Marie-Laure Legay
Le
gouvernement tenta à plusieurs reprises de mettre la main
sur ces bénéfices. Déjà, le Conseil du roi avait
transformé la caution de la
compagnie en une dette permanente à partir du bail
Bocquillon (1751). Toutefois,
il régla toujours les intérêts de cette dette. Pour
atteindre véritablement les bénéfices d’exploitation, il
fallait taxer la Ferme. Machault d’Arnouville leva un
impôt de 10 % sur ces bénéfices à partir de 1748. Par les lettres patentes
du 17 avril 1759, le
contrôleur général Silhouette voulut astreindre les
Fermiers généraux à verser, en sus du prix de leurs baux,
« la moitié des bénéfices et émoluments de leurs fermes ».
Il échoua, mais l’abbé Terray parvint quant à lui à taxer
les bénéfices de 30 %, soit une retenue de deux dixièmes,
en sus de celui d'amortissement, sur les bénéfices des
fermes générales, et d'un dixième aussi en sus sur les
intérêts des cautionnements. Le peuple de Paris prit
connaissance de cette mesure par une caricature décrite
par Jean-Baptiste Coquereau : « On y voyoit les Fermiers
généraux à genoux ; M. l'abbé Terrai leur donnant des
cendres avec l'inscription au bas : Memento homo, quia
pulvis es in pulverem reverteris ». Terray négocia en
outre le bail de 1774 avec
rigueur. Il obtint des Fermiers vingt millions de plus par
an que ce que Laverdy avait obtenu en
1768, soit au total 152 millions annuels.
Il greva nombre d'entre eux de pensions et de croupes. Finalement, le
gouvernement modifia les conditions du bail à la mort de
Louis XV. Il abandonna le système de l’impôt sur le revenu
de la Ferme et mit en œuvre un partage plus juste des
recettes : il préleva 50 % sur les 4 premiers millions
perçus au-dessus du prix du bail, 40 % sur les 4 millions
suivants, 30 % sur les 4 suivants et 20 % sur le solde.
Pour le bail Salzard (1780), Necker fixa un
prix plancher du bail pour lequel il jugea que la
compagnie ne devait guère percevoir que 2 % sur les
bénéfices, puis exigea 50 % sur les bénéfices de tous les
millions perçus au-dessus du prix du bail. Le bénéfice
total de ce bail fut évalué à 45 960 000 livres. Le bail
Mager (1787) renouvela ces
dispositions, même si un ancien préposé de la Ferme
générale nommé David, révéla que « M. Calonne voulant
traiter favorablement les preneurs (du bail), leur
assurent la moitié des bénéfices qui surpasseront le taux
fixé par ce résultat. Ce taux a été fixé très bas afin de
leur laisser l’espérance de le surpasser ». Matthews
estima le bénéfice total du bail à 24, 6 millions.
En tout,
chaque associé de la compagnie était donc assuré d’un gain
appréciable. En 1774, on peut
l’évaluer à 161 800 livres : chaque traitant fournissait
par avance 1 560 000 livres. Chacun d’eux avait 10 % sur
ces fonds pour le premier million, soit 100 000 livres, et
6 % sur les 560 000 livres restant, soit 33 600 livres,
plus 24 000 livres de droit de présence, 4 200 livres de
frais de bureau et 1 500 livres d'indemnité pour les
tourneurs, c'est à dire pour ceux d'entre eux qui
faisaient des tournées en province. Les papiers de
Lavoisier font état pour chaque Fermier d’un bénéfice de
284 787 livres, soit un rendement de 13, 8 %, pour 1780. A la fin de l’Ancien
régime, la rationalisation financière du gouvernement
diminua sensiblement le taux de profit des Fermiers, mais
ce dernier demeura très élevé, évalué autour de 300 000
livres par le comte de Mollien, et cristallisa les plus
vives critiques de l’opinion publique contre
l’intermédiation financière et le principe de l’affermage.
Sources et références bibliographiques:
Marie-Laure Legay, « Bénéfices (de la Ferme générale) » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 20/05/2024
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