Regrat, regrattier
Commission de revendeur de sel, 24 novembre 1735, AD du Rhône, 1C 248 Prix de la revente de sel, d’après les déclarations de 1709-1710 et l’édit de novembre 1771
Le statut du regrattier a varié dans
le temps. Il fut parfois officier juré (entre 1638 et 1660 et entre 1696 et 1709), parfois simple
commissaire. En 1709, son
statut fut définitivement fixé à la faveur de la
suppression du droit de regrat: ce droit se prélevait sur
chaque minot de sel vendu par
le regrattier; il était soit aliéné aux offices de
regrattiers, soit affermé. Il pouvait faire l’objet de
sous-ferme. En
1662 par exemple, Robert
Pirepon, fermier du droit de regrat, consentit par bail
devant notaire à Pierre Adenet, boucher du faubourg
Saint-Sulpice à Bourges, la sous-ferme du droit moyennant
15 livres tournois par an.
Dans tous les cas, ce droit
était parfaitement inique car il rendait le sel des
pauvres plus cher que le sel du grenier. En 1704, la ferme des regrats
pour le ressort du grenier
de Paris fut affermée pour douze ans à René Gigon pour
300 000 livres et le même René Gigon prit également à bail
pour la même durée et 320 000 livres la ferme des regrats
de provinces. Les pauvres se partageaient une mesure de
sel devant la porte du grenier, où ils étaient obligés de
se rendre. Le « contrôleur des partages » prélevait le
droit de regrat pour le fermier. Les autorités avaient
conscience de cette iniquité et tentaient d’en limiter les
effets en obligeant les regrattiers à livrer au poids, et
non à la mesure, à raison de 14 sous la livre sans
dépasser ce tarif. Toutefois, le vice intrinsèque du droit
de regrat décida Louis XIV à le supprimer en 1709, en pleine guerre de
Succession d’Espagne. A partir de 1710, la vente à la petite mesure fut donc confiée à
des revendeurs commissionnés, sans prélèvement de droit.
Cette décision doit être mise en rapport avec la plus
grande maîtrise de l’étalonnage des mesures.
L’introduction de la nouvelle trémie notamment permit une tarification plus
claire des reventes à la petite mesure, quart de minot, huitième de minot et en dessous, litron,
demi-litron… Muni de ces mesures dûment agréées et
étalonnées, le revendeur pouvait livrer le sel aux pauvres
partout dans les campagnes et non seulement au grenier. La suppression
du droit de regrat à partir de 1709
pour les gabelles de France fut donc étendue en
1711 aux gabelles du
Languedoc, et en 1713 aux
gabelles du Lyonnais….
Des tarifs pour chaque mesure et mesurette furent
redéfinis comme subdivision du prix du minot de sel et le revendeur
devait se contenter de respecter les tarifs calculés par
les visiteurs de gabelles. Le regrattier ou la regrattière était donc agréé par le
grenier, devait
prêter serment devant la
juridiction locale et recevait une commission de l’adjudicataire pour
la vente au détail. Il avait obligation d’entretenir les
poids et mesures qu’il utilisait. Il devait en outre
délivré un petit billet aux acheteurs, appelé « billet de
regrat ». Il avait enfin obligation de tenir registre,
tant des sels qu’il levait au grenier que de ceux qu’il
revendait et en faisait un double pour le greffe du
grenier.
Le regrattier ne devait pas vendre plus d’une
livre et demie par personne, au prix fixé par la loi. Ces
prix variaient d’une province à l’autre, mais le
législateur distinguait toujours le tarif en ville et le
tarif à la campagne. La publication de ces tarifs
constituait un enjeu majeur car elle encadrait les
pratiques du regrattier qui avait toujours tendance à
surenchérir le prix à la vente. Parmi les difficultés
rencontrées par l’administration pour unifier un tant soit
peu les pratiques, celles liées à la diversité des mesures
était la plus importante. Les regrattiers pouvaient livrer
au poids (livre, demi-livre, quarteron, demi-quarteron,
once) ou à la mesure (litron, demi-litron, quart de
litron, huitième de litron…). Louis XIV accorda aux
particuliers le choix d’être livré au poids ou à la
mesure, mais pour éviter les abus des revendeurs, le poids
fut privilégié. En 1704 par
exemple, les détaillants du ressort du grenier de Paris furent
astreints à n’utiliser que le poids ; toutefois, le regrat
était encore affermé à l’époque. Ailleurs, le problème se
posa dans les mêmes termes. La compagnie des Fermiers
généraux fit requête en 1742
auprès de l’intendant de Caen, Louis Arnaud La Briffe de
Ferrières, pour faire savoir que les revendeurs dépendant
du grenier de
Bayeux faisaient payer trop cher les
pauvres de leur ressort. Elle exigea en vain des officiers
du grenier un respect des tarifs définis par les
ordonnances des 28 décembre 1709
et 8 mars 1710 pas de
matrice pour étalonner les mesures des regrattiers. Le
recours à l’intendant
porta ses fruits : La Briffe exigea la publication du
tarif et l’utilisation des poids et mesures réglés sur la
matrice des poids et mesures du greffe de l’hôtel-de-ville de Bayeux. Encore en 1783,
Marie-Françoise Douvillier, regrattière de sel à Bray,
dans le ressort du grenier
de Vervins, fut condamnée avec son mari, Alexis Guilbault,
pour avoir vendu le sel au-dessus du prix porté par les
règlements. La Cour des aides exigea à la suite de cette
affaire la publication et affichage des tarifs dans
toutes les paroisses où logeait un regrattier,
rappelant ainsi les dispositions de l’ordonnance de mai
1680 (titre IX, article
III). Les tarifs augmentèrent au cours du
XVIIIe siècle, en 1760 puis en
1771, pour suivre
l’évolution des sols pour livre successifs ajoutés aux droits de la Ferme générale.
Toutefois, cette augmentation n’égala pas en proportion
l’évolution du prix de vente
du minot de sel.
Sources et références bibliographiques:
-
Sources archivistiques:
- AD du Calvados, 3C 9, grenier à sel de Caen (tarifs et instructions, 1742).
- AD du Rhône, 1C 248, procédure extraordinaire contre Hugues Girotru, 1742.
- AD du Rhône, 5C/4 : registre d’ordre de la Direction des fermes de Lyon, f° 149 v°, lettre de 1770.
-
Sources imprimées:
- Déclaration du Roy qui réduit au poids la distribution du sel par regrat dans l’étendue du grenier à sel de Paris, Versailles, 2 décembre 1704.
- Déclaration du Roy pour la suppression des regrats, Versailles, 28 décembre 1709.
- Déclaration du Roy pour établir dans les gabelles de Lyonnois 1° l’usage de la tremuye, 2° la revente du sel à petites mesures sans regrat, Versailles, 28 novembre 1713.
- Déclaration du Roy portant règlement pour les regrats, les restitutions des droits de gabelles et le devoir des gabellans, Fontainebleau, 29 août 1724.
- Déclaration du roi concernant les époques de la levée du sel d’impôt et des livraisons des francs-salés, et qui dispense des devoirs des gabelles aux greniers ceux des contribuables dont la taxe à la taille ou à la capitation n'est que de trois livres, les autorisant à prendre dans les regrats le sel de leur consommation, Versailles, 18 décembre 1780.
- Arrêt de la Cour des aides du 17 mars 1784 qui ordonne que les tarifs du prix du sel seront affichés dans tous les lieux où il y a greniers à sel dans les places publiques des paroisses où il y a regrat de sel et à la porte de chaque regratier, Paris, Knapen, 1784.
Regrat, regrattier » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 22/12/2024
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