Marie-Laure Legay
Sur cette base, la construction d’un espace « douanier » national ne constitua pas un objectif en soi : les intentions pour libérer la circulation intérieure des marchandises furent réelles, mais elles se manifestaient au cas par cas. L’édit portant règlement pour la levée des droits d’entrées et de sorties de septembre 1664 se limita à l’aire des Cinq grosses fermes. Assorti d’un tarif, cet édit présentait un ensemble de mesures circonstanciées qui visaient à protéger l’intérieur du royaume des importations de draps, de pelleteries, calicots hollandais … Repris en 1667, ce tarif durcit les conditions d’entrer dans le royaume de France et intégra les « provinces réputées étrangères » dans une nouvelle ligne de bureaux.
Lorsque la grande question de la liberté du commerce devint débat public, de nombreux administrateurs critiquèrent les entraves à la circulation intérieure. Daniel-Charles Trudaine suggéra un tarif général uniforme à toutes les frontières du royaume en distinguant six taux d’imposition à l'entrée et quatre taux à la sortie, en fonction de l’intérêt des marchandises pour le développement des manufactures nationales. Jean-Louis Moreau de Beaumont reprit le « projet de formation d’un nouveau tarif » à la fin de son mémoire sur les droits, avec pour objectif de « détruire toutes ces barrières qui forment autant d’obstructions au commerce et de rendre entièrement libre la communication de tout l’intérieur du royaume » (1769).
Le plan de réforme fut plus concret dans les années 1770 : par la déclaration du premier juin 1771, l’abbé Terray fit ordonner l’aliénation en faveur du roi de tous les droits de traites et foraines que certaines villes, communautés et autres particuliers possédaient. Cette décision contrecarrait les privilèges et fit l’objet de contestations dans de nombreuses provinces. De même, ce ministre élargit à la Bretagne, au Dauphiné, à la Franche-Comté et au Roussillon le paiement des droits d’acquits à caution. De nouveaux bureaux de recettes pour l’encaissement de ces droits devenaient nécessaires dans les provinces qui jusque-là, ne les réglaient pas. Cependant, les efforts se heurtèrent aux titres locaux, aux privilèges économiques, mais aussi au facteur financier : l’imbrication des caisses locales et centrales pour supporter les dépenses intérieures limitaient la portée des réformes.
Finalement, l’espace douanier « national » se construisit à partir de l’unification des fermes et des tarifs, mais aussi à partir de la royalisation des droits locaux, plutôt que de leur suppression. Enfin, la notion de « douane » se construit également à partir de la militarisation des brigades et des conventions internationales.
Sources et références bibliographiques:
Marie-Laure Legay, « Douane » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 20/05/2024
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