Juridiction des traites
La compétence des
juridictions des traites comprend dans son volet pénal les
malversations et fraudes commises par les employés des
fermes, ainsi que les violences subies par ces derniers.
L’ordonnance des fermes exclut sans surprise toute
concurrence entre juridictions des traites et Ferme
générale en matière administrative, en leur
défendant de s’immiscer dans les formalités et
règlements requis de la part des redevables des
droits. Sur le plan civil, les différends
doivent être jugés « sommairement et sans épices », après
avoirs entendu les parties si elles sont présentes. Il
s’agit d’une procédure simplifiée pour les besoins d’un
contentieux intéressant au premier chef les professionnels
du commerce. L’objectif d’un jugement quasi immédiat est
de ne pas ralentir le rythme des échanges, dont la densité
bénéficie par ailleurs à la richesse du royaume. Sur le
plan pénal en revanche, la procédure est susceptible
d’être beaucoup plus longue en fonction des besoins de
l’enquête. La formation de jugement, réduite au civil au
seul juge des traites, se trouve alourdie au pénal, le
juge devant se faire assister de trois officiers ou
gradués en droit si la condamnation encourue est une peine
afflictive.La Déclaration royale du 17 février 1788 prévoit les règles devant
être observées par les juges des traites, à l’image de
celles ayant cours devant les élections et greniers à sel
; elle est suivie d’un règlement du montant des vacations
que les juges peuvent exiger en matière criminelle, pour
l’instruction du faux et lorsqu’ils doivent se rendre
en-dehors du lieu où leur siège est établi. Les règles
applicables en matière procédurale comprennent celles qui
ont été posées par l’ordonnance du mois de juillet 1681 dans son titre commun pour
toutes les fermes. Quant à l’organisation des juridictions
proprement dites, elle est prévue par l’Édit de mai 1691 portant création de
Maîtres des Ports Juges des
Traites. Il faut alors de rendre attractifs de tels
offices, tant ceux qui ont été créés par le passé ont pu
être délaissés en raison de leur caractère peu lucratif.
Chaque juridiction se compose d’un Président – Juge des
traites, un lieutenant, un procureur, un greffier et deux
huissiers ; elle a vocation à être établie en chaque lieu
où existent des bureaux des fermes.
L’office du juge est
héréditaire et permet à son titulaire d’être exempté de
taille et logement des gens de guerre ; plus largement le
juge des traites bénéficie des mêmes privilèges que ceux
conférés aux élus. Dans la mesure où le juge des traites
est un interlocuteur quotidien de la Ferme générale,
celle-ci peut lui accorder des gratifications qu’elle
détermine librement ; l’existence sur ce point d’un usage
ne lie aucunement l’administration des fermes. En même
temps, la pratique laisse supposer combien la personnalité
du juge aura de l’importance pour remplir sa fonction dans
un esprit d’indépendance. De telles gratifications
s’ajoutent à la somme que les fermiers généraux versent au
magistrat pour lui tenir lieu d’épices, salaires et
vacations. L’intérêt pécuniaire de la fonction de juge des
traites se mesure en tout état de cause au volume des
échanges dont il est amené à connaître. Dans une ville
comme Bordeaux dont
l’activité portuaire s’intensifie au XVIIIe siècle, le
prix de l’office atteint 44 000 livres, ce qui est
considérable pour une charge ne conférant pas la noblesse.
Au sein de la juridiction des traites domine le juge et,
de fait, sa personne symbolise le premier niveau de
justice en matière douanière ; il est présenté de diverses
manières : « président des traites », « président juge des
ports », « président juge des traites et ports »,
« président juge des fermes ».
Les décisions rendues par la
juridiction des traites sont susceptibles d’être portées
en appel devant la Cour des aides. Soucieuse de
s’affirmer en cour souveraine, soit en égale des
parlements, cette dernière tend à entretenir les tensions
en matière fiscale. Les juridictions des traites se
situant au carrefour de l’administration et de la justice
du fait de leur proximité avec l’administration des
fermes, les relations s’établissant avec les cours des
aides ont pu être empreintes d’hostilité. Au-delà, ce sont
les relations avec toutes sortes d’institutions de nature
juridictionnelle ou administrative qui demeurent
influencées par l’image donnée par les fermiers généraux.
Il est vrai que le juge des traites, outre sa fonction
contentieuse, peut intervenir pour le règlement amiable de
litiges de nature douanière. Aussi la porosité est-elle
complète entre fonction juridictionnelle et fonction
administrative lorsque l’intérêt des fermes l’exige, ce
dont les plus critiques quant au système fiscal en vigueur
ont tout à fait conscience. La fin des juridictions des
traites est amorcée dès 1779
par Necker qui, dans le souci de simplifier l’appareil
judiciaire, en supprime quelques-unes. Elle s’accélère
avec la publication d’un édit du mois de mai 1788 élaboré par Lamoignon et
prévoyant la suppression des tribunaux d’exception.
L’ampleur de la réforme envisagée précipite les événements
en aboutissant à la réunion des États généraux en 1789. Il revient à la loi des
16-24 août 1790 de régler
l’organisation judiciaire, toutes les juridictions
d’exception, au titre desquelles il faut compter la
juridiction des traites, étant supprimées le 7 septembre
suivant.
Sources et références bibliographiques:
-
Sources archivistiques:
- BN fr 14076, Conférence sur le titre commun des fermes (1681).
- BN F-23614, Déclaration du Roy donnée à Versailles le 17 février 1788.
- BN fr 11172, Dictionnaire des traites Vo Juges des traites, f° 219-229.
-
Sources imprimées:
- Édit du Roy du mois de May 1691 portant création de Maîtres des Ports Juges des Traites.
- Encyclopédie méthodique Finances, Paris, Panckouke, 1784.
-
Bibliographie scientifique:
- Yves-Marie Bercé, Croquants et nu-pieds, Paris, 1974, rééd. Gallimard, 1991.
- Sophie Evan-Delbrel, Une histoire de la justice douanière – L’exemple de Bordeaux sous l’Ancien Régime, Limoges, PULIM, 2012.
Juridiction des traites » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 21/11/2024
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