appointements et gratifications, le deuxième pour les
voitures et emplacements des sels ou des tabacs tant de la
ferme que des saisies, le
troisième pour les frais de régie tant ordinaires que
extraordinaires. Notons toutefois que la
centralisation du contrôle présentait des limites. La compagnie était obligée de détacher des commis
principaux pour vérifier les caisses des provinces, ce qui
dérangeait le service. En janvier 1760, elle rétablit donc un
contrôle des directeurs des fermes sur les recettes et dépenses en
exigeant d’eux un registre de contrôle journalier des recettes et
dépenses.
La comptabilité des saisies n’était pas tenue
à part. Les pièces justificatives comme les procès-verbaux
devaient être fournies pour la vérification des
produits nets des confiscations et des dépenses
afférentes. Une grande diversité existait
dans la fixation des sommes passées aux employés pour
défraiement des procès-verbaux ou des dépenses pour la
conduite et nourriture des fraudeurs. Les commis pouvaient
réclamer des droits d’emplacement, mais d’aucuns, dans
plusieurs départements, obtenaient aussi des
remboursements abusifs auxquels l’administration tenta de
remédier en 1782. La réforme
des fermes entreprise par Necker provoqua une
simplification du contrôle (déclaration de février 1782). L’adjudicataire, à
partir de cette date, devait compter par état au vrai pour
l’ensemble du prix de son bail, favorisant ainsi
l’universalité des comptes du Trésor royal.
Sources et références bibliographiques:
-
Sources archivistiques:
- AN, G1 15, Délibération de la compagnie des Fermiers généraux du 14 janvier 1760, sur les remises des receveurs généraux Délibération de la compagnie des Fermiers généraux du 21 janvier 1760, sur les registres de contrôle des directeurs de fermes.
- AN, G1 61, acquits de paiement de Laborde de Méréville, 17 mai 1789.
- AN, G1 88, dossier 15, Etat du produit brut année commune des trois premières du bail Laurent David des recettes générales des grandes et petites gabelles, 1779.
- AN, G1 91, dossier 41 : « circulaire sur les saisies », 1782 dossier 42 : ordre de régie et instructions pour la suite et la comptabilité de saisies, 5 novembre 1782.
- AN, Z1A 214, Compte unique de Claude Boutet, adjudicataire général ».
- AD Calvados, 5C 2, correspondance passive de Belleville, receveur des tabacs de Caen, 1734-1740.
- AD Doubs, 1C 1320 : Lettre à Caumartin de St Ange, 16 novembre 1785.
-
Sources imprimées:
- Arrêt du Conseil d’Etat qui ordonne que les registres journaux qui doivent être tenus par les receveurs des gabelles, cinq grosses fermes et domaines, en exécution de l'Edit de juin 1716, ne pourront être qu'en papier timbré, 31 décembre 1717.
- Arrêt du Conseil d’Etat portant règlement au sujet des livres-journaux des fermes-unies, 30 août 1718.
- Petites gabelles. Ordre et instruction (de la Compagnie des Indes) concernant les comptes des gabelles du Lyonnais, Dauphiné, Provence, Languedoc, Roussillon, Auvergne et Rouergue, 17 septembre 1720.
- Arrêt du Conseil d’Etat qui ordonne que les fonds laissés dans les états des fermes, Gabelles, Salines et domaines de l'année 1769 pour le payement des gages et droits des cours supérieures, chancelleries et autres objets dont les payeurs ont été supprimés, seront portés au Trésor royal, 24 juin 1772.
- Déclaration du roi concernant la comptabilité de la Ferme générale, donnée à Versailles le 18 février 1782.
- Lettres patentes du roi qui, en ordonnant à l'adjudicataire des Fermes générales de rendre en chacune des Chambres des Comptes de Provence, de Languedoc et de Dauphiné, un compte… séparé des gabelles desdites provinces, comme avant la déclaration du 18 février 1782, prescrivent audit adjudicataire et à ses successeurs de continuer à faire recette de la totalité du prix du bail desdites fermes, dans les comptes qu'ils rendront annuellement à la Chambre des Comptes de Paris, Saint-Cloud, 24 septembre 1785.
- Buterne, Dictionnaire de législation, de jurisprudence et de finances sur toutes les fermes unies de France, Avignon, 1763, p. 83-87.
-
Bibliographie scientifique:
- Anne Dubet et Marie-Laure Legay (dir.), Dictionnaire historique de la comptabilité publique 1500-1850, Presses universitaires de Rennes, 2010.
- Marie-Laure Legay, La banqueroute de l’Etat royal. La gestion publique de Colbert à la Révolution, Paris, EHESS, 2011 .
Comptes, comptabilité » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 22/12/2024
DOI :