Marie-Laure Legay
Avant sa réunion à la Couronne sous Saint-Louis, le comté
réglait le sol pour livre
établi en France depuis 1356,
époque de la délivrance du Roi Jean fait prisonnier par
les Anglais à la bataille de Poitiers, lequel a été
supprimé puis recréé à différentes époques. Ce sol pour
livre était toujours payé au XVIIIe siècle sous la
dénomination des « anciennes aides ». En 1596, ces droits, ainsi que le péage de Mâcon, furent
compris par les commissaires préposés dans la province de
Bourgogne, à la vente d’une partie des domaines de la
Couronne dans le nombre des droits domaniaux. Supprimé en
1668 dans toute l’étendue
du royaume comme trop onéreux dans sa perception, le sol
pour livre fut néanmoins maintenu dans la seule province
du Mâconnais. La perception de ces aides engagées à la
Maison de Lorraine
provoqua une révolte des habitants. L’intendant de Dijon fut
chargé de la répression, mais il provoqua dans le même
temps un abonnement avec les Etats : « par un arrangement
fait en 1689, il fut fixé à
38 000 livres sans que dans la suite et sous aucun
prétexte il put être augmenté » (AN, H1
1132, pièce 22). Cet abonnement subsista
jusqu’à l’administration Terray. Le ministre menaça les
administrateurs du pays d’un affermage des droits s’ils
n’aimaient mieux accepter l’augmentation de l’abonnement.
Il exigea le règlement de 85 000 livres par an. Les Etats
cédèrent à ses exigences. En vertu d’un bail emphytéotique
fait en 1771, ils réglèrent
chaque année la somme à la régie des Domaines, le péage
entrant dans cette somme pour 20 000 livres et les
anciennes aides ou « sol pour livre » pour 65 000 livres.
En 1780, les Etats demandèrent
le rachat de ces droits avec les charges locales qui en
étaient accessoires. Ils offrirent 800 000 livres pour la
suppression de l’ancienne aide. Cependant, l’intendant des
finances André Charles de Bonnaire des Forges s’interrogea
sur la nature de ce droit : « S’il est domanial, il ne
peut être racheté parce que tous les droits domaniaux qui
tiennent à une glèbe sont inaliénables ; si, au contraire,
c’est un droit d’imposition, alors il peut être racheté ».
L’attitude des élites locales vis-à-vis de la gabelle n’était pas moins
vindicative. Pays de petites gabelles, le Mâconnais, par la voix des
élites urbaines et de ses Etats, prétendait n’être pas soumis aux formalités des billets de gabellement. La Ferme générale obtint pourtant du visiteur général une
ordonnance qui obligea les habitants à prendre ces
feuilles au grenier (21
février 1737). Les échevins
firent appel sur la base d’arguments mettant en avant
leurs franchises. Ils furent déboutés par le Conseil du
roi. Pour ménager la susceptibilité des administrateurs
locaux, Terray autorisa les Etats à lever par eux-mêmes
une crue de vingt sous par minot de sel pour acquitter l’abonnement de 1771. Mieux : l’assemblée eut
la possibilité d’établir des gardes et de procéder aux
visites
domiciliaires, sorte d’arrangement semblable à celui
obtenu par les Etats du Cambrésis. Le pouvoir de contrainte des gardes-sel des
états fut jugé vexatoires. Les vingt-cinq paroisses du Brionnais en subirent
les effets. Un seigneur se plaignit de la violence des
employés provinciaux qui avaient arrêté une voiture devant
son château pour vérifier s’il ne contenait pas quelques
coupes de sel. Le bouvier du seigneur s’opposa aux
employés ; ces derniers tirèrent trois coups de fusil dont
l’un blessa grièvement un valet. Les Etats du Mâconnais
finirent par se prévaloir de l’ordonnance de 1680
sur les gabelles pour
expliquer que leur propre régie n’avait rien de contraire
aux privilèges de la
province ! En 1773, on releva
71 procès-verbaux
pour contravention aux droits de crue. Sur ces 71 pièces,
quatre se traduisirent par un emprisonnement des
fraudeurs, 45 firent l’objet d’une amende et 22 cas furent abandonnés pour cause
de misère (AN, H1 1132, pièce
202). Les autres impôts indirects firent également l’objet
d’abonnements, tant les droits de Jauge et courtage
abonnés depuis 1726 (9 800
livres avec les sols pour livre de 1771), ceux des courtiers-jaugeurs, inspecteurs aux boissons et aux boucheries
(7 832 livres avec les huit sous pour livre), que les
droits sur les huiles et savons.
Sources et références bibliographiques:
Marie-Laure Legay, « Mâconnais » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 20/05/2024
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