Marque de fer (droits sur)
Ce droit donna lieu à diverses
interprétations qui nécessitèrent des commentaires, pour
clarifier d’abord le cas de la province productrice du
Nivernais qui, dès avant 1680,
disposait d’un régime de faveur. Toutes les provinces
étaient soumises à ce droit ; de même, tous les forgerons
y étaient contraints, y compris ceux qui travaillaient
pour le roi (les taxes sur la production de boulets,
grenades, bombes et autres munitions d’artillerie furent
réglées par divers arrêts dont celui du 9 juillet 1779) ou encore les
ecclésiastiques pour les forges qui relevaient de leur
temporel. Toutefois, on dut reconnaître les privilèges de
la Bretagne, du Dauphiné, de la Normandie et du Languedoc qui avaient des titres (lettres patentes de
décembre 1659 et 1660) pour ne pas régler les
droits sur les fers et marchandises de fer de leurs
fabriques. Vis-à-vis des droits de douane, il fallut
régler l’entrée et la sortie des marchandises de fers par
les provinces réputées étrangères, pour éviter notamment que les
droits soient payés deux fois : une première fois à la
fabrication, et une seconde lors de l’entrée dans l’Etendue. Les marchands d’Angers par exemple,
tiraient leurs marchandises acquittées de leurs droits des
forges du Maine ou du Berry
et les faisaient passer par la Loire jusqu’à Nantes (en Bretagne réputée étrangère) d’où elles prenaient la mer
pour entrer en Poitou, province des Cinq grosses fermes. Le sous-fermier André
Eloi Mégard fit retenir aux bureaux de Marans
en Poitou les fers à l’entrée et réclama les droits,
malgré les acquits à caution présentés par les marchands
d’Angers. Il fut débouté plusieurs fois, de même que son
successeur (arrêts des années 1729, 1731, 1735…). Le cas du Dauphiné était différent : il formait une porte d’entrée
des productions savoyardes en fraude des droits vers les
provinces de l’intérieur. Les Chartreux bénéficiaient
d’anciens titres pour faire entrer gratis le fer
nécessaire à leur consommation. Louis XIV en reconnut de
nouveau la valeur en 1707
(arrêt du 15 novembre). En revanche, les forgerons de La
Chapelle du Bard qui tiraient le fer d’Arvillard en Savoie, ne payaient pas
les droits non plus, mais sans titre. Ils faisaient
ensuite passer leur production dans la Provence ou le Languedoc, où les aides
n’avaient pas cours, mais aussi dans le Lyonnais ou en Forez, sans que ces
marchandises ne payent de droit de marque. Furent donc
établis des bureaux de marque de fer aux confins du
Dauphiné, mais aussi à l’intérieur, sur les grandes
routes « autant qu’il se pourra à proximité des forges,
fourneaux, martinets et ateliers en sorte que les
marchands n’aient au plus qu’une lieue de chemin pour
aller faire leur déclaration et acquitter les droits »
(Lettres patentes du 12 septembre 1724). Plus généralement, tous les maîtres de forges,
marchands trafiquant en fer et leurs voituriers qui
voulaient exporter leur production dans les quatre lieues
des frontières des pays étrangers ou dans les provinces du
royaume non sujettes au droit domanial de la marque des
fers, devaient en faire déclaration au plus proche bureau
et y prendre acquit à caution.
Les maîtres des forges acceptèrent avec réserve le
paiement de ces droits. La visite des commis de la Ferme,
chargés de vérifier le poids des gueuses (lingot de fonte
brut) sur lesquelles pesait l’impôt, se passait rarement
bien. Les artisans ne prêtaient pas les outils et les
ouvriers nécessaires à la pesée, de sorte que le Conseil
d’Etat dut intervenir plusieurs fois (arrêt du 12 juillet
1716, arrêt du 7 mars
1747 pour régler la pesée
en présence des commis de la Ferme). De même au moment où
les droits de marque de fer furent confiés à la Régie générale par Necker, la
rigueur renouvelée des commis agaça. Les régisseurs de la
forge de Ruelle, Mathieu Bainaud et Jean-Baptiste
Lonlaigne, attaquèrent par exemple Henri Clavel parce que
pour la première fois, on exigea d’eux des droits sur les
particules de fonte, mais aussi la pesée exacte des canons
fabriqués, jusque-là estimés à partir d’un simple tarif….
etc. Des contestations se levèrent également pour les
droits de douane. M. Wolf, négociant à Smalkalde en Allemagne se plaignit de
ce que les receveurs de
la direction d’Amiens
levèrent des droits de marque des fers sur la totalité du
poids des tonneaux de merceries mêlées de cuivre, de verre
et de fers ou aciers, quoique ce dernier objet fût le
moins dominant. Le négociant sollicita de la Ferme
générale une réduction de la taxe (1766). Les marchands de Metz, qui tiraient
le fer de Lorraine ou de Luxembourg, furent également confrontés
aux injonctions parfois iniques des commis de bureaux des
traites.
A la suite d’une enquête sollicitée par le
ministre Terray auprès des
intendants de province en 1772, un état des forges du royaume put être dressé, faisant
apparaître l’importance de la production comtoise,
champenoise, normande, mais aussi berrichonne et
nivernoise. En tant qu’intendant de Limoges, Turgot répondit à cette
enquête pour dénoncer « l’intérêt mal entendu du fisc a
multipliés à l’excès sur toutes les espèces de
marchandises, et en particulier sur la fabrication des
fers ». D’après lui, le fer était utile à toutes les
industries du pays, de sorte que sa taxation entravait la
prospérité du pays. Il considérait en outre que la France,
qui imposait des droits sur le fer étranger, risquait de
se démunir d’une marchandise nécessaire à la sidérurgie
encore trop peu développée dans le pays.
Sources et références bibliographiques:
-
Sources archivistiques:
- AD Somme, 1C 2927, f° 34 verso : lettre de la compagnie au directeur Bernard, 7 aout 1766.
-
Sources imprimées:
- Ordonnance de Louis XIV, Roy de France et de Navarre, sur le fait des entrées, aydes, autres droits, Fontainebleau, juin 1680, p.143- 147.
- Arrêt du Conseil d’Etat qui prescrit les règles et formalités qui seront observées par les marchands de fer d'Angers, lorsqu'ils enverront des marchandises de fer, acier et quincaillerie venant des provinces où les droits de marque se paient à la fonte et fabrication, et qu'ils emprunteront les rivières et ports de mer en Bretagne pour aller en Poitou et autres provinces sujettes aux droits, 22 février 1729.
- Nouvelles explications pour servir de Supplément au commentaire de Jacquin sur l'ordonnance de mil six ans quatre vingt.
- Titre des droits de marque sur les fers, Paris, Pierre Prault, 1737.
- Sentence du bureau de la ville qui déclare nulle une lettre de voiture adressée au Sr Charles Martin, marchand de fer à Paris, faute d'avoir été passée au lieu du chargement… déclare confisqués au profit de Jacques Forceville, fermier général, quatre tonneaux de clouds et le batteau et agrets saisis, et condamne ledit Martin, solidairement avec Pierre Salmon, voiturier, en 300 liv. d'amende…, 20 novembre 1739.
- Recueil des édits, ordonnances, déclarations, tarifs, traités, règlements et arrêts sur le fait des droits de haut-conduit, entrée et issue foraine, traverse, impôt sur les toiles et acquits à caution de Lorraine et Barrois, avec une instruction pour les receveurs des droits de la marque des fers, Nancy, Leseure et Drouin, 1757.
- Anne Robert Jacques Turgot, Lettre au contrôleur général sur la marque des fers, 1773.
- Arrêt de la Cour des aides portant règlement concernant le droit de marque sur les fers, 23 février 1781.
-
Bibliographie scientifique:
- Bertrand Gille, Les origines de la grande industrie métallurgique en France, Paris, 1947.
- Bertrand Gille, Les forges française en 1772, Paris, 1960.
- Guy Richard, « La grande métallurgie en Haute-Normandie à la fin du XVIIIe siècle », Annales de Normandie, n°4, 1962, p. 263-289 .
Marque de fer (droits sur) » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 22/12/2024
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