Marie-Laure Legay
L’inspection de 1709 révéla l’impéritie de
toute la brigade de la
Ferme : employés depuis quinze, vingt ou vingt-cinq ans,
les gardes y avaient leurs habitudes et leur commerce.
L’inspecteur suggéra le remplacement de tout le personnel.
Cependant, la principauté demeura un haut lieu de la contrebande, du sel
vers les provinces de Champagne, Trois-Evêchés
et Rethelois; du tabac qui entrait depuis le
duché de Bouillon ; des droits d’aides et de traites. Les lieues limitrophes n’étaient
guère respectées et les employés soupçonnaient toujours
marchands et particuliers de faire des magasins et dépôts.
En 1776-1777, la ville fut le théâtre d’une véritable
révolution tournée contre la Ferme générale : à la suite
d’une confirmation des privilèges pour le sel (1776), les Sedanais, toute catégorie
sociale confondue, procédèrent à des attroupements de
centaines de personnes pour s’affranchir de tous droits et
obtenir la liberté du commerce du tabac. Le 26 juin 1777 à Sedan, le 6 juillet à Givonne, le 7, 12, 14
juillet… les rébellionnaires armés, soutenus par les
notables, se rendirent à Bouillon et y ramenèrent tabac en poudre, fuseaux,
carottes en toute impunité. Jean Nicolas conclut à
l’impuissance des autorités sans plus de précision. Il
faut toutefois signaler que l’impunité dont les Sedanais
jouissaient ressortissait à plusieurs causes. L’attitude
de défi des protestants de la ville perdurait encore au
tournant des XVIIe et XVIIIe siècles, même si la
communauté avait bien diminuée, d’après les conclusions de
Denis Mc Kee ; elle se prolongeait sans doute par la
présence, à Bouillon, de sociétés typographiques, dont
celle de Pierre Rousseau, journaliste et rédacteur du
Journal encyclopédique. La ville de Bouillon
était proche de quelques lieues et accessible
par la grand route construite en 1773. Là, comme à Sedan, l’administration municipale
jouissait d’une certaine autonomie.
Par ailleurs, la
manufacture de draps fins de la région sedanaise, réputée
dans toute l’Europe, était l’objet de relations ambiguës
entre les habitants et les autorités versaillaises, comme
pour le sel : les draps étaient déchargés depuis 1718 de tous droits des Cinq
grosses fermes, mais aussi
des tarifs appliqués aux provinces réputées étrangères ; ils
étaient marqués par la Ferme, munis de passavants mais détaxés
de droits de douane, ce qui entretenait l’idée d’une
liberté totale au sein de la population.
Sources et références bibliographiques:
Marie-Laure Legay, « Sedan (principauté) » (2023) in Marie-Laure Legay, Thomas Boullu (dir.), Dictionnaire Numérique de la Ferme générale, https://fermege.meshs.fr.
Date de consultation : 20/05/2024
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