Franc-salé
La
gestion de ce privilège consista donc à revenir sur son
caractère systématique en conditionnant son
renouvellement. En effet, la multiplication des offices,
auxquels le privilège de
franc-salé était attaché, provoquait une réduction
significative du produit des gabelles. Louis XIV, au
sortir de la guerre de Succession d’Espagne, réclama une
taxe de renouvellement pour tous les officiers nouveaux
créés depuis 1689 (1712). A la mort de Louis XIV,
la situation financière était telle que le Régent
envisagea la suppression de ce privilège en même temps que
la réduction des pensions (août 1717). Toutefois, le franc-salé étant attaché à la
finance de l’office, il dut revenir sur cette mesure et
réintégrer les officiers dans l’état de franc-salé,
d’abord les officiers supérieurs (édit d’avril 1719), puis l’ensemble des
officiers ayant-droits (1720). L’encadrement de ce privilège consista donc, à partir
de cette date, à contrôler l’attribution selon des
modalités administratives plus rigoureuses. Comme les
brevets de pensions, les états de francs-salés, prévus par
le chapitre XIII de l’ordonnance de
1680, firent l’objet de vérifications
multiples pour limiter les double-emplois ou abus en tout
genre. On exigea par exemple la présentation des
provisions d’offices auprès du Contrôle général des
finances ou de l’intendant des finances en charge des
francs-salés avant que l’adjudicataire de la Ferme ne
délivrât le sel. De même, la monarchie se mit à contrôler
les officiers vétérans et veuves d’officiers en
conditionnant le franc-salé au paiement préalable de la
capitation. Les ayants-droits, soit à titre onéreux, soit
à titre de pauvreté (sel d’aumône), n’étaient donc plus
systématiquement exemptés. De même, les prétendants
devaient s’adressaient au Conseil de la Ferme générale qui examinait la demande et la
soumettait au Contrôleur général des finances.
Après la
guerre de Sept-Ans, les demandes de franc-salés furent
traitées avec davantage de rigueur encore et plus souvent
rejetées. L’abbé Terray rechigna clairement à accorder le
privilège. « On ne peut augmenter l’état des franc-salés »
affirma t’il en 1771. Il
joignit le geste à la parole en mentionnant souvent en bas
des requêtes reçues à ce sujet : « cela ne se peut ».
D’ailleurs, le privilège ne fut pas accordé aux nouveaux
conseils supérieurs créés par le chancelier Maupeou. Quand
la réforme judiciaire fut annulée, les anciens officiers
de justice de retour se virent réattribuer le franc-salé
au compte-goutte. Par exemple, les officiers de la
sénéchaussée et du siège présidial de Lyon furent déboutés de leur demande en 1777, bien qu’ils jouissaient
du privilège de franc-salé avant l’édit de septembre 1771. De même, Terray établit
une taxe de 8 sous pour livre
sur les parties du prix du sel qu’étaient tenus de payer
les privilégiés auxquels il en était distribué à titre de
franc-salé ou de gratification. L’état de franc-salé
comprenait l’ensemble des ayant-droits et s’arrêtait
annuellement au Conseil. Il constituait un outil de
travail à partir duquel la Ferme générale comptait en
recette ce que le roi lui devait en tant que débiteur au
titre des francs-salés qu’il accordait. L’état des
francs-salés pour l’année courant d’octobre 1763 à septembre 1764 listait 1) les sels
accordés aux officiers des compagnies supérieures et
autres, 2) les sels de privilège pour les couvents et
communautés, 3) les sels de gratification accordés à plusieurs
gouverneurs et officiers de place et aumônes à plusieurs
maisons religieuses et communautés mendiantes, 4) les sels
accordés aux officiers des chancelleries établies près des
cours et conseils supérieurs et provinciaux, et 5) les
sels de franchise accordés aux receveurs généraux des
finances, le tout dans chaque département.
Curieusement, le coût de la
première catégorie ne fut pas évalué, sans doute parce le
le privilège était rattaché à la finance de l’office. En
revanche, celui de la deuxième catégorie fut chiffré à 111
muids, six septiers deux minots trois quarts, soit, en
convertissant au prix des différents greniers et, pour les
franchises, au prix marchand, un montant de 226 666 livres
que le roi dut compter à l’adjudicataire de la Ferme, Jean-Jacques
Prévost, sur le prix de la deuxième année de son bail ;
celui de la troisième catégorie fut chiffré à trente muids
et quatre septiers trois minots et un quart, ce qui,
suivant le prix réglé en chaque grenier faisait une somme
de 57 718 livres, auxquelles il fallait ajouter 11 543
livres pour les 4 sols pour livre de la somme principale ;
soit un total de 69 261 livres que le roi dut compter à l’adjudicataire ;
la 4e catégorie fit un coût de 22 776 livres et la 5e
catégorie 6 027 livres. Le franc-salé représentait donc
une somme de 324 730 livres sans compter les muids
accordés aux officiers des cours supérieures, ni les
suppléments qui s’ajoutaient lorsque le roi accordait la
demande d’un requérant.
Sources et références bibliographiques:
-
Sources archivistiques:
- AD Rhône, 6C 22, produit des petites gabelles, 1712-1714.
- AN, G1 23, f°51, 66 verso, lettre de Terray, 21 février 1771, f° 91, 92.
- AN, G1 103 : état des franc-salés pour l’année 1763-1764.
- AD du Rhône, 5C/4, registre d’ordre, f° 147 v°, sur les Dombes.
- AD du Rhône, 6C/2, correspondance du directeur, f° 34, lettre du 16 septembre 1777.
- AD du Rhône, 6C/22, produit des petites gabelles 1712-1714.
- AN, G1 91, dossier 47 et 48 : « sels de privilèges », arrêt du Conseil du 29 novembre 1772 (huit sous pour livre) et « état des sels délivrés par gratification de la Ferme générale, grenier de Paris », bail Mager.
-
Sources imprimées:
- Ordonnances sur le fait des gabelles des aides…, mai et juin 1680, chapitre XIII.
- Déclaration du Roy qui confirme les pourvus des offices créez depuis le 1er janvier 1689 dans la jouissance des franc-salez à eux attribuez, en payant une finance sur le pied du denier 6 de la valeur du sel, Versailles, premier octobre 1712.
- Arrêt du conseil d’Estat du Roy pour le rétablissement des francs-salés, 27 avril 1720.
- Arrêt du conseil d’Estat du Roy qui règle les formalités à observer par les officiers des chancelleries près les cours pour la perception de leur franc-salé, 23 août 1729.
- Arrêt du conseil d’Estat du Roy qui ordonne que le franc-salé sera délivré aux officiers vétérans, honoraires et veuves en justifiant du paiement de la capitation de l'année qui aura précédé celle dans laquelle le franc-salé sera délivré, 22 août 1730.
Franc-salé » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 21/11/2024
DOI :