Contrebande
Au XVIIIe siècle, la contrebande
se pratiquait fréquemment en bandes armées, ce qui mit le pouvoir exécutif dans la
nécessité d’agir en amont du phénomène. Dans un mémoire
envoyé à Trudaine en 1771,
John Holker, inspecteur des manufactures à Rouen, définit
même la contrebande comme faite à main armée, et la
différencie de la fraude
faite par artifice et secrètement.
Cette qualification criminelle de la contrebande
révélait aussi une professionnalisation du métier de
contrebandier. Toutes les frontières
étaient soumises à une activité contrebandière massive: d’Angleterre
venaient les marchandises prohibées, tabacs de Virginie, toiles de coton, de chanvre, charbons, étains notamment, par le
port franc de Dunkerque,
la Flandre
maritime, la Flandre
wallonne, le Hainaut et jusqu’au Luxembourg. La Franche-Comté était traversée par des bandes qui venaient de
Suisse ; le Dauphiné, le Lyonnais et l’Auvergne subissaient la contrebande savoyarde
; de Gênes et du Piémont arrivait également le
tabac, toute la côte méditerranéenne recevait des
cargaisons illicites. De part et d’autre de la frontière
espagnole circulaient les cuirs, les bestiaux, les piastres destinées aux banques
parisiennes. Les ports francs de Dunkerque, Marseille, Bayonne vivaient en partie du trafic interlope, mais aussi
certains bourgs comme Bouc en Provence, Banyuls en Roussillon, La
Chapelle-Saint-Sauveur en Bretagne…
Face à une telle
activité, les moyens pour lutter contre la
contrebande demeuraient limités. La mise en
œuvre de lieues limitrophes dans lesquels tout dépôt ou magasin était interdit,
la création de commissions de justice extraordinaires déployées par
subdélégation dans nombre de provinces, la multiplication
de bureaux de traites…
demeuraient en partie inefficaces. La libéralisation du
commerce national et international de certaines
marchandises et denrées, de même que les accords
commerciaux entre nations anéantissaient naturellement le
trafic, mais il s’agissait là de circonstances
particulières et provisoires. Seule la militarisation des
brigades et leur
organisation sur des penthières bien définies, le tout annonçant l’administration
douanière contemporaine, eut un impact à long terme sur la
contrebande.
Sources et références bibliographiques:
-
Sources imprimées:
- Dictionnaire des finances, Paris, chez Jacques Josse, 1727, p. 119-120.
- Déclaration du Roi, concernant les lois pénales contre les contrebandiers, donnée à Versailles le 30 mars 1756.
- Daniel Jousse, Traité de la justice criminelle de France, 4 vol., Paris, 1771 (vol. 3, partie IV, livre III, titre XII, p. 295-318).
- Merlin de Douai, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence, Paris, Garnery, 1807 : article « Contrebande », t. 3, p. 94-100.
-
Bibliographie scientifique:
- G. Béaur, H. Bonin, C. Lemercier, Fraude, Contrefaçon et contrebande de l’Antiquité à nos jours, Librairie Droz, 2007.
- J. Holker, Mémoire, 16 mars 1771, cité par Renaud Morieux, Une mer pour deux royaumes. La Manche, frontière franco-anglaise (XVIIe-XVIIIe siècles), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008, p. 241.
- Michael Kwass, Contraband. Louis Mandrin and the Making of a Global Underground, Cambridge, Harvard University Press, 2014.
Contrebande » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 21/11/2024
DOI :