Café
Dans le cas du café,
la fiscalité prit entre 1664 et
1789 diverses formes dont
la plus efficace se révéla être le monopole de la vente, à
l’instar de la régie du tabac. Intégré au commerce confié à la compagnie des Indes (1664) et en conséquence exempté des droits
de traites dès lors qu’il
fût destiné pour l’étranger, le café, comme le chocolat,
connut un succès grandissant auprès des Français.
La production de
l’île Bourbon se développant et la monarchie
souhaitant accroître ses revenus au moment de la
guerre de la Ligue d’Augsbourg (1687-1698), le gouvernement confia à François Damame un
privilège de vente exclusive au sein du royaume
(édit de mars 1692). Ce dernier ne
parvenant pas toutefois à couvrir les frais de sa
régie, le privilège économique fut converti en un
droit d’entrée (arrêt du 12 mai 1693) au profit de Marseille seule. Le café fut taxé à 10 sous la livre pesant (15
sous pour le cacao, 10 livres pour le thé…).
Pour répondre au marché européen, un privilège
d’entrepôt fut accordé aux négociants, à Marseille pour le
café, à Dunkerque,
Dieppe, Rouen,
Saint-Malo, Nantes,
La Rochelle, Bordeaux et Bayonne pour le cacao. Les négociants de Saint-Malo s’engagèrent dans
ce commerce et obtinrent la permission pour 300 000 livres
pesant dont ils payèrent les droits d’entrée, mais encore
à cette époque, les Hollandais restaient les maîtres de ce
marché. Ils en fixaient les prix sur lesquels les
négociants français s’alignaient. En 1723, la Compagnie des Indes recouvra le monopole de la vente du
café.
Par la déclaration du 10 octobre 1723, ce monopole fut organisé en 37
articles sur le modèle du monopole du tabac. Le café devait être ensaqué (sacs de deux livres poids,
une livre et une demie livre), plombé, cacheté et
emmagasiné. Il ne pouvait être vendu plus de 100 sols la
livre de 16 onces. Marseille conservait le droit de tirer les cafés du Levant, mais les
négociants devaient alors les entreposer et les vendre
soit à la compagnie, soit à l’étranger. S’ils
devaient repartir par mer, déclaration devait en
être faite dans les vingt-quatre heures au bureau
des Poids et casse de
la ville, pour éviter le versement frauduleux sur
les côtes françaises. Tous les autres
négociants du royaume avaient interdiction de faire ce
commerce. Il fallut dès lors organiser le contrôle. Les
commis de la compagnie obtinrent des avantages à l’instar
de ceux de la Ferme générale. Ils pouvaient visiter tout
négociant, châteaux, princes, seigneurs, couvents… pour
traquer la fraude
(article 32), dresser procès-verbal et assigner les fraudeurs
devant les juridictions ad hoc (élections et juges des
traites).
Concernant la fiscalité, les cafés furent soumis à un
droit d’entrée réduit de 3%, selon les
dispositions prises en 1664 (article 44 de l’édit d’août). La
régie de Charles Cordier,
toujours soucieuse d’augmenter ses profits, réclama en sus
les 10 sols par livre qui étaient prévus dans l’arrêt du
12 mai 1693, ce que le
gouvernement refusa. Il fut établi par l’arrêt du 10 août
1726 que par convention,
la compagnie des Indes
règlerait à la Ferme générale pour tout droit une somme
forfaitaire de 25 000 livres par an,
sorte d’abonnement qui, au regard de la
consommation, constituait un manque à gagner fiscal.
Le Conseil du roi ne
revint jamais sur cette prohibition, hormis pour le café des îles
d’Amérique dont l’entrée fut autorisée (déclaration
du 27 septembre 1732). Sur la demande des
négociants de la Martinique qui avaient converti
leurs terres en caféiers, le gouvernement donna son
accord pour l’entrepôt en métropole du café des îles
françaises. Dunkerque, Le Havre, Saint-Malo, Nantes. La Rochelle, Bordeaux, Bayonne et Marseille furent
désignés comme ports pour emmagasiner les denrées. Quatre
ans plus tard (29 mai 1736),
le commerce des cafés des îles devint libre, tandis que la
compagnie des Indes ne
conserva plus que le monopole des cafés des autres lieux
de production (île Bourbon et île de France). Les ports
d’entrée passèrent de huit à treize (Calais, Dieppe, Honfleur, Sète, Rouen vinrent
s’ajouter).
Surtout, la fiscalité à l’entrée dans le
royaume fut établie à 10 livres le cent pesant brut,
« même pour ceux provenant de la Traite des noirs ». Les droits du
Domaine d’Occident
restaient dus aussi. Ainsi, le gouvernement multiplia par
vingt la fiscalité au poids sur le café par rapport au
tarif en vigueur en 1693. D’après l’état des marchandises des îles et droits acquittés pour 1775, les cafés rapportèrent au total au fisc 1 943 025 livres (AN, H1 1686).
En revanche, il
accorda l’exemption des sous pour livre, bien
modeste avantage. De même, le droit de 10
livres par quintal remplaça tous les anciens droits
qu’acquittait le café avant l’arrêt de 1736, comme par exemple les droits de
traite de Nantes. Enfin,
pour défendre les cafés « nationaux », le Conseil taxa les
cafés étrangers, tant ceux qui arrivaient à Lorient par la
compagnie des Indes que ceux
qui arrivaient du Levant à Marseille ou tout autre café de l’étragner à
25 livres le quintal (janvier 1767).
En cas de vente pour l’étranger, les droits de
transit étaient
accordés et les droits d’entrée n’étaient pas levés. In
fine, c’est bien autour de l’entrepôt que les enjeux
fiscaux se concentrèrent. D’une part, le
privilège d’entrepôt passa de six mois à un an (18
décembre 1736), ce qui
laissait le temps de faire du trafic illégal. Les magasins étaient à la charge des négociants, mais
les commis des Fermiers généraux y avaient accès. D’autre
part, l’importance de ce commerce nécessita des
aménagements de ports et des entrepôts provisoires (sous
tente) qui facilitaient la fraude. A Bordeaux, la Ferme
imposa l’entrepôt à plusieurs endroits sur les quais,
d’abord rue du Chai des Farines puis, à partir de 1741, à la maison Clock.
Cependant, faute de place, les négociants bénéficièrent
d’une certaine liberté de stockage à partir de 1767, une sorte d’entrepôt
« fictif » qui occasionna une
fraude sans précédent. L’établissement d’un
bureau de la Ferme générale à la Porte du Chapeau rouge
fut l’occasion de revenir sur cette situation et
d’envisager un nouvel entrepôt pour y enfermer tous les
cafés en provenance des îles. Chaque jour, des
contestations naissaient, la fraude grandissait et
les droits de la Ferme générale diminuaient. L’intendant de Bordeaux donna un tableau
qui montrait « la chute du droit de consommation des
caffés » de 1767 à 1773 (par rapport à 1763-1767) et dans le même temps, l’augmentation
prodigieuse de la masse de l’importation des cafés.
Toutefois, les négociants de la Chambre de commerce,
associés à la ville
de Bordeaux ne voulurent pas établir
l’entrepôt pour des raisons financières (le coût était
estimé à environ 600 000 livres). L’intendant, pour
concilier les parties, proposa d’établir un droit de 20
sols par quintal qui serait indistinctement perceptible
sur tous les cafés destinés pour le royaume et pour
l’étranger. Il estima le produit prévisible à 200 000
livres tournois ; la Ferme générale jugea le projet de l’intendant
irréalisable et prit pour exemple le cas de Nantes qui devait servir de
modèle aux Bordelais.
Sources et références bibliographiques:
-
Sources archivistiques:
- AN, G1 31, f° 34 v°-35 (20 juillet 1774), entrepôt du café à Bordeaux et Mémoire n° 1226, 9 août 1775.
- AN, G1 79, dossiers 4 et 16, évolution des droits de traites.
- AN, H1 1686: « Etat des marchandises des îles et droits acquittés pour 1775 » .
-
Sources imprimées:
- Arrêt du Conseil d’Etat du roi qui permet aux Capitaines généraux et préposés pour la régie du privilège des ventes exclusives du Tabac et du Caffé, de faire des visites dans les maisons des Ecclésiastiques, Nobles et Bourgeois autres pour y faire la recherche des faux Tabacs Caffés, sans permission, 25 janvier 1724.
- Arrêt du Conseil d’Etat qui ordonne que tous les cafés venant des Echelles du Levant pourront entrer dans la ville de Marseille et en sortir librement par mer, ainsi qu'avant l'arrêt du 31 août 1723, 8 février 1724.
- Arrêt du Conseil d’Etat concernant les déclarations à fournir pour le café qui entre et sort de Marseille, 21 janvier 1731.
- Arrêt du Conseil d'Etat qui révoque la permission accordée par celui du 2 avril 1737, aux négociants de Marseille, d’introduire pour la consommation du royaume, des cafés des iles françaises de l'Amérique, 28 octobre 1746.
- Arrêt du Conseil d'Etat qui fixe les droits qui seront perçus, tant à l'entrée qu'à la sortie du royaume, sur les cafés provenant des iles et colonies françaises de l'Amérique et sur ceux apportés du Levant ou provenant du commerce de la Compagnie des Indes, 25 janvier 1767.
- Joseph Du Fresne de Francheville, Histoire de la Compagnie des Indes avec les titres de ses concessions et privilèges, dressée sur les pièces autentiques, Paris, Chez De Bure l'aîné, 2 t., 1746, dont tome 2, p. 527 à 579.
- Vivent Magnien, Recueil alphabétique des droits de traites uniformes…, 1786, p. 214-221.
-
Bibliographie scientifique:
- Anne Radeff, Du café dans le chaudron. Économie globale d'Ancien Régime. Suisse Occidentale, Franche-Comté et Savoie, Lausanne, Société d'Histoire de la Suisse Romande, « Mémoires et documents », 1996.
- Bernard Michon, « L’introduction du café en France métropolitaine : acteurs, réseaux, ports (XVIIe-XIXe siècles), Journée d’études, Nantes, 30 septembre 2021.
Café » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 22/12/2024
DOI :