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Transit

Marie-Laure Legay





Le régime de transit permettait la circulation des marchandises en suspension des droits ordinaires de traite et facilitait le franchissement de l’Etendue des Cinq grosses fermes à destination de l’étranger, des provinces à l’instar de l’étranger effectif ou des provinces réputées étrangères. Soit ce régime constituait une suspension provisoire jusqu’aux formalités de dédouanement sur le lieu de destination, soit il formait un droit particulier qui, une fois acquitté, se substituait avantageusement aux droits d’entrée et de sortie. Dans ce dernier cas, il constituait un privilège, concédé à titre provisoire comme lors d’une guerre (par exemple en 1708) ou d’une crise commerciale (par exemple, la crise viticole des années 1783-1788 engagea le gouvernement à faciliter l’exportation des vins par les ports de la sénéchaussée de Bordeaux en réduisant les droits de sortie à un droit de transit), ou à titre plus durable, pour favoriser le commerce de certaines provinces (provinces septentrionales) ou de certaines marchandises (notamment coloniales comme les peaux de castor, le café, le sucre…). En avril 1717, plusieurs denrées des îles d’Amérique et colonies bénéficièrent du droit de transit pour traverser l’Etendue des Cinq grosses fermes. Les négociants devaient s’acquitter dès lors par acquit à caution, sauf pour le passage dans les enclaves qui, par convention avec les pays voisins, n’était pas taxé. Les bureaux de transit (soit : les bureaux de Seyssel, Collonges pour la Suisse, Pont-de-Beauvoisin, Chaparillan en Dauphiné pour la Savoie, Jougues et Héricourt en Franche-Comté, Sainte-Menehould et Saint-Dizier en Champagne, Strasbourg, Saint-Louis et Bourgfelden en Alsace, Agde et Sète pour l’Italie et l’Espagne) vérifiaient à la sortie les balles et leurs plombs. La principale difficulté que rencontra la Ferme générale fut d’éviter le versement frauduleux des marchandises destinées pour l’étranger dans l’Etendue des Cinq grosses fermes. Les commis constataient par exemple que les marchandises de la Compagnie des Indes arrivées à Nantes et destinées aux provinces réputées étrangères par transit restaient en fait dans l’Etendue en fraude des droits d’entrée. Il fut donc établi en 1725 des bureaux de contrôle à Limoges et Clermont. L’idée de confier le monopole du transport à la régie des messageries royales fut mise en œuvre en 1781, mais sans succès (arrêt du 9 août supprimé en septembre 1782). Les négociants revendiquaient la liberté du commerce. Le gouvernement, de son côté, tentait de favoriser le commerce colonial et donc la traversée des denrées entre les entrepôts des ports atlantiques et l’étranger, mais se trouvait confronter à la nécessité de contrôler la circulation des marchandises prohibées issues du Levant ou des pays étrangers frontaliers d’une part, et au besoin de limiter le manque à gagner généré par la fraude d’autre part.

Dans ce contexte, les provinces septentrionales présentaient une situation particulière. La Flandre, le Cambrésis, le Hainaut et pays conquis disposaient du privilèges de transit pour la circulation des marchandises, par exemple entre Dunkerque et Ypres (cinq pour cent de la valeur des marchandises étaient levés au lieu des tarifs douaniers ordinaires) ou pour la circulation sur les rivières et canaux entre ces provinces et l’étranger effectif (cinq sous par cent pesant seulement au lieu des tarifs douaniers ordinaires), l’emprunt de la Meuse et le passage par Givet étant soumis à une tarification particulière. Avec les habitants et négociants de l’Artois, ceux de ces provinces septentrionales avaient la liberté de transit pour les marchandises issues de leurs manufactures ou pour les matières premières qu’ils faisaient venir par Bayonne, Septèmes, Pont-de-Beauvoisin et Langres : elles ne payaient aucun droit d’entrée et de sortie, aucun péage, aucun droit local, mais les acquits à caution devaient être enregistrés au bureau de Douai (bureau transféré à Lille en 1713) pour les matières premières, ou au bureau de transit de Péronne pour la sortie (Amiens et Saint-Quentin devinrent bureaux de transit à partir de 1738). En 1746 par exemple, le bureau de Péronne, dernier bureau de la route, vérifia un chargement venu de Nîmes censé contenir des étoffes de soie destinées à la Flandre espagnole, mais en réalité composé de bûches de bois et de sable. La sanction de la Cour des aides de Paris fut exemplaire : les négociants Jean Soubeyran et François Molines furent condamnés à régler 7 080 livres pour la valeur de la marchandise substituée, et 2 000 livres en sus pour les infractions commises. Avec le développement des exemptions de droits sur l’exportation des marchandises du royaume comme les toiles, pièces de bonneterie, chapeaux ou tapisseries, le droit substitutif du transit devint moins intéressant.

Le port de Marseille enserré dans la Provence ne bénéficia pas des mêmes avantages que Dunkerque. Les marchandises issues du Levant réglaient les droits de sortie pour traverser le pays (dispositions des arrêts du 18 juillet 1670, 10 septembre 1678, 26 octobre 1680 et 15 septembre 1704). Quelques exceptions furent néanmoins concédées comme en 1769 sur les toiles de laine, poils de chèvres et chameaux orientales qui bénéficièrent du droit de transit en déclarant au bureau de Poids et casse la destination étrangère et le bureau de sortie. Toutefois, les négociants marseillais, soutenus par les procureurs du pays de Provence, n’obtinrent pas plus d’exemption.

L’intrication étroite des terres du duché de Lorraine dans la généralité des Trois-Evêchés avait également nécessité la mise en œuvre d’un droit généralisé de transit. Le traité de 1718 accorda le privilège aux Lorrains pour les marchandises de leur cru et, réciproquement, les négociants du Barrois disposaient du droit de transit sur les routes du duché. Les marchandises prohibées pouvaient également circuler dans la généralité de Metz à condition de respecter des formalités strictes (acquits à caution, plombs…). Absente de cette province des Trois-Evêchés « à l’instar de l’étranger effectif », la Ferme générale ne pouvait pas contrôler les convois. Le gouvernement confia donc à l’intendant de Metz l’inspection de bureaux de transit établis sur la route de Verdun (à Cousonvoy, Mouzon et Verdun), sur la route d’Arlon à Longwy, sur la route du Luxembourg à Thionville, Sierck sur la Meuse et Vaudrevange sur la Sarthe, sur la route de Francfort à Metz, sur la route de Sarrebruck à Teting, et un bureau à Vic. La géographie fiscale se compliquait des avancées de la Champagne, pays des Cinq grosses fermes qui ne pouvait être traversé par des marchandises prohibées, dans les Trois-Evêchés, entre Saint-Dizier et Neufchâteau. En 1771, les toiles peintes de Philibert Cornu furent saisies sur la route royale de Neufchâteau à Bar-le-Duc, du côté de Tréveray, après le bureau champenois de Saint-Joire, comme n’étant pas déclarées.





Sources et références bibliographiques:


    Sources imprimées:
  • Arrêt du Conseil d’Etat qui ordonne que pendant la présente guerre, à commencer du premier jour du mois d’octobre prochain, les marchands et negocians de Bretagne et de Normandie qui voudront faire des envois en Espagne par la voie de terre, des toiles provenant des manufactures desdites provinces pourront les faire sortir par Bayonne, 18 septembre 1708.
  • Arrêt du Conseil d’Etat qui ordonne que les habitants des villes et lieux soumis à l'obéissance de Sa Majesté, et ceux du pays d'Artois, Cambrésis et Hainaut français continueront de jouir de la liberté du transit, et que le bureau établi dans la ville de Douai sera établi dans celle de Lille, 20 juin 1713.
  • Lettres patentes pour l'exécution du traité conclu à Paris le 21 janvier 1718 entre le Roi et le duc de Lorraine, en conséquence du traité de Ryswick, du 30 octobre 1697, données à Paris le 11 février 1718.
  • Arrêt du Conseil d’Etat qui ordonne que les pelleteries et denrées provenant du crû et fabrique de Canada, de quelque nature qu'elles puissent être, à l'exception du Castor, jouiront du bénéfice du transit, 21 mai 1721.
  • Arrêt du Conseil d’Etat portant règlement pour la levée et perception des droits d'entrée, de sortie et de transit sur les marchandises et denrées qui passent d'un lieu à l'autre des terres étrangères sur la Meuse par Givet, 9 août 1723.
  • Arrêt du Conseil d’Etat portant établissement de deux bureaux de contrôle dans les villes de Limoges et de Clermont-Ferrand, pour la visite des marchandises provenant des ventes de la Compagnie des Indes à Nantes qui passent en transit dans les provinces réputées étrangères, 13 mars 1725.
  • Arrêt du Conseil du roi et Lettres patentes sur iceluy du même jour concernant les formalitez à observer pour le transit des sucres raffinez dans le Royaume, données à Marly, 14 février 1730.
  • Arrêt du Conseil d’Etat qui permet aux négociants de Marseille d'introduire, pour la consommation du royaume, les cafés provenant des îles françaises de l'Amérique, en payant 10 livres du cent pesant, et d'en envoyer à Genève en transit, sans payer aucuns droits, 2 avril 1737.
  • Arrêt du Conseil d’Etat qui ordonne que les marchands, négociants et autres habitants des villes et lieux de l'obéissance du roi en Flandre, et ceux d'Artois, Cambrésis et Hainaut français jouiront de la liberté du transit, pour les marchandises et étoffes de leurs manufactures et pour les matières servant à leur fabrication, par les bureaux d'Amiens et de Saint-Quentin, comme ils en jouissent par celui de Péronne, 15 juin 1739.
  • Arrêt du Conseil d’Etat portant règlement pour empêcher les abus et fraudes sur les marchandises du commerce des iles, qui jouissent du bénéfice de restitution des droits lorsqu’elles sont portées à l'étranger et sur celles qui jouissent de la faculté du transit dans le royaume, 14 août 1744.
  • Arrêt de la Cour des aides concernant les marchandises qui jouissent du privilège du transit ou de l’exemption des droits de sortie, lorsqu'elles sont destinées pour l'étranger et qu'elles restent dans l'intérieur du royaume, 12 août 1748.
  • Arrêt du Conseil d’Etat qui accorde aux cotons en laine et poils de chèvre et de chameau, provenant du commerce direct du Levant à Marseille, le transit, en exemption de tous droits, de cette ville aux pays étrangers, sous la condition des formalités prescrites, 15 mai 1769.
  • Arrêts du Conseil d’Etat du Roi, des 11 mai 1773 30 mai 1775. Le premier ordonne le communiqué de la requête de l'adjudicataire à Philibert Cornu à Pierre Gavillier sa caution. Le second, rendu contradictoirement, casse une sentence de la juridiction des traites de Joinville, du 30 septembre 1771, un arrêt du Conseil supérieur de Châlons du 11 octobre suivant.
  • Arrêt du Conseil d’Etat qui permet le transit par les ports de Bordeaux, la Rochelle, Nantes, Saint-Malo et le Havre, tant pour la sortie des ouvrages provenant des manufactures de la Flandre française, pays conquis et cédés, que pour l'entrée des matières premières servant à leur aliment, 18 novembre 1778.
  • Arrêt du Conseil d’Etat qui exempte du droit de transit tous les vins qui arriveront dans les ports de la sénéchaussée de Bordeaux pour y être embarqués, 10 septembre 1786.
  • Jean-Louis Moreau de Beaumont, Mémoires concernant les droits impositions en Europe, tome 3, Paris, Imprimerie royale, 1769, p. 526-530.
  • Encyclopédie méthodique. Finances, tome 3, Paris, chez Panckouke, 1787, p. 715 .






Citer cette notice:

Marie-Laure Legay, « Transit » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 21/11/2024
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