Douane de Lyon
La municipalité de Lyon profita de la manne
financière exceptionnelle représentée par la douane de
Lyon. En effet, elle obtint du pouvoir royal un octroi de
45 000 livres – porté ensuite à 60 000 livres – sur le
produit de la douane. En outre, la ville perçut un droit
supplémentaire (le tiers-sur-taux, un tiers en sus du
produit de la douane). En 1632, l’augmentation des droits et la possibilité laissée aux
commis de les fixer de manière arbitraire sur certaines
marchandises déclenchèrent une insurrection populaire bien
connue. Les bureaux de la douane furent envahis, les
archives détruites et le sous-fermier, Jean de Grange,
échappa de peu au lynchage. Tout au long du siècle, la
monarchie, régulièrement à court d’argent, intervint pour
fixer le montant – toujours plus élevé – des droits
perçus sur les soieries étrangères (1667, 1687,
1692, 1711).
Au début du XVIIIe siècle, la douane
de Lyon contrôlait le marché national des soieries. Pour
lutter contre la concurrence étrangère, le pouvoir royal
interdit, dans un premier temps, l’importation de soie
asiatique. C’est pour veiller à une stricte application de
cet embargo que la douane de Lyon fut autorisée à déployer
des bureaux dans les
ports de Nantes et de Rouen pour
contrôler les navires et lutter contre la contrebande.
Cependant, jusqu’en 1743, le
pouvoir royal conduisit une politique économique très
erratique. Après une timide
tentative de libéralisation économique sous la
Régence, au cours de laquelle l’entrée des soies
étrangères fut tolérée dans tous les ports du
royaume (1720-1722), le gouvernement
revint à un strict protectionnisme et les
productions étrangères furent de nouveau contraintes
de passer par Lyon où elles étaient lourdement
taxées. En revanche, la perception fut
rationalisée : 14 sous par livre pour les soies
étrangères, à l’exception des soies indiennes, pour
lesquelles la taxe fut fixée à 6 sols. La progression des
idées physiocratiques poussa le pouvoir central à revoir
sa politique économique. En 1755, les soieries françaises furent exemptées des
droits de douane internes et, surtout, obtinrent le droit
de transiter dans tout le royaume sans passer par Lyon.
Reste qu’en 1772, la
municipalité de Lyon, à court de liquidité, obtint le
rétablissement d’un droit de 3 sols six deniers par livre.
Cette nouvelle mesure, jugée très nocive pour le commerce,
fut abrogée en 1775.
À Lyon, longtemps la douane
fut établie dans le quartier de Saint-Paul, « assise sur
le bord de la Saône avec un port suffisant et commode ».
Là se déroulaient les opérations de reconnaissance et de
retrait des marchandises, l’acquittement des droits, ou
la prise des acquits à caution pour les marchandises en expédition. Les bureaux
furent transférés dans l’hôtel des fermes bâti en 1786 sur l’emplacement du
bicêtre de l’hôpital de la Charité. Les travaux
d’aménagement, supervisés par Jean Dupoux, s’élevèrent à
278 000 livres. Le transfert eut lieu précipitamment en
février 1789 à la suite des
gels de l’hiver : le pont d’Alincourt fut emporté ; ceux
de Saint-Vincent et Saint-Georges endommagés.
Le conseil de la Ferme générale donna son accord
pour le transfert d’une partie des services de la
Douane de Lyon vers la nouvelle douane, non sans
inquiétude : elle ne se dissimula pas les dangers
d’une pareille scission des opérations mais la
crainte des abus (engorgement, encombrement de la
douane et fraude) lui parut devoir céder à l’emprise
des circonstances… « Elle arrêta en conséquence
qu’on détacheroit à la nouvelle douane une partie
des préposés de l’ancienne et qu’on y feroit
l’expédition de toutes les marchandises qui venant
des Provinces méridionales en entrant par la Porte
du Rhône se trouveroient à l’instant rendues sur le
terrein de la charité et par conséquent à la
nouvelle douane ». En juillet 1789, l’ensemble des
opérations, recettes, déclarations et visites, fut
transféré à la nouvelle douane. En août, Jean Dupoux eut
encore le temps de faire ériger une barrière pour fermer
la nouvelle douane, mais elle fut jugée trop petite. A
cette époque, comme l’écrivit le Contrôleur général
Lambert à l’intendant de la généralité, Antoine-Jean
Terray : « la suppression de la gabelle et les changements
qui peuvent survenir dans le régime du tabac et des
traites est susceptibles de donner lieu à de nouvelles
dispositions relativement à l’étendue et la distribution
des bâtiments ». En dehors de Lyon même, il fut permis au
fermier de la douane d’établir des bureaux pour
contrôler plus étroitement les flux commerciaux.
L’inscription géographique de la douane de Lyon est
difficile à établir avec précision mais selon Marcel
Marion, le territoire est très bien quadrillé :
cinquante-trois bureaux en Dauphiné, cinquante-six autour de Lyon, cinquante-huit vers la Provence et le Languedoc, et bien d’autres en Bourgogne, Champagne.
En plus des différents commis qui officiaient
dans chaque bureau, la douane de Lyon possèdait, depuis un
édit de Charles IX de 1563, une
juridiction très étoffée : un bureau judiciaire, formé par
les trésoriers de France, le sénéchal et son lieutenant,
le maître des ports et son
lieutenant, le procureur du roi, et divers avocats, ayant
pour fonction première de régler les différends et les
contraventions liées à la douane. En outre, les juges de
la douane avaient le pouvoir de saisir une marchandise
dans tout le ressort du royaume. Cette organisation fut
complétée par deux édits royaux de 1691
et 1692 qui confiaient
la direction de la juridiction à un président juge. La
douane de Lyon souffrait de la concurrence exercée par
la douane de Valence,
établie à la fin du XVIe siècle, et avec laquelle les
autorités lyonnaises entretiennent une intense rivalité
tout au long de l’époque moderne. Dès
1598, les échevins de Lyon s’opposèrent à l’établissement de la
douane de Valence et tentèrent de la court-circuiter
auprès des trésoriers de France de Dauphiné ou des États de la
province. Au début du XVIIe siècle, ils remportèrent une
victoire en obtenant que de nombreuses marchandises
transitant par Lyon fussent déchargées des droits de la
douane de Valence (1623).
Surtout, ils obtinrent de Louis XIII la suppression pure
et simple de leur concurrente en 1624. Reste que cette victoire fut éphémère : Le duc
de Lesdiguières la rétablit en 1626. Les marchands et les édiles lyonnais eurent beau
se pourvoir devant le parlement de Grenoble, le
gouvernement confirma le rétablissement. En 1657, soutenus par le
Parlement de Dijon, les fermiers de la douane de Lyon
parvinrent toutefois à limiter l’ingérence des agents de
la douane de Valence sur la Saône. L’existence de deux
douanes, géographiquement proches l’une de l’autre,
percevant chacune des droits élevés, aurait, selon les
contemporains comme Forbonnais, provoqué une lente
asphyxie du commerce lyonnais. En effet, les marchands
étrangers préféraient allonger la durée de leur trajet en
contournant la vallée du Rhône par la Suisse, la Savoie et l’espace
germanique. Les travaux récents montrent au contraire que
les circulations dans le sillon rhodanien augmentèrent
fortement entre le XVIIe et le XVIIIe siècle. Ce sont
avant tout les carences en matière de communications,
notamment fluviales, qui entravent le grand commerce.
Institution particulièrement détestée, critiquée
dans les cahiers de doléance de la ville, la douane
de Lyon est supprimée, comme toutes les douanes
internes, par la loi du 30 octobre 1790.
Sources et références bibliographiques:
-
Sources archivistiques:
- AN, G1 15, Délibération du 11 aout 1760.
- AD Rhône, 1C 65, élection de Lyon, Mémoire de la Ferme générale, à Paris, en l’hôtel des fermes, 6 juillet 1789 lettre de Lambert à Terray, 7 juillet 1789.
-
Sources imprimées:
- Tarif de la douane de Lyon pour le Roy, Lyon, A. Jullierond, 1680, 103 f°.
- François de Forbonnais, Recherches et considérations sur les finances de la France depuis l’année 1595 jusqu’à l’année 1721, 1758.
- Fayard, « Douane de Lyon et de Valence », Bulletin de la société départementale d’archéologie et de statistique de la Drôme, Tome 2, 1867, p. 58-73.
-
Bibliographie scientifique:
- Marcel Marion, « Douane de Valence », Dictionnaire des institutions de la France aux XVIIe et XVIIIe siècle, Paris, Picard, 1923, p. 188-189.
- Marcel Marion, L’administration des douanes en France sous l’ancien régime, Paris, Association Pour L’histoire De L’administration Des Douanes, 1976.
Douane de Lyon » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 22/12/2024
DOI :