Hainaut
Les recettes
de Givet n’étaient pas à proportion des marchandises qui
entraient par cette enclave pour la Champagne et la Picardie. S’y formaient des magasins avec d’autant plus
de facilité que les officiers municipaux refusaient
systématiquement d’accompagner les visites des employés de
la Ferme au nom des privilèges de la ville. A l’instar de Sedan, la ville de Givet, dépourvue de représentant important de la
Ferme, pratiquait un commerce transfrontalier quasi libre.
Ailleurs, les enjeux fiscaux se concentraient
essentiellement sur la circulation des toiles, production
traditionnelle de la région, bières, verres, ouvrages de fer, charbon. Le gouvernement préserva la production
métallurgique du Hainaut de la
concurrence étrangère en taxant lourdement le fer non
ouvré, les ouvrages de grosses quincailleries (ancres,
essieux, socs, enclumes…) et de quincaillerie plus fine
(ciseaux, serrures, faux, faucilles…) : les tarifs fixés
en 1687 et
1692 furent rehaussés en
1702 à respectivement 10, 15 et 30 livres le
millier pesant. Il agit également en faveur de la
traditionnelle production de toiles en imposant les productions étrangères tant fines
que grossières à des tarifs prohibitifs (1671, 1744). Il modéra l’entrée dans l’étendue des Cinq
grosses fermes. Les toiles
grosses par exemple, furent soumises à des droits faibles,
comme pour la Flandre et l’Artois, à condition qu’elles fussent marquées par les
Magistrats pour distinguer leur origine (1718), ce qui fut rarement
fait. Quant aux charbons issus de la fosse de Mons et
transportés vers les Pays-Bas autrichiens, les droits étaient massivement fraudés
à cause des incertitudes sur les mesures des contenants,
mais aussi de la nature des gros et menus charbons que les
placards et criées du Hainaut
taxaient différemment. Comme ailleurs dans le
royaume, les émeutes de juillet
1789 désorganisèrent complètement les
bureaux de la Ferme. Les registres des
entrées de Valenciennes furent détruits, les bureaux et le
domicile du contrôleur
de Maubeuge saccagés ; à Jeumont, Landrecies, Hestrud… les
employés craignirent pour leur vie.
Le Hainaut
historique était une province privilégiée vis-à-vis du
sel, du monopole du tabac
jusqu’en 1738, des aides et des traites. D’anciens droits
domaniaux se levaient sur le sel (15 patars par sac de sel
blanc, sauf à Valenciennes, exemptée) et le tabac (7 patars à la livre
de tabac à la vente). Dans la ville de Valenciennes, les sept patars allaient à la ville et non
au roi. La province bénéficia en outre d’abonnements (pour
le dixième par exemple, ou pour le contrôle des actes). Comme les autres
provinces extérieures aux monopoles de la Ferme générale,
elle se trouva encerclée vis-à-vis de la Picardie par trois lieues limitrophes dans lesquelles la consommation
du sel blanc et du tabac était contingentée. La
déclaration du 9 avril 1743 commune à toutes les provinces
septentrionales lista les paroisses intégrées aux
confins en reprenant la liste dressée par l’intendant en 1732 notamment. Par
ailleurs, depuis le 15 juillet 1679, l’usage du sel gris
était interdit. Vis-à-vis du tabac, à l’inverse de la Flandre qui demeura terre de culture, le Hainaut
fut finalement intégré au monopole de vente en
trois étapes : en 1725, le
droit domanial de sept patars sur la livre de tabac fut
converti en privilège de vente exclusive avec affermage à
une sous-ferme ; en
1738, la Ferme générale
prit en charge la régie directement et en 1744, la ferme du tabac de
Valencienne fut absorbée. Lors du bail Laurent David (1774), la recette des
tabacs se montait à 185 581 livres, année commune.
La Ferme
générale fit également valoir au Conseil la difficulté de
régir les droits de consommation sur les boissons. Assimilés pour
partie aux droits du Domaine dans cette province sous la dénomination de
« criées de Mons », ces droits étaient dus au moment de
l’entonnement de la bière et
de l’encavement des vins, sur
un faible nombre de futailles, ce qui était à la faveur
des habitants. Les commis
n’avaient pas le droit de marque et de visite pour
vérifier la consommation comme en pays d’aides, les taxes étant
payées en amont de la consommation. Tout au plus, l’intendant avait autorisé
les commis à visiter les cabaretiers. Par ailleurs, ces droits de
criées sur les vins, bières et eaux-de-vie firent
l’objet de multiples exemptions particulières, accordés
notamment pendant les guerres de la fin du XVIIe siècle à
l’occasion des créations d’offices. Malgré la révocation
générale de 1715 (édit d’août), le régisseur Charles Cordier fut confronté aux
prétentions de toutes sortes d’officiers et fit valoir
auprès du gouvernement que leurs privilèges emportaient quasiment toute la
recette. Le rétablissement de droits anciens (droits rétablis) fut l’occasion
pour la Ferme générale de contester certains privilèges comme
illégitimes ou abusifs. Le conseiller Charles Gaspard
Dodun fit faire un examen des titres de ces exemptions et
dut concéder quelques modifications. Ceux qui prétendaient
disposer de privilèges devaient en présenter les titres à
l’intendant (1er juillet
1721). L’intendant dressa donc
procès-verbal
de ces franchises des Hennuyers en 1722. La Ferme générale releva les contradictions avec
les dispositions de l’arrêt du 28 octobre 1702 portant règlement sur les
droits des criées des Etats du Hainaut. Le
Conseil reçut l’opposition de Charles Cordier aux
ordonnances de l’intendant et légiféra en 1724:
seules les troupes suisses
demeuraient exemptes des droits domaniaux sur les eaux-de-vie ; quant
aux droits domaniaux sur les vins et bières, Louis XV
confirma les exemptions de 1702
en faveur des maîtres des postes de la province, des
maîtres verriers d’Anor et Fresnes-sur-Escaut, d’un
entrepreneur de clous de Maubeuge, des communautés
religieuses… sous réserve de présenter aux commis les
états de leur consommation ; en revanche, le roi entendit
que les curés et vicaires, chanoines d’Avesnes,
secrétaires du roi et officiers de la maréchaussée,
censiers de l’ordre de Malte… réglassent les droits. Les
droits de criées portaient non seulement sur les boissons, mais aussi sur
le tabac, le sel, les bêtes
vives, les bois et les charbons de terre.
La fraude les concernant était régulièrement
dénoncée par le sous-fermier des domaines de Flandre, Hainaut et
Artois. En 1744, Jacques
Colombat évalua à 250 par an les procès-verbaux de
saisie liés à ces droits.
Vis-à-vis des traites foraines, le
Hainaut était province réputée étrangère soumise au
tarif de 1671, mais les
receveurs et commis de la Ferme étaient si ignorants des
usages qu’il fallut éditer des instructions claires encore
en 1753. Les recettes, lors du
bail Mager, atteignaient le demi-million. Condé, vis-à-vis
des Pays-Bas autrichiens, encaissait les plus grosses sommes.
Sources et références bibliographiques:
-
Sources archivistiques:
- AN, G1 80, dossier 28, recettes des traites, bail Mager.
-
Sources imprimées:
- Arrêt du Conseil d'Etat portant règlement pour les privilèges et exemptions des droits du domaine dans la province du Hainaut, 11 juillet 1724.
- Arrêt du Conseil d’Etat portant règlement pour la perception des droits domaniaux sur les boissons dans la province du Hainaut, 6 novembre 1725.
- Arrêt du Conseil d'Etat portant règlement pour la marque des toiles communes et grosses qui se fabriquent dans les provinces de la Flandre française, Hainaut, Cambrésis et Artois, et pour assurer les droits d'entrée sur les toiles de même qualité et qui seraient d'autres fabriques que de celles desdites provinces, 4 avril 1730.
- Arrêt du Conseil d’Etat du roy, qui déboute le nommé Evrard marchand tanneur à Givet, de la demande en cassation d'une ordonnance de M. l'intendant du Haynaut, par laquelle il a esté condamné en trois cens livres d'amende, pour avoir fait voiturer des cuirs de Givet à St Paul en Artois par des chemins obliques, dont partie desdits cuirs estoient marquez de fausses marques, 9 octobre 1731.
- Arrêt du Conseil du roi du 24 avril 1744 sur requête de Jacques Colombat.
- Arrêt du Conseil d’Etat du roi qui commet M. l’Intendant de la province du Hainault pour juger les contraventions à la Déclaration du roi du 4 mai 1749 portant établissement d’un droit de 30 sols par livre pesant de tabacs étrangers qui entreront dans ladite province, 17 juin 1749, dans Chambon (receveur des Fermes), Le commerce de l’Amérique par Marseille, Avignon, t. 1, 1764, p. 541-542.
- Instruction sur les droits des fermes générales du roi, dans les provinces de Flandre et du Haynaut, relativement au tarif du 13 juin 1671, arrêts règlemens postérieurs, septembre 1753.
- Arrêt du Conseil d'Etat sur les droits sur le charbon, 16 juillet 1766.
- Arrêt du Conseil d'Etat qui ordonne que Julien Alaterre, adjudicataire des fermes générales, fera, pour le compte de Sa Majesté, la perception des droits de contrôle, insinuation, centième denier et petit-scel, qui avaient été abonnés pour six années aux Etats, magistrats, mayeurs et échevins des provinces de Flandre, Hainault et Artois, 15 septembre 1771.
-
Bibliographie scientifique:
- Jean Clinquart, Les Services extérieurs de la Ferme générale à la fin de l’Ancien régime : l’exemple de la direction des fermes du Hainaut, Paris, CHEFF, 1996.
- Philippe Guignet, Mines, manufactures et ouvriers du Valenciennois au XVIIIe siècle, 2 vol., Arno Press, 1977.
Hainaut » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 22/12/2024
DOI :