Marie-Laure Legay
Sur
ces trafics internationaux, le roi levait diverses taxes :
le droit d’Avarie de l’Echelle, le droit de consulat et le
droit particulièrement dissuasif de vingt pour cent. Le
droit d’Avarie et le droit de consulat finançaient
initialement le consul de France que le royaume
entretenait dans chaque Echelle, plus généralement tous
les officiers du roi installés en Orient. Ces droits
taxaient les marchandises chargées au comptoir français et
destinées à l’étranger. Louis XVI les supprima et les
remplaça par une taxe unique de 5 % de la valeur des
marchandises (1776) : deux
pour cent sur les marchandises françaises à leur arrivée
au Levant et en Barbarie, et trois pour cent sur les
marchandises arrivant en droiture du Levant et de Barbarie
à Marseille. Dans le
même temps, il unifia les caisses du Levant et la confia à
la chambre de commerce de la cité phocéenne.
Les
Vingt pour cent ad valorem se levaient sur les
marchandises qui entraient en France, mais l’édit de
mars 1669 fit exception
pour le port de
Marseille. Là, les marchandises arrivant sur des bâtiments
étrangers ou après être passées par des ports étrangers,
réglaient également les droits de 20 %. En revanche, les
marchandises arrivant en droiture du Levant à Marseille sous pavillon
français ne réglaient pas ces droits.
Cette exemption fit du port français le nouveau
magasin européen des marchandises du Proche-Orient,
devançant Livourne ou Gênes. Lorsque le
gouvernement renonça à soutenir les compagnies à monopole
dans ces régions (la compagnie du Levant fut active de
1670 à
1684), il admit la liberté de commercer et
définit les ports de
Rouen (arrêt du 15 août 1685 pour le paiement des
droits d’entrées par le port) et Dunkerque (arrêts du 9 novembre 1688 et 3 juillet 1692) comme ports d’entrée en
sus de Marseille.
L’exemption du droit de 20 % pour les
marchandises arrivant directement sur bâtiments français y
fut donc reconnue, mais n’eut pas l’impact escompté. La
cité phocéenne conservait la main, via sa Chambre de
commerce, sur les tarifs d’évaluation des marchandises.
Cette législation engendra des malentendus et beaucoup de
contentieux. Il fallut préciser les
conditions de règlement des 20 % selon les
trajets commerciaux des denrées orientales. Ainsi pour le
séné qui faisait l’objet d’un commerce avec les Hollandais : « On a
cru nécessaire de donner icy cette explication
particulière sur le payement de vingt pour cent
parce qu’on s’est fort relâché jusu’icy de
l’exécution de ces règlements sous prétexte
d’ignorance » (AN, G1 79, dossier 25, 1699). Le séné, marchandise du
Levant, chargé à Marseille par un Français ou un étranger
qui en portait le certificat en la forme ordinaire pouvait
entrer dans tous les ports du royaume et ne payait que les
droits ordinaires et non pas 20 % de la valeur. En
revanche, le séné venant de l’étranger qui entrait dans la
Flandre française, dans les Trois-Evêchés
ou en Franche-Comté et partout ailleurs, sans être accompagné du
certificat qu’il venait de Marseille, était saisi et confisqué, parce
que ce séné entreposé dans les pays étrangers ne pouvait
entrer dans le royaume que par Rouen ou Dunkerque.
En 1750 (arrêt du 22 décembre), le
Conseil du roi imposa la perception du droit de 20% sur
les marchandises du Levant à toutes les entrées du
royaume. Plus précisément, il ordonna de taxer à 20 %
toutes les marchandises « de l’espèce du Levant »,
c’est-à-dire qu’il assimilait aux marchandises du Levant
celles qui n’en provenaient pas mais qui étaient de même
nature. Le but était de lutter contre la fraude : les négociants
devaient présenter des certificats en bonne et due forme
pour prouver une provenance autre. A la suite de l’arrêt
du 22 décembre 1750, deux
tarifs d’évaluation des marchandises, l’un pour celles
introduites par le
port de Marseille ou par le bureau de Pont-de-Beauvoisin, l’autre pour celles qui entraient
indistinctement par les autres ports et bureaux du
royaume, furent publiés.
Sources et références bibliographiques:
Marie-Laure Legay, « Levant » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 20/05/2024
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