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Traite de Charente

Marie-Laure Legay





Droits de douane multiples qui se levaient sur les sels, vins, eaux-de-vie, cognac et marchandises qui entraient en Saintonge par les rivières de Charente, Boutonne, Seudre et Gironde et en sortaient par les mêmes rivières et ports dépendants, mais aussi sur les marchandises qui passaient par terre dans l’étendue des bureaux de cette douane situés dans l’Aunis, la Saintonge et une petite partie du Poitou. Le bureau principal de la traite de Charente était établi à Charente (aujourd’hui Tonnay-Charente), idéalement placée au lieu de rupture de charge entre le trafic maritime et le trafic fluvial où la marée se fait fortement sentir, à une lieue de Rochefort. Les autres bureaux s’étendaient du sud au nord entre la Garonne et la Lay, surtout le long des rivières et dans les petits ports. Un relevé cartographié des bureaux de 1787 permet de distinguer les bureaux d’enregistrement des droits pour le sel, par exemple à Mortagne sur la Garonne, à Saint-Laurent, Angoulin, La Rochelle, Champagné près de Luçon ou à Mareuil sur la Lay, mais surtout sur la Sèvre nantaise, les bureaux d’enregistrement pour les marchandises comme à Royan, à Riberon, à Soubise, ou encore les bureaux de la Traite sur les vins comme à Parançay … La limite nord de cette douane fut définie tardivement. Si les rivières du Lay et de la Sèvre nantaise formaient bien une zone tampon de quatre lieues limitrophes avec le bas-Poitou exempt, il fallut, par les arrêts du 8 septembre 1739 et 21 avril 1750, établir l’exact relevé de la limite grâce à un ingénieur nommé par l’intendant Le Nain, dresser l’état des paroisses concernées par cette limite et donner les dispositions précises concernant les dépôts de sel et les lieux d’approvisionnement.

La perception des droits de cette traite avait été réglée par divers arrêts, tant pour le sel que pour les autres marchandises. Sur le muid de sel, le coût s’élevait à 42 livres 13 sous (déclaration du 4 ao ût 1668) ; sur les alcools, chaque tonneau de vin ou chaque barrique d’eau-de-vie sortant de Saintonge vers l’Aunis et le Poitou ou même passant par les enclaves saintongeoises se taxait à onze livres (du 5 mars 1654 et 29 novembre 1687). Ces droits augmentèrent sensiblement. A la fin de l’Ancien régime, le muid de sel était taxé à 43 livres et neuf sous, le tonneau de vin à vingt-et-une livres, la barrique d’eau-de-vie à seize livres dix sous, sans compter les dix sous pour livre. Si au départ le taux général du droit principal était de vingt deniers par livre de la valeur des marchandises, Jean-Louis Moreau de Beaumont estime en 1769 qu’en tout, les droits perçus sur les marchandises au titre de la Traite de Charente représentaient 20 % de leur prix, ce qui faisait un produit important, estimé entre 160 et 180 000 livres avant 1785, non compris les dix sous pour livre. La production de cognac et autres eaux-de-vie s’amplifia au XVIIIe siècle ; elle était acheminée sur de lourdes gabarres par la Boutonne depuis Saint-Jean-d’Angély et surtout par la Charente depuis Angoulême, Jarnac, Cognac et Saintes.

Ces droits de douane se cumulaient normalement avec celui ordinaire des Cinq grosses fermes à l’entrée de l’Aunis et du Poitou, mais dans les faits, les commis des bureaux de douane ne percevaient que l’un ou l’autre, de sorte que le gouvernement dut leur rappeler à plusieurs reprises leurs obligations. La diversité des tarifs et augmentations rendait cette Traite d’une extrême complexité ; de plus, les droits variaient suivant les lieux d’enlèvement et les bureaux de perception « en sorte que c’est un véritable grimoire que la connaissance de toutes ces variétés et de toutes ces distinctions », affirma l’Encyclopédie méthodique. La complexité provenait aussi du fait qu’il se levait dans cette même région toutes sortes de droits annexes au profit du roi également dans les bureaux de Marennes, Ars, La Rochelle, Marans, Rochefort, Charente, Saint-Laurent, Soubise… En outre, le gouvernement de Brouage, comprenant la ville de La Rochelle, était excepté des droits de la Traite de Charente, sauf sur les sels, bois de charpente, vins et eaux-de-vie. Une autre difficulté tenait à l’intrication avec les droits de Convoi et comptablie de Bordeaux. Le marchand Péquinier en fit l’expérience lorsqu’en mai 1701, il chargea au port Maubert 18 pièces d’eau de vie faisant 37 barriques et paya au bureau de Mortagne pour les droits de la Traite de Charente 418 livres. Ces eaux-de-vie furent déchargées dans ses magasins à Bordeaux et il en vendit une partie en octobre suivant pour l’étranger ; il offrit de payer les droits de Convoi et comptablie en déduisant ceux de 418 livres payés à Mortagne mais l’adjudicataire, Thomas Templier, jugea que les droits étaient dus en entier.

A la limite du ressort de la Traite de Charente et du basPoitou d’une part, et des pays rédimés à l’est d’autre part, les habitants situés dans les quatre lieues limitrophes le long des rivières de la Sèvre nantaise et du Lay s’adonnaient à la fraude du sel. Lorsqu’ils allaient s’approvisionner pour leur consommation, au lieu de prendre des congés des Fermiers de la douane de Charente, ils se contentaient des certificats des curés qui ne tenaient pas registre des autorisations, de sorte que des voyages multipliés permettaient des amas et versements abondants dans les pays rédimés et au-delà vers les pays de gabelle. Les habitants de ces lieues limitrophes n’avaient le droit qu’à deux boisseaux mesure de Brouage par an pour huit personnes. Quant aux eaux-de-vie, il s’en faisait également une fraude importante car les régimes douaniers différents étaient intriqués les uns dans les autres. Les marchands domiciliés dans les enclaves du Poitou (provinces de l’intérieur des Cinq grosses fermes), tant celles situées dans l’Angoumois, c’est-à-dire dans une province réputée étrangère, que celles situées en Saintonge, développaient des stratégies d’évitement pour accéder à la mer sans payer les lourds droits de la Traite. Les habitants de la contrée d’Aigre en particulier, achetaient des eaux-de-vie de la Saintonge pour les faire passer chez eux sans expédition et, sous prétexte qu’elles étaient du pays (la contrée d’Aigre avait été unie à la Saintonge), les faisaient passer en Aunis sans payer les droits de la Traite de Charente, ce qui concurrençait directement les eaux-de-vie de La Rochelle qui elles, étaient soumises à ces droits.





Sources et références bibliographiques:

    Sources archivistiques:
  • AN, G7 1147, affaire Péquinier, non datée.

    Sources imprimées:
  • Arrêt du Conseil d’Etat portant nouveau règlement pour la régie et perception des droits de la traite de Charente sur les vins et eaux-de-vie qui sont transportés de Saintonge en Aunis et en Poitou, et sur ceux qui passent d'Aunis et de Poitou par les enclaves de la Saintonge, 14 juin 1723.
  • Arrêt du Conseil d’Etat portant nouveau règlement pour empêcher les abus qui se commettent par les habitants sujets aux droits de la Traite de Charente et de Brouage, 29 août 1724.
  • Arrêt du Conseil d’Etat portant établissement d'une ligne sur les limites de la Saintonge, du pays d'Aunis et du Poitou et règlement pour empêcher les fraudes dans la régie et perception des droits de la traite des Charentes, 21 avril 1750.
  • Arrêt du Conseil d’Etat qui, en interprétant celui du 10 février 1750, portant établissement d'une ligne sur la frontière du Poitou, limitrophe des provinces d'Angoumois, de la Marche et du Limousin, contient de nouvelles précautions pour prévenir les abus et assurer la régie et perception des droits d'entrée, de sortie et de la traite de Charente, 21 mars 1752.
  • Carte du pays d’Aunis, d'une partie de la Xaintonge et bas Poitou dans laquelle sont compris les bureaux de la traitte de Charente, 1787.
  • Jean-Louis Moreau de Beaumont, Mémoires concernant les droits impositions en Europe, tome 3, Paris, Imprimerie royale, 1769, p. 123-144 et 532-533.
  • Encyclopédie méthodique, Finances, t. 3, article « Traite de Charente », 1787, p.728-731.






Citer cette notice:

Marie-Laure Legay, « Traite de Charente » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 22/12/2024
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