Traite de Charente
La perception des droits de cette
traite avait été réglée par divers arrêts, tant pour le
sel que pour les autres marchandises. Sur le muid de sel,
le coût s’élevait à 42 livres 13 sous (déclaration du 4 ao
ût 1668) ; sur les alcools,
chaque tonneau de vin ou chaque
barrique d’eau-de-vie
sortant de Saintonge vers l’Aunis et le Poitou ou même passant par les enclaves saintongeoises
se taxait à onze livres (du 5 mars 1654 et 29 novembre 1687).
Ces droits augmentèrent sensiblement. A la fin de l’Ancien
régime, le muid de sel était taxé à 43 livres et neuf
sous, le tonneau de vin à
vingt-et-une livres, la barrique d’eau-de-vie à seize
livres dix sous, sans compter les dix sous pour livre. Si
au départ le taux général du droit principal était de
vingt deniers par livre de la valeur des marchandises,
Jean-Louis Moreau de Beaumont estime en 1769 qu’en tout, les droits perçus sur les
marchandises au titre de la Traite de Charente
représentaient 20 % de leur prix, ce qui faisait un
produit important, estimé entre 160 et 180 000 livres
avant 1785, non compris les
dix sous pour livre. La
production de cognac et autres eaux-de-vie s’amplifia au XVIIIe siècle ;
elle était acheminée sur de lourdes gabarres par la
Boutonne depuis Saint-Jean-d’Angély et surtout par la
Charente depuis Angoulême, Jarnac, Cognac et Saintes.
Ces
droits de douane se cumulaient normalement avec celui
ordinaire des Cinq grosses fermes à l’entrée de l’Aunis et du Poitou, mais dans les faits, les commis des bureaux
de douane ne percevaient que l’un ou l’autre, de sorte que
le gouvernement dut leur rappeler à plusieurs reprises
leurs obligations. La diversité des tarifs et
augmentations rendait cette Traite d’une extrême
complexité ; de plus, les droits variaient suivant les
lieux d’enlèvement et les bureaux de perception « en sorte
que c’est un véritable grimoire que la connaissance de
toutes ces variétés et de toutes ces distinctions »,
affirma l’Encyclopédie méthodique. La complexité provenait
aussi du fait qu’il se levait dans cette même région
toutes sortes de droits annexes au profit du roi également
dans les bureaux de
Marennes, Ars, La Rochelle, Marans, Rochefort, Charente,
Saint-Laurent, Soubise… En outre, le gouvernement de Brouage, comprenant la
ville de La Rochelle, était excepté des droits de la
Traite de Charente, sauf sur les sels, bois de charpente,
vins et eaux-de-vie. Une
autre difficulté tenait à l’intrication avec les droits de
Convoi et comptablie de Bordeaux. Le marchand Péquinier en fit
l’expérience lorsqu’en mai 1701, il chargea au port
Maubert 18 pièces d’eau de vie faisant
37 barriques et paya au
bureau de Mortagne pour les droits de
la Traite de Charente 418 livres. Ces eaux-de-vie furent
déchargées dans ses magasins à Bordeaux et il en vendit une partie en
octobre suivant pour l’étranger ; il offrit de payer les
droits de Convoi et comptablie en déduisant ceux de 418
livres payés à Mortagne mais l’adjudicataire, Thomas
Templier, jugea que les droits étaient dus en entier.
A la limite du ressort
de la Traite de Charente et du basPoitou d’une part, et des pays rédimés à l’est d’autre
part, les habitants situés dans les quatre lieues limitrophes le
long des rivières de la Sèvre nantaise et du Lay
s’adonnaient à la fraude du sel. Lorsqu’ils allaient s’approvisionner pour leur
consommation, au lieu de prendre des congés des Fermiers de la douane de
Charente, ils se contentaient des certificats des curés
qui ne tenaient pas registre des autorisations, de sorte
que des voyages multipliés permettaient des amas et
versements abondants dans les pays rédimés et au-delà vers
les pays de gabelle. Les habitants de ces lieues limitrophes n’avaient
le droit qu’à deux boisseaux mesure de Brouage par an pour huit
personnes. Quant aux eaux-de-vie, il s’en faisait également une
fraude importante car les régimes douaniers différents
étaient intriqués les uns dans les autres. Les marchands
domiciliés dans les enclaves du Poitou (provinces de l’intérieur des Cinq grosses fermes), tant celles
situées dans l’Angoumois, c’est-à-dire dans une province
réputée étrangère, que
celles situées en Saintonge, développaient des stratégies
d’évitement pour accéder à la mer sans payer les lourds
droits de la Traite. Les habitants de la contrée d’Aigre
en particulier, achetaient des eaux-de-vie de la Saintonge pour les faire
passer chez eux sans expédition et, sous prétexte qu’elles
étaient du pays (la contrée d’Aigre avait été unie à la
Saintonge), les faisaient passer en Aunis sans payer les
droits de la Traite de Charente, ce qui concurrençait
directement les eaux-de-vie de La Rochelle qui
elles, étaient soumises à ces droits.
Sources et références bibliographiques:
-
Sources archivistiques:
- AN, G7 1147, affaire Péquinier, non datée.
-
Sources imprimées:
- Arrêt du Conseil d’Etat portant nouveau règlement pour la régie et perception des droits de la traite de Charente sur les vins et eaux-de-vie qui sont transportés de Saintonge en Aunis et en Poitou, et sur ceux qui passent d'Aunis et de Poitou par les enclaves de la Saintonge, 14 juin 1723.
- Arrêt du Conseil d’Etat portant nouveau règlement pour empêcher les abus qui se commettent par les habitants sujets aux droits de la Traite de Charente et de Brouage, 29 août 1724.
- Arrêt du Conseil d’Etat portant établissement d'une ligne sur les limites de la Saintonge, du pays d'Aunis et du Poitou et règlement pour empêcher les fraudes dans la régie et perception des droits de la traite des Charentes, 21 avril 1750.
- Arrêt du Conseil d’Etat qui, en interprétant celui du 10 février 1750, portant établissement d'une ligne sur la frontière du Poitou, limitrophe des provinces d'Angoumois, de la Marche et du Limousin, contient de nouvelles précautions pour prévenir les abus et assurer la régie et perception des droits d'entrée, de sortie et de la traite de Charente, 21 mars 1752.
- Carte du pays d’Aunis, d'une partie de la Xaintonge et bas Poitou dans laquelle sont compris les bureaux de la traitte de Charente, 1787.
- Jean-Louis Moreau de Beaumont, Mémoires concernant les droits impositions en Europe, tome 3, Paris, Imprimerie royale, 1769, p. 123-144 et 532-533.
- Encyclopédie méthodique, Finances, t. 3, article « Traite de Charente », 1787, p.728-731.
Traite de Charente » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 22/12/2024
DOI :